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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Corseul la romaine

Publié le 8 Avril 2009 in Archéologie

 

Aujourd’hui petit bourg paisible du pays de Dinan, Corseul peut pourtant se targuer d’un riche passé. Du Ier au IIIe siècle après J.C, elle a en effet été la capitale des Coriosolites, un peuple gaulois dont le territoire s’étendait de la côte du Penthièvre jusqu’au centre de la Bretagne. Plusieurs campagnes de fouilles archéologiques ont permis de mettre en valeur ce patrimoine historique.

 

Le peuple gaulois des Coriosolites apparaît pour la première fois dans l’histoire lors de la guerre des Gaules pendant laquelle il fait partie d’une coalition d’Armoricains menés par les Vénètes et battue en – 56 avant J.C. La conquête romaine va modifier le paysage local. S’il semble que les grands propriétaires gaulois conservent leurs terrains, ils en font évoluer la structure. Ils bâtissent ainsi de grandes villas qui sont avant tout des exploitations agricoles. Parfois, elles accueillent aussi des activités industrielles, comme l’exploitation de la chaux dans la région des Faluns où l’une de ses villas est actuellement en cours de fouilles, au Quiou.

Les grands propriétaires gallo-romains ne résident que peu dans leurs villas à la campagne. Ils possèdent tous une habitation dans la cité de leur peuple, une petite « Rome » qui abrite le centre politique et administratif de ces territoires. À l’époque gauloise, le centre politique des Coriosolites était vraisemblablement l’oppidum de Montmuran. Les Romains vont construire une nouvelle ville quelques kilomètres plus loin : Fanum Martis, l’actuelle Corseul. La fondation semble dater du règne d’Auguste, vers – 40 avant J.C, lorsque le premier empereur romain réorganise les Gaules.

 

Le quartier du Monterfil

L’intérêt archéologique de Corseul réside dans le fait que la ville gallo-romaine était beaucoup plus vaste que l’actuel village, ce qui rend plus aisée la mise au jour de vestiges. De 1965 à 1971, une maison et des termes furent fouillés au Champ-Muron. Puis, dans les années 1980 et 1990, c’est tout un quartier, Monterfil, qui a été fouillé et mis en valeur.

Fanum Martis, dont la population a dû s’élever à cinq mille personnes, s’organisait autour de rues qui se croisaient suivant un plan orthogonal, avec des îlots quadrangulaires de taille variable. Le centre de cet ensemble reste le forum, une place où se trouvent les édifices publics (sanctuaires, thermes…).

Dans la partie sud du quartier de Monterfil, de grandes constructions sont édifiées au sud de la rue principale, peut-être des habitations. L’une d’elles était décorée de mosaïques et d’enduits peints dont le décor correspond au troisième style pompéien, vers 25 à 3 de notre ère. Il démontre la pénétration des styles artistiques de l’Italie romaine en Gaule. Probablement vers 40 après J.C., un long bâtiment est construit au nord. Sa façade méridionale, donnant sur la rue, est bordée de portiques soutenus par des colonnes. Il abritait des commerces et des ateliers d’artisans.

Au fil du temps, le quartier se transforme ; De nouveaux bâtiments, à vocation artisanale et commerciale, sont construits au sud de la rue. Ils sont eux aussi bordés de galeries soutenues par des colonnes. Des puits sont aménagés. Vers 200 avant J.C, une basilique privée (une salle de réunion pour les commerçants et artisans du quartier) est construite sur la partie sud de l’îlot. D’autres bâtiments évoluent, vraisemblablement au gré des changements de propriétaires.

 

Le temple de Mars

Fanum Martis – « le temple de Mars » - tire son nom de l’imposant édifice religieux, édifié à deux kilomètres du forum. Il s’étendait sur plus d’un hectare, au sommet d’une colline et sa partie principale, la cella, avait une hauteur de 22,5 mètres, ce qui la rendait visible depuis le centre de Corseul. Pour l’archéologue Alain Provost qui a fouillé le site : « c’est un marqueur de territoire, le moyen qu’ont choisi les élites coriosolites pour mettre en valeur leur cité. » Le temple se trouve en effet en surplomb des principales voies romaines convergeant vers la cité. Les voyageurs s’y rendant passaient devant.

Construit entre 100 et 120 après J.C., on y accédait par deux portiques latéraux. Les pèlerins pénétraient alors dans une vaste cour close de murs et de galeries, l’area sacra. Au sommet du site se dressait la cella, un bâtiment octogonal abritant la statue du Dieu tutélaire de la cité. Elle était précédée d’un pronaos, un fronton imposant. « Ce temple a été bâti sur le modèle du temple de la paix, à Rome, construit en 72 après J.C », explique l’archéologue.

 

La fin de Fanum Martis

Le temple de Mars a été détruit par un incendie volontaire à la fin du IIIe siècle de notre ère. Les vestiges gallo-romains du quartier de Monterfil comportent aussi des traces d’incendie de cette période qui correspond à une grave crise dans l’ouest de la Gaule, marquée par des révoltes paysannes et des intrusions de Germains. Le quartier de Monterfil, à l’instar du temple, se délabre rapidement. Les matériaux réutilisables sont récupérés et évacués, ne laissant peu à peu que les fondations des bâtiments. Le souvenir de la Corseul romaine s’estompe, jusqu’à ce que les archéologues du XXe siècle ne la fassent à nouveau émerger de terre.

 

Pour en savoir plus :

Collectif, 1979-1999 : 20 ans de recherches archéologiques en Côtes-d’Armor, Service régional de l’archéologie de Bretagne, 1999.

Erwan Chartier, « le temple de Mars à Corseul », ArMen n°129

 

 

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