Née en 1899, Anita Conti a été une grande voyageuse et la première femme océanographe française. En étudiant la pêche et en suivant les marins, elle a contribué à la prise de conscience écologique sur la fragilité des océans. Elle laisse également des milliers de photographies conservées aujourd’hui en Bretagne.
Rien ne prédisposait Anita Anita Caracotchian, née en mai 1899 en région parisienne dans une famille d’origine arménienne, à devenir l’une des figures presque mythiques du monde maritime français et l’une des grandes photographes du XXe siècle. Née dans une famille aisée, Anita Caracotchian voyage beaucoup en Europe avec ses parents pendant la Belle Epoque avant que les affres du siècle ne viennent les rattraper.
Premières expériences maritimes
En 1914, la famille Caracotchian s’est déjà installée à l’île d’Oléron, près de l’océan atlantique que la jeune Anita connaît bien puisque dès son plus jeune âge, ses parents l’ont amenée régulièrement en Bretagne et en Vendée. Elle passe notamment plusieurs séjours à Perros-Guirec. Les paysages maritimes, les phénomènes des marées la marquent profondément. « Les îles de granit ressemblaient à un grand animal liquide », écrit-elle plus tard en se remémorant ses souvenirs d’enfance dans le Trégor.
Elle se lie d’amitiés avec les enfants de pêcheurs et embarque régulièrement sur des navires où, comme ses camarades, elle participe à différentes tâches. Elle s’initie à la navigation sur cet océan dont elle estimait qu’il lui avait toujours été « aussi familier que la terre ferme ». A l’âge de huit ans, elle fait également la première rencontre avec l’océanographie grâce à une biologiste du Muséum d’histoire naturelle qui prélève des échantillons sur les grèves bretonnes.
Avec les pêcheurs
Après la guerre, elle devient relieuse de livres et épouse le diplomate Marcel Conti en 1927. Mais l’appel de la mer est toujours là. Anita Conti dévore les ouvrages maritimes et embarque régulièrement sur des navires de pêche. Pour satisfaire à sa passion, elle se lance dans le journalisme. Elle publie régulièrement des articles sur le monde maritime. Elle passe énormément de temps sur les navires de pêche, participe à des campagnes de pêche sur des morutiers ou des harenguiers, notamment dans le golfe de Gascogne et à Terre-Neuve.
Anita Conti observe, prend des notes et photographie ces travailleurs de la mer aux rudes conditions de travail. Ses articles la font remarquer par le monde scientifique. En 1935, l’Office scientifique et technique des pêches maritimes, l’ancêtre d’Ifremer, lui propose d’intégrer son organisme de recherche pour vulgariser ses travaux. Anita Conti devient la première femme océanographe.
Prise de conscience écologique
En 1939, elle participe à une nouvelle campagne en arctique à bord du chalutier le Viking. Elle prend conscience des risques de la surexploitation des océans. Elle est l’une des pionnières de la prise de conscience écologique sur la fragilité des océans, dont elle n’aura de cesse d’informer le grand public.
En 1941, elle embarque sur un chalutier malouin, réfugié en zone libre, pour une longue campagne au large des côtes africaines. Elle est chargée par le gouvernement de dresser les cartes des fonds de pêche au large de la Mauritanie et du Sénégal. Le navire ramène près de trois cents tonnes de poissons destinés à nourrir les populations françaises. Pendant de nombreuses années, Anita Conti va observer les pêcheurs le long des rivages sahariens, décrivant les techniques locales de pêche et découvrant de nouvelles espèces. Anita Conti se passionne pour l’Afrique et contribue à y développer l’industrie de la pêche à travers des conserveries et des fumeries. Elle participe même à une expérience de pêcherie de requins. Elle fonde sa propre entreprise au Sénégal, convaincue que la mer peut nourrir une partie du continent africain.
En 1952, elle est de retour à Paris et continue à faire connaître le monde de la mer. En décembre 1960, elle réussit ainsi à convaincre l’équipage d’un navire lorientais de ne pas rejeter à la mer des poissons sabres, considérés comme invendables. Anita Conti était en effet révulsée par le gaspillage des ressources. Grâce à une campagne médiatique efficace, les 500 kg de poissons sabres se vendent très cher. Anita Conti est considérée comme l’une des pionnières de la pêche durable. Elle s’investit d’ailleurs dans le développement de la l’aquaculture.
Anita Conti passe régulièrement en Bretagne, évoque la mer lors de nombreuses conférences. Elle embarque jusqu’à plus de 85 ans avant de s’installer à Douarnenez. Après son décès en 1997, elle laisse un impressionnant fonds photographique de près de 45 000 clichés, désormais numérisé et mis en valeur lors d’expositions.
Pour en savoir plus
Anita Conti, Racleurs d’Océans, Paris, Payot 1998.
Anita Conti, L'Océan, les Bêtes et l'Homme ou l'ivresse du risque, Paris, Payot, 1971
Catherine Reverzy, Anita Conti : 20000 lieues sur les mers, Paris, Odile Jacob, 2006.
Clothide Leton, « Anita Conti, pionnière des océans », Bretagne magazine histoire, mai 2014.
Site internet de l’association « Cap sur Anita Conti ».