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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1472. Jean « Le Breton » devient un des premiers imprimeurs d’Europe

Publié le 10 Février 2009 par Erwan Chartier-Le Floch in Histoire de Bretagne

Curieux destin que celui de Jean Brito - « Jean Le Breton ». Ce natif de Pipriac en pays gallo, installé à Bruges, devint un des premiers imprimeurs d’Europe, une quinzaine d’années après Gutenberag. Il est d’ailleurs resté une célébrité en Flandre.

 

Au bas Moyen Age, dès le XIII ème siècle, le livre ne cesse de se développer. Textes juridiques ou religieux, transactions commerciales nécessitent de plus en plus d’écrits. Partout en Europe existent des ateliers de copistes. Mais leur travail reste aléatoire et les manuscrits comprennent de nombreuses erreurs de recopiage. Le formidable développement économique que connaît l’Europe, dans la seconde moitié du XV ème siècle, s’accompagne d’une soif de découverte et de connaissance. Cette révolution intellectuelle qui débouche sur la Renaissance, a besoin d’une diffusion à grande échelle. Le livre imprimé, inventé par Gutenberg dans les années 1450, constituera ce support. Et parmi les pionniers de l’imprimerie, figure un breton, devenu bourgeois de Bruges : Jan Brito.

 

Copiste en Bretagne

Jean Brulelou naît à Pipriac, petite commune d’Ille-et-Vilaine, alors située dans le diocèse de Saint-Malo, entre 1415 et 1420. La légende affirme que, enfant, il découvrit le principe de la typographie, en faisant tomber un morceau de bois gravé dans un chaudron d’encre. En voulant le récupérer, il le fit à nouveau tomber sur un drap blanc et découvrit que les lettres s’y étaient inscrites à l’envers.

En fait, la première trace historique le mentionnant date de 1437. Elle figure sur un manuscrit, écrit à la main et contenant trois textes en latin, conservé à la bibliothèque de Leyde. On y trouve la mention « Ce livre appartient à Jean Brulelou, clerc du diocèse de Saint-Malo, lequel Jean a écrit de sa propre main le présent livre. » On y apprend aussi que le livre fut rédigé à Saint-Séglin, paroisse voisine de Pipriac. Jean Brulelou est alors clerc. Il a étudié la calligraphie et a reçu une sérieuse éducation religieuse. Cependant, il n’a pas coupé les ponts avec le monde des laïcs, qu’il rejoindra bientôt.

 

Naturalisé bourgeois de Bruges

On perd la trace de Jean Brulelou après 1437, pour retrouver, neuf ans plus tard, un Jean Le Breton, qui semble lui correspondre, établi à Tournai, dans le sud des Flandres. On ne sait pourquoi, il a quitté la Bretagne et la voie ecclésiastique. Le changement de nom semble plus dicté par ses origines : à l’époque, les Le Normand, Langlais ou Lallemand ne manquent pas. Le fait qu’il se retrouve en Flandres n’a rien non plus d’étonnant. Ce pays est alors un des deux centres économiques de l’Europe avec l’Italie du Nord. La flotte bretonne est une des premières du continent et les échanges maritimes dans la Manche sont très développés.

En 1454, on retrouve Jean Le Breton sous son nom flamand : Jan Brotoen. Il est membre de la guilde des « librariers » de Bruges. Il figurera pendant trente ans dans les registres de cette corporation. L’année suivante, il paye 14 livres et 8 sols pour acquérir la qualité de citoyen brugeois. La présence d’un professionnel du livre s’explique aisément dans la cité flamande qui ne cesse de s’enrichir du commerce international. C’est ici que naît la bourse, dans l’hôtel Van der Beurse… Elle profite aussi de la présence fréquente des ducs de Bourgogne, la cour la plus opulente d’Europe, en ce milieu du XV ème siècle. Dans ce contexte, le livre d’art est considéré comme un excellent placement, et un bon calligraphe ne devait pas manquer de travail

Jan Bortoen, dit aussi Jean Brito sous une forme latine, s’installe donc définitivement à Bruges. Il y fréquente les milieux intellectuels, s’intéresse à la littérature flamande. On lui doit notamment une impression en français du Wapene Martin, du poète Jacob Van Maerlant. Certains en attribuent même la traduction à Brito. A partir de 1458, Jean Brito est systématiquement qualifié du titre de « mesteer », c’est-à-dire maître, ce qui semble indiquer que ses compétences sont reconnues.

 

L’arrivée de l’imprimerie

Mais Jean Brito doit avant tout sa notoriété au fait d’avoir été un des pionniers qui impriment des livres à Bruges. Et même en Europe, puisqu’il est considéré comme un des cinq premiers imprimeurs d’Europe. Il s’est en fait associé avec un artisan brugeois, Mansion, et un anglais, Caxton. C’est ce dernier qui semble avoir ramené une presse à imprimer de Cologne, en 1472. Caxton quitte assez vite l’affaire. Il part de Bruges en 1476, pour aller fonder la première imprimerie londonienne.

Le principe de l’imprimerie, découvert une quinzaine d’années plus tôt par l’Allemand Gutenberg, est simple. On assemble des caractères métalliques en plomb pour former le texte à l’envers. On enduit d’encre, puis on presse sur des cahiers qui sont ensuite assemblés en livres. Dans un des ouvrages qu’il a imprimés, Jean Brito affirme : « Regarde la beauté du présent ouvrage. Compare-le avec un autre ouvrage. Juge-le par rapport à une autre édition. Regarde avec quelle élégance, avec quelle netteté Jean Brito, bourgeois de Bruges l’a imprimé. Lui qui a découvert, sans que personne ne lui montre. Une technique merveilleuse ainsi que des instruments tout aussi dignes de considération. »

Les affaires de Jean Brito ne cessent de prospérer. Reconnu sur la place de Bruges, il y meurt en 1484. Coïncidence, c’est la même année où sort Le trépassement de la Vierge de l’atelier d’imprimerie de Bréhan-Loudéac. Il s’agit du premier livre imprimé en Bretagne. Les artisans bretons utilisent alors les mêmes caractères qu’à Bruges… alors qu’à Paris, ce sont des caractères allemands.

Pour en savoir plus

Jean Brito, de Bretagne en Flandres (1417-1484), JF Gautier, Kistinenn.

« La Bretagne et la Flandres au XV ème siècle », J Kerhervé, ArMen n°22

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