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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1936-1939. La Bretagne dans la guerre d’Espagne

Publié le 10 Décembre 2013 par ECLF in Histoire de Bretagne

 

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Région atlantique, la Bretagne entretient depuis l’Antiquité d’importantes relations avec la péninsule ibérique. Du fait de cette proximité maritime, la Bretagne a d’autant plus été concernée par la terrible guerre d’Espagne que plusieurs centaines de Bretons se sont engagés dans les brigades internationales.

Quelques années après l’instauration de la République, l’Espagne élit un gouvernement de gauche, une coalition hétéroclite de socialistes, de communistes et d’anarchistes dite du Frente popular, un « front populaire » qui sera également soutenu par les nationalistes basques et catalans. Mais un jeune général, Franco, soutenu par les milieux conservateurs, provoque un putch de l’armée. Très vite, l’Espagne s’enfonce dans une terrible guerre civile.

Plusieurs centaines d’étrangers sont à Barcelone lorsque éclate le coup d’Etat, dont de nombreux sportifs venus participer aux « Jeux populaires » visant à concurrencer les Jeux Olympiques de Berlin, organisés par le régime nazi. Nombre de ces athlètes vont participer aux combats, aux côtés des républicains, dont quelques Bretons comme Louis MArasse de Ploubalzannec.

 

Des Bretons dans les brigades internationales

L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste financent et envoient des troupes et du matériel aux franquistes. L’URSS en fait de même avec les républicains communistes, mais les démocraties occidentales refusent de s’engager en faveur de la République espagnole. En France, le gouvernement du Front populaire ne veut pas provoquer une armée française dont l’état-major est loin de regarder Franco avec hostilité. Cependant, dès octobre 1936, des volontaires affluent de toute l’Europe pour soutenir les républicains espagnols. Des « brigades internationales » sont organisées et vont attirer plusieurs milliers de combattants. Selon Georges Cadiou, plus de six cents bretons y prennent part, nombre d’entre eux y laissant leur vie.

Nombre de ses brigades se sont constituées avec l’aide du parti communiste français. Ce dernier s’est constitué plusieurs fiefs dans la banlieue parisienne, où l’émigration bretonne est particulièrement importante. On retrouve donc plusieurs cadres bretons du Parti communiste ou de la CGT dans les brigades internationales, à l’instar du syndicaliste Jules Le Troadec, de Bourbriac et installé au Havre. Le plus célèbre de ces brigadistes bretons demeure Henri Rol-Tanguy, le futur chef de la Résistance qui arrive en Espagne en février 1937. Le premier mort breton est sans doute Yves Hellequin, né à Paimpol et vivant à Issy-les-Moulineaux. Il meurt le 2 novembre 1936, lors du siège de Madrid.

 

 


Commissaires politiques bretons

Si une certaine légende romantique entoure la guerre d’Espagne et la lutte contre le franquisme, il est utile de rappeler que des exactions eurent lieu dans les deux camps. La confusion et les rivalités régnaient également dans le camp républicain, particulièrement entre les communistes d’un côté et les autres groupes d’extrême gauche d’autre part : trotskystes et anarchistes. Les combats entre eux étaient parfois violents. Les Brigades internationales se dotent ainsi de commissaires politiques. Plusieurs Bretons vont occuper cette charge comme le Morbihannais Jean Berthelot ou Pierre Le Rouzic, Marcel Marrec, René Hamon ou Henri Rol-Tanguy. Secrétaire du directeur de L’Humanité, Vaillant-Couturier, Réné Hamon est d’ailleurs tué durant la bataille de l’Ebre, pendant l’été 1938.

On retrouve même quelques Bretons dans le terrible Service d’investigation militaire, le SIM, mis en place par les soviétiques et qui se charge surtout de traquer les anarchistes et les trotskystes. Originaire d’Ille-et-Vilaine et installé en région parisienne, Albert Gourville fait partie de cette organisation responsable de nombreuses exécutions sommaires.

 

Réfugiés en Bretagne

Outre les brigades internationales, tout un réseau se met en place en France pour accueillir les réfugiés espagnols. C’est notamment le cas du Secours rouge, souvent très actif en Bretagne. Dans son roman Salido, l’écrivain Louis Guilloux a ainsi raconté l’arrivée de ces Espagnols dans le pays de Saint-Brieuc.

Nombre des réfugiés s’installent dans les grandes villes bretonnes, particulièrement Rennes. Beaucoup arrivent par mer. Les ports bretons voient ainsi arriver de nombreux navires venant du Pays basque ou des Asturies. Certains réfugiés connaîtront un destin tragique, à l’instar de Lluys Comganys i Jover. Ce nationaliste catalan était chef du gouvernement autonome de Catalogne. Il est arrêté à La Baule par les Allemands en en août 1940. Envoyé en Espagne, il est fusillé à Barcelone.

 

 

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Brest, nid d’espions

Au fur et à mesure de la progression des troupes franquistes, de nombreux navires républicains trouvent refuge dans les ports bretons. Ce faisant, ils attirent également de nombreux espions. Ainsi, en août 1937, un sous-marin républicain, le C2, vient faire relâche dans le port de Brest. L’historien Patrick Gourlay vient de publier une enquête sur l’étonnante tentative de vol de ce submersible par les espions franquistes. Dirigés par Julian Troncoso, un commando se rend dans la cité du Ponant. Sur place, il peut compter sur l’aide de militants d’extrême droite, notamment du Parti social français ou de l’organisation la Cagoule. A l’aide d’une prostituée, « Mingua l’audacieuse », ils tentent de retourner le commandant du sous-marin. Mais les espions franquistes sont infiltrés par … des espions anarchistes.

L’équipage est mis au courant et un militant républicain armé. Alors qu’en Espagne ils se combattent, anarchistes espagnols et communistes brestois organisent la surveillance du bâtiment. Or, le 18 septembre 1937, les franquistes passent à l’action. Un commando pénètre dans le sous-marin. Mais un marin, Augusto Diego, réfugié dans le kiosque, leur tire dessus. Un assaillant est tué. Le commando tente de fuir et quitte Brest. Ils seront rattrapés tour à tour par la police française. L’affaire provoque un clash diplomatique. Le procès des franquistes, quelques temps plus tard, va déchaîner les passions à Brest. Il illustre les profondes divisions de la société française sur la question de la guerre d’Espagne. Expulsé vers l’Espagne, Troncoso le maître espion franquiste finira d’ailleurs comme dignitaire du régime et dirigeant du Real de Madrid.

 

 

 

 

Pour en savoir plus

Georges Cadiou, « Les Bretons et la guerre d’Espagne », Le Peuple breton, juillet-août 2006.

Patrick Gourlay, Nuit franquiste sur Brest. Le vol du C2 en 1937, Spézet, Coop Breizh, 2013.

Louis Guilloux, Salido, suivi de Ok Joe !, Paris, Gallimard, 1976.

 

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