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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

913. Les Vikings détruisent Landévennec

Publié le 4 Août 2017 par ECLF in Histoire de Bretagne

913. Les Vikings détruisent Landévennec

 

 

 

La plus importante des abbayes bretonnes du haut Moyen Âge subit, en 913, la fureur des hommes du Nord. Le sanctuaire de Gwénolé est incendié, les sépultures des défunts sont profannés. Quant aux moines rescapés, ils préfèrent émigrer plusieurs décennies tout en jouant un rôle important pour chasser l’envahisseur.

Installée sur les berges de l’Aulne, à proximité de la rade de Brest, Landévennec est l’une des plus anciennes abbayes d’Europe toujours en activité, puisqu’elle peut se targuer de quinze siècles d’une histoire souvent tumultueuse. Elle est fondée à la fin du Ve siècle par, Gwenole, Winwalloé en ancien breton.

C’est un moine breton est issu d’une famille bretonne récemment installée en Armorique. Son père, Fracan, aurait fondé Ploufragan près de Saint-Brieuc. Gwenole est un temps disciple de saint Budoc, sur l’île Lavret, près de Bréhat. Puis il part fonder un monastère, entouré de onze compagnons. L’historien du XIXe siècle, Arthur de la Borderie, situait à l’an 485, la création de Landévennec, le « monastère de Gwenolé ». Les fouilles archéologiques ont confirmé l’existence de traces de bâtiments vers l’an 500, à proximité d’un ancien site romain.

 

Un sanctuaire du haut Moyen Âge

Durant le haut Moyen Âge, le monastère se développe. Les moines suivent alors la règle de saint Colomban et de l’église celtique, qui se distinguent par une date de Pâques différente, une tonsure spécifique et une pratique religieuse très monastique. Au niveau architectural, l’abbaye se développe également. Le modeste oratoire des débuts est peu à peu intégré à un ensemble de constructions plus important. Au début du IXe siècle, une vaste église est bâtie, avec des bâtiments annexes et une sorte de cloitre donnant sur une vaste cour. L’abbaye est également fortifiée et entourée d’un mur d’enceinte.

Les techniques de construction se rapprochent de celles employées durant la période romaine, avec des murs de pierre noyés de chaux et un toit en tuiles. L’ensemble était à la fois austère et luxueux car, à l’époque, les bâtiments de pierre sont très rares en Bretagne. Il fallait donc de puissants protecteurs pour que les moines de Landévennec se lancent dans ce type de construction.

 

Intervention impériale

Or, on sait qu’en 818, l’empereur Louis Le Pieux mène une expédition militaire en Bretagne contre un chef breton, Morvan Lez Breizh. Après sa victoire, Louis Le Pieux rencontre une partie de la noblesse et des élites bretonnes, probablement à Carhaix. Il y croise notamment, Matmonoc, abbé de Landévennec, auquel il demande d’abandonner la règle de saint Colomban pour celle de saint Benoit, en vigueur dans le reste de l’empire. Les moines de Landévennec ont donc pu bénéficier de la protection et des financements de l’empereur pour transformer leur abbaye.

Dans les décennies qui suivent, la Bretagne s’émancipe des Carolingiens sous l’impulsion de chefs énergiques – Nominoë, Erispoë, Salomon. Mais ces princes qui portent parfois le titre de roi doivent faire face à une menace bien plus dangereuse que celle des souverains de Francie occidentale. Depuis la fin du VIIIe siècle, les marins scandinaves commencent à multiplier les raids sur les îles britanniques. Encore païens, ils ravagent particulièrement les riches monastères écossais et irlandais. En 843, les Vikings stupéfient l’Europe de l’Ouest en ravageant la ville de Nantes. Une grande partie de la population est massacrée, dont l’évêque en pleine célébration de la messe.

 

La fureur des Normands

Les moines de Landévennec semblent conscients du danger que représentent les terribles vikings. En 884, le moine Wrmonoc évoque leurs ravages sur l’île de Batz. L’abbé Wrdisten soutient son roi, Salomon, dans son combat contre les Scandinaves. Un calandrier, conservé à Copenhague, nous apprend que l’orage s’abat, en 913, sur l’abbaye cornouaillaise. Ce que confirme l’archéologie, avec des traces d’incendie et de destruction des bâtiments. L’origine des assaillants ne laisse guère de doute : les squelette des tombes ont été exhumées, peut-être rechercher des métaux précieux. Puis les dépouilles ont été incinérées dans un grand bûcher et recouverte d’une sorte de tumulus de pierre. Très probablement une pratique païenne scandinave visant à ce concilier les morts ainsi dérangés, des défunts qu’ils semblaient plus craindre que les vivants.

 

Un long exil

Au moment de l’attaque, les moines de Landévennec avaient déjà quitté les lieux, emportant leurs reliques et leurs manuscrits. On les suit dans les nord de la France, puis en Angleterre. Dans les années 930, la communauté est proche de la cour du roi saxon Athelsan. Ce dernier héberge également des nobles bretons, dont Alain Barbetorte, petit-fils du dernier roi de Bretagne, Alain le Grand. En 936, un révolte éclate en Bretagne contre les Vikings. Alain Barbetorte travers la Manche et chasse les Normands en 939. Il est proclamé duc de Bretagne. Il a été particulièrement appuyé par l’abbé de Landévennec, Jean ou Yann. Ce dernier, avec ses moines, revient et relève l’abbaye tombée en ruine qui, désormais, bénéficie de la protection des ducs de Bretagne et des contes de Cornouaille.

 

A voir : Le musée de l’ancienne abbaye

Outre les ruines de l’ancienne abbaye de Landévennec (depuis les années 1950, un nouvel établissement religieux a été construit en surplomb de l’ancien site), on peut visiter l’un des rares musées consacrés au Moyen Âge breton. Les quinze siècles de l’abbaye y sont retracés à travers différentes évocations, dont plusieurs maquettes permettant de comprendre son évolution architecturale. On y trouve aussi de nombreuses reproductions des manuscrits médiévaux du haut Moyen Âge, aujourd’hui dispersés dans le monde entier. Ils constituent l’un des chefs d’œuvres artistiques de l’histoire bretonne. On y voit plusieurs représentations de l’évangéliste Marc, avec une tête de cheval, alors que c’est le Lion qui lui ailleurs associé. Mais en breton, cheval se dit march, d’où cette association. Le musée donne enfin à voir de nombreux objets archéologiques mis au jour durant les fouilles des années 1990 et 2000, particulièrement de beaux sarcophages en bois de l’époque carolingienne, ainsi que les restes des cendres des malheureux squelettes brûlés par les Vikings.

 

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G
" Lan-to-Winnoc" en vieux Breton ( "Winnoc" étant une forme réduite de "Winwaloe" et le "to" étant révérentiel) > "Landewenneg" en Breton contemporain. "Landévennec" est une francisation.
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