Les lignes de chemin de fer à voie métrique connaissent un développement important à la fin du XIXe siècle. Avec plus de 400 kilomètres de voies, le Réseau breton en était l’un des plus longs de France et constituait une tentative originale de mise en valeur du centre Bretagne.
Le train arrive dans les années 1850 en Bretagne, via Rennes et Nantes, puis la décennie suivante à la pointe de la péninsule. Il contribue largement au développement de la région, mais de larges zones ne sont alors pas desservies, particulièrement dans le centre Bretagne. L’état des routes y laisse à désirer, tant pour les marchandises que les passagers. Quant à l’automobile, elle n’a pas encore été inventée…
Rapidement, les pouvoirs locaux comprennent l’enjeu de la construction de réseaux secondaires pour mailler le territoire. Plusieurs lois, en 1881, déclarent d’utilité publique la construction de lignes secondaires en Bretagne, notamment en Finistère et Côtes-du-Nord, où une convention est passée en juillet 1883, avec la Compagnie générale des chemins de fer de l’ouest.
Voies métriques et réseau en étoile
Les ingénieurs optent pour des voies métriques (l’écartement entre les rails est d’un mètre, moins que pour le réseau standard), moins coûteuses à mettre en place. Ils ont surtout l’idée d’un réseau en étoile qui rayonnerait depuis Carhaix. L’histoire rejoint la géographie, puisque la capitale du Poher avait été au centre d’un important carrefour de voies romaines durant l’Antiquité.
En 1885, le projet est validé et plusieurs lignes sont construites vers Loudéac et la Brohinière, afin de relier Carhaix au Bassin rennais ; vers Guingamp et vers Morlaix, où des jonctions ont lieu avec la ligne Paris-Brest ; vers Châteaulin et vers Rosporden, deux gares de la ligne Brest-Nantes. La Compagnie des chemins de fer de l’ouest afferme l’exploitation de ce réseau, qu’on baptise bientôt « Réseau breton » à la Société générale des chemins de fer économiques. Dans les années 1960, elle devient Chemins de fer et transports automobiles (CFTA), appartenant désormais au groupe Véolia.
Le Réseau breton rejoint également plusieurs autres réseaux secondaires, construits à la même époque, dont celui des Côtes-du-Nord qui se développe dans les années 1900. Par la suite, une extension de la ligne-Carhaix-Châteaulin est décidée, en 1909, vers le port de Camaret. Elle ne sera mise en service qu’en 1925. De même, peu avant la Seconde Guerre mondiale, le Réseau breton récupère la ligne Pont-L’Abbé-Saint-Guénolé, dans le pays bigouden.
Trains patates
Avec ses 426 kilomètres de voies métriques, le Réseau breton n’a pas été construit pour la rapidité, mais pour desservir un maximum de communes rurales. La vitesse des trains est très lente et, dans les côtes, il n’est pas rare de voir des passagers descendre pour aller se soulager ! Le réseau est à voie unique, les trains ne se croisent que dans les gares, ce qui donne lieu à la mise en place d’un système de bâton-témoin pour signaler aux conducteurs si la voie est libre. Du moins, jusqu’à l’invention du téléphone qui améliorera beaucoup les choses.
Si la vitesse n’est pas l’atout du réseau breton, son maillage du territoire est extraordinaire. Au début du XXe siècle, le centre Bretagne compte plus de 200 000 habitants (moins de la moitié aujourd’hui). Le train permet d’acheminer les marchandises vers le réseau principal. On peut ainsi voir passer les « trains patates » regorgeant de pommes de terres ou revenant avec du matériel agricole. Il permet ainsi de d’amener les amendements marins nécessaires à l’amélioration des cultures dans le centre du pays.
Plusieurs lignes annexes permettent ainsi au Réseau breton de passer par les carrières ou les industries locales. Les ardoisières, particulièrement celles de Maël-Carhaix, connaissent un important développement. Les chevaux de la région de Callac sont aussi transportés grâce à lui. Le trafic voyageur est également régulier, avec des trains supplémentaires mis à disposition lors des grandes occasions, comme les grandes foires ou les courses cyclistes de Châteaulin.
Déclin et reconversion
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le Réseau breton transporte plusieurs centaines de milliers de passagers et de tonnes de fret chaque année. Mais la situation financière reste difficile, notamment avec la concurrence de la route et de l’autocar. Les dégradations subies pendant la Seconde Guerre mondiale, puis l’exode rural des années 1950-1960, aggravent la situation. Peu à peu, les lignes sont abandonnées, à l’exception d’une seule : Carhaix-Guingamp-Paimpol, dont les voies métriques sont abandonnées pour des voies standards. Le matériel et les rails sont enlevés et revendus. Mais, depuis les années 1990, les anciennes voies du Réseau breton ont été transformées en chemin de randonnée, offrant, sur plusieurs centaines de kilomètres, l’occasion de découvrir une Bretagne intime, aux paysages préservés.
La gare de Carhaix
La création du Réseau breton va donner une nouvelle importance à la ville de Carhaix qui, après avoir été l’une des plus importantes cités romaines de l’ouest de la Gaule, avait connu un long déclin depuis le Moyen Âge, même si la cité restait un important centre commercial, à la croisée de nombreuses routes. Dans les années 1880, une importante gare est donc construite. A son apogée, elle compte 6 kilomètres de voies et 70 aiguillages. Dans les années 1930, en été, près de 40 trains quittent Carhaix chaque jour. Le lieu devient un important centre de manutention, avec la création d’ateliers d’entretien et de réparation et la construction d’une gare de voyageurs et d’un hall des marchandises. Le développement de la gare encourage celui de nouveaux quartiers pour les cheminots et les cadres du Réseau breton, à l’est de l’ancienne cité gallo-romaine. L’arrivée d’ouvriers qualifiés entraîne également des changements socio-politiques et le Réseau breton favorise ainsi la diffusion des idées de gauche dans le centre Bretagne. Les cheminots sont enfin attachés à leur identité, même si l’emploi du breton est, théoriquement, interdit dans les années 1920, afin d’éviter les moqueries dans cette langue contre les cadres. C’est ici, en 1946, qu’est créé l’un des tous premiers bagadoù de Bretagne, les Paotred an hent houarn.