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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1896. Le drame du Drummond Castle face à Molène

Publié le 21 Décembre 2016 par ECLF in Histoire de Bretagne

1896. Le drame du Drummond Castle face à Molène

1896. Le naufrage du Drummond Castle

Le 16 juin 1896, un paquebot britannique, le Drummond Castle, sombre en mer d’Iroise. Pendant plusieurs jours, les Molénais et les Ouessantins recueillent des corps. Leur dévouement comme l’horreur du drame ont profondément marqué l’opinion publique sur le Continent comme en Grande-Bretagne dont les autorités ont récompensés les insulaires à travers différents équipements.

En ce soir du 16 juin 1896, les passagers du Drummond Castle ont revêtu leurs habits de soirée pour la traditionnelle fête de l’arrivée. Celle-ci est prévue pour le lendemain, après la traversée de la Manche. Le navire a quitté Le Cap, en Afrique du Sud, le 29 mai. C’est un solide paquebot mixte qui accueille près de deux cents cinquante personnes, dont une centaine de membres d’équipage. Construit en 1881, par la Castle line, une compagnie basée à Glasgow, il est équipé de deux mâts et d’un moteur. Il assure également le fret de marchandises diverses en provenance d’Afrique.

 

Quelques minutes pour sombrer

Mais si nombre de passagers sont heureux de retrouver la Grande-Bretagne, le capitaine, William Pierce, est inquiet. Un épais brouillard s’est abattu sur la pointe Bretagne dont il n’ignore pas les dangers. Se trompant dans ses calculs, il pense avoir dépasser les îles du Ponant lorsque, vers 23 heures, il heurte un récif aux Pierres Vertes, à l’ouest de Molène. La coque est déchirée au niveau de la ligne de flottaison. Il ne faudra que quelques minutes au navire pour sombrer.

Dans l’archipel et à Molène, personne ne s’est aperçu du drame ou n’a entendu quoique ce soit. Le lendemain matin, le patron de la Couronne de Marie, en relevant ses casiers, repêche sur deux naufragés à moitié morts de froid. Il est 7 heures. Mais personne dans l’équipage ne parle anglais et les deux survivants sont ramenés à Molène. L’ampleur du drame échappe encore à tout le monde d’autant que, comble de malchance, le télégraphe permettant de communiquer avec le Continent est en panne.

 

Découvertes macabres

Au même moment, d’autres pêcheurs tombent sur des débris et des caisses flottantes. Le patron de l’Augustine repêche un puis plusieurs corps ; un autre navire embarque la dépouille d’un bébé d’un an. En tout, ce ne sont pas moins d’une vingtaine de cadavres qui sont ramenés sur l’île ce jour-là. Séraphine Cuillandre, transforme son café en centre d’accueil et s’occupe des deux rescapés qui sont ensuite transportés sur le continent où la nouvelle du naufrage se diffuse.

Le canot de sauvetage, le Roussin, est mis à flot pour retrouver des survivants. Pendant plusieurs heures, les hommes d’équipage rament autour de l’archipel, découvrant de nombreux débris, mais pas âme qui vive. Au total, seules trois personnes auront survécu à ce terrible drame. Un troisième rescapé est en effet découvert par un Ouessantin, épuisé et accroché à une épave.

 

Dévouement et dignité

Face à cette situation exceptionnelle, les autorités de l’île (le maire et le recteur) réagissent admirablement en prenant différentes initiatives. Chaque cadavre se voit ainsi attribuer un numéro afin de faciliter son identification, tandis que les effets personnels sont soigneusement rangés. Le recteur effectue des bénédictions et les corps sont veillés par les insulaires. Toute l’île se recueille avec dignité lors de la levée des corps et leur enterrement dans le cimetière communal. Contrairement à son homologue ouessantin, le recteur Le Jeune, n’aura aucune appréhension a enterrer des protestants près de son église.

Le 19 septembre, le vice-consul britannique et des représentants des familles arrivent à Ouessant et Molène. Ils se recueillent devant les sépultures des noyés et les nouvelles dépouilles découverts dans la journée. Ainsi, le corps d’un certain Reed, tout juste repêché, peut être reconnu par son frère. Il sera ensuite rapatrié en Angleterre.

Durant plus d’un mois, la mer va rendre des corps retrouvés jusque sur la côte léonarde. Au total, une centaine de dépouilles ont été repêchées sur deux cent cinquante passagers du Drumond Castle dont l’épave sert de suaire aux autres. Le spectacle a été particulièrement éprouvant pour les Molénais, avec la découverte de cadavres de femmes enserrant leurs enfants. La presse parisienne et britannique s’empare de l’événement et louent le dévouement des habitants de ces « îles de la miséricorde » seloon l’expression d’Henri Queffelec. Les journalistes mettent particulièrement en valeur la figure de Sraphine Cuillandre. Enfin, dernière conséquence du drame, le phare de la Jument est construit quelques années plus tard grâce à des dons. Il est inauguré en 1904.

 

 

L’Angleterre reconnaissante envers les Molénais

Peuple de marins, habitués aux fortunes de mer, les Anglais vont se montrer particulièrement reconnaissants envers les Molénais et les Ouessantins. Quelques mois après le drame du Dummond Castle, de nombreux insulaires vont recevoir des médailles. Le journal L’Illustration rapporte ainsi que : « Afin de rendre hommage à ces actes de généreuse initiative, la reine d’Angleterre a voulu instituer une médaille commémorative destinée à tous ces braves gens. A la fin du mois d’Avril, M. Marchant Gosselin, ministre plénipotentiaire, chargé spécialement de la distribution de ces récompenses, débarquait en France. » Une émouvante cérémonie est organisée au cimetière de Molène. Pour pallier au manque d’eau potable dans l’île, la reine Victoria finance la construction de la « citerne des Anglais », un impluvium destiné à collecter l’eau de pluie. Elle comporte 26 dalles en mémoire des 26 Britanniques enterrés sur l’île. L’archevêque de Canterbury, la plus haute autorité spirituelle de l’église anglicane, a donné un ciboire en or au recteur. Enfin, les autorités britanniques offrent une horloge pour l’église et participèrent à l’achèvement du clocher.

 

A lire :

Henri Queffelec, Les Îles de la miséricorde, Bartillat, 1999.

Alain Lamour et Cécile Lamour-Crochet, Catastrophes, accidents et faits divers en Bretagne, la mer, Coop Breizh, 2013.

François Bellec, Les Sauveteurs : histoire folle et raisonnée du sauvetage en mer, Le Chasse-Marée, 2008.

Les articles du très complet site internet : molene.fr, consacré à l’histoire de l’île.

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