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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Pierre Péron, peintre du Ponant

Publié le 31 Mars 2016 par ECLF in Histoire de Bretagne

Pierre Péron, peintre du Ponant

Auteur d’une œuvre foisonnante, Pierre Péron a puisé son inspiration dans l’univers maritime, dans les ports et particulièrement dans celui de Brest. Cet été, plusieurs expositions rendent hommage à cet artiste au pinceau trempé dans l’eau de mer.

Né en 1905 à Brest, Pierre Péron commence à dessiner très jeune. Dès 16 ans, il prend pour modèle les navires qui mouillent dans la Penfeld, particulièrement ceux d’une Marine nationale alors à son apogée dans l’entre-deux-guerres. Il croque aussi les personnages qui font tout le caractère de sa cité. Il n’a pas son pareil pour retranscrire la gouaille et les trognes des P’tits zefs de Brest comme des Yannicks de Recouvrance.

Brest d’avant-guerre

Le bac en poche, il part pour Nantes se former à l’école des beaux-arts. Mais il revient régulièrement sur les bords de la rade, participant activement à la vie culturelle brestoise. Il expose ainsi à la galerie Saluden. Avant son service militaire, il débute sa collaboration avec La Dépêche de Brest, qui se poursuivra, après-guerre, au Télégramme. Il entame même une bande dessinée, Peskett et bigoudi. Comme des personnages vivants, plusieurs monuments brestois comme la grande grue de l’arsenal ou le pont tournant occupent une place centrale dans son œuvre de jeunesse qui constitue un témoignage important sur le Brest d’autrefois. Il a par ailleurs laissé de nombreux tableaux reconstituant la cité du Ponant à la grande époque de la marine à voile.

À 21 ans, il part travailler à Paris, dans la publicité. Là-bas, il fréquente d’autres artistes bretons exilés, notamment plusieurs membres d’un nouveau mouvement artistique, les Seiz Breur, qui entendent moderniser et défolkloriser l’art breton. Il travaille, à partir de 1936, sur une collection de bijoux d’inspiration celtique, Kelt, pour la maison Rivière à Paris. L’année suivante, il participe à la décoration du pavillon de la Bretagne à l’exposition universelle de Paris.

Mobilisé au début de la guerre, il est fait prisonnier et envoyé en Autriche. Il parvient à revenir en 1942 et rejoint sa famille repliée su Plougoulm en raison des bombardements sur Brest. En septembre 1944, il assiste de loin à la destruction de sa ville natale, sous un déluge de feu et d’acier. Traumatisme qui va alimenter également son œuvre comme la renaissance du grand port du Ponant, reconstruit « à l’américaine » après la guerre.

Peintre de la Marine

Il repart ensuite à Paris pour devenir professeur de dessin. Une escale sur les bords de Seine qui durera jusqu’à la retraite, mais sera ponctuée de fréquents embarquements. Son atelier parisien, dont il disait qu’on pouvait voir la mer par beau temps, est encombré de maquettes de navires. Peintre de la marine, Pierre Péron monte régulièrement sur des bâtiments de la Royale. En 1955, il se rend ainsi avec le Jean-Bart jusqu'à New York et laisse de nombreux tableaux des ports de l’Atlantique.

« La mer n’a cessé de l’occuper, tout un versant de son œuvre lui est consacré », relève sa belle-fille Françoise Péron qui a écrit plusieurs ouvrages de référence sur l’artiste. Pierre Péron participe à plusieurs campagnes sur des navires de pêche, comme sur le Dieu protège, en 1947, dans l’archipel d’Ouessant. Il est séduit par les ports de Roscoff, Lesconil et particulièrement Camaret où il peut contempler à la fois les chantiers navals et les épaves alignées des langoustiers… Vie et mort des bateaux concentrée sur un même lieu. D’une manière générale, Pierre Péron aime capter les lumières marines, les jeux d’eau et du ciel, la perspective des coques et des mats, la géométrie des rochers et des falaises. Il représente avec brio cette patine qui, inexorablement, recouvre tous les objets de bord de mer.

Brest toujours

Si Pierre Péron a connu une forme d’envoûtement pour l’île d’Ouessant et sa nature si puissante, c’est bien Brest qui demeure son port d’attache. Il revient s’y installer en 1965 et pose ses chevalets dans une tour, rue de l’Église. Situé à Recouvrance, cet atelier propose une vue continue sur le château de Brest et l’embouchure de la Penfeld. Tous les jours, Pierre Péron peint et dessine le spectacle sans cesse renouvelé du port militaire en constante activité.

De même, il parcourt cette nouvelle cité de Brest qui a émergé des décombres de la Seconde Guerre mondiale. « La ville entière était son atelier », écrivait son ami Pierre-Jakez Hélias. Il arpente Brest et l’étudie comme on le ferait d’un palimpseste où il aurait suffi de gratter un peu le parchemin pour voir ressurgir les vieilles maisons et les rues de ce qui fut décrit comme le « Versailles de la mer » au XVIIIe siècle.

Pierre Péron laisse une œuvre emprunte d’humour et d’humanité d’une extraordinaire diversité et composée de plusieurs centaines d’œuvres : peinture, dessins, dessins de presse, affiches, mais aussi fresques murales ou statues. Peintre de marine, artiste brestois et populaire, Pierre Péron occupe une place prépondérante dans l’histoire de l’art breton du XXe siècle.

Tous les Brest de Pierre Péron

Très peu de villes ont eu la chance d’avoir un peintre qui, tout au long de sa vie, a représenté « sa ville » sous tous ses aspects et dans toutes les métamorphoses de ses visages au cours du temps. C’est pourtant le cas de Brest avec Pierre Péron qui l’a prise pour sujet de 1921 (il avait 16 ans) jusqu’à son décès en 1988. Brest fut le port d’attache de cet artiste reconnu internationalement. Le lieu où il revenait inlassablement, sa ville constituant la toile de fond de son esprit. L’œuvre de Pierre Péron constitue un témoignage exceptionnel sur l’histoire mouvementée de Brest au siècle dernier. Il demeure d’actualité, son dessin réaliste ou humoristique excellant à dépeindre sans pareil les charmes de la cité du Ponant. Dans la lignée du Pierre Péron de A à Z, Françoise et Yves-Marie Péron rendent un nouvel hommage à ce grand artiste brestois.

Tous les Brest de Pierre Péron, Coop Breizh, Spézet, 2014.

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