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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1767. L’affaire La Chalotais

Publié le 27 Avril 2009 in Histoire de Bretagne




L’arrestation arbitraire de cinq membres du parlement de Bretagne, dont le procureur général Louis-René Caradeuc de La Chalotais, dans la nuit du 10 au 11 novembre 1767, est un des moments les plus critiques de ce que les contemporains ont appelé « L’affaire de Bretagne », une fronde fiscale et judiciaire des Etats et du parlement de la province contre Louis XV. Cette « affaire » illustre la résistance contre l’absolutisme royal de moins en moins accepté, quelques décennies avant la Révolution.

 

Jusqu’à ses 62 ans, l’existence de Louis René de Caradeuc de La Chalotais reste des plus paisibles, celle d’un juriste estimé par ses pairs et membre influent du parlement de Bretagne où il occupe, depuis 1752, la charge de procureur général. A la fin de 1761, il se distingue par ses comptes-rendus sur les jésuites. Lié aux philosophes, il s’oppose aux religieux et, sous son influence, le parlement de Bretagne ordonne la fermeture des collèges jésuites de Quimper, Rennes et Vannes. La Chalotais propose alors un Plan d’éducation nationale pour remplacer ces établissements.

 

Révolte parlementaire

La Chalotais va profiter de sa notoriété pour s’opposer de plus en plus fermement au très autoritaire gouverneur de Bretagne, le duc d’Aiguillon. Engagé dans la coûteuse guerre de sept ans, le pouvoir royal a en effet d’énormes besoins d’argent, d’où des pressions constantes sur les Etats de Bretagne pour que ceux-ci augmentent les contributions de la Province. Le duc d’Aiguillon tente d’introduire de nouvelles taxes ce qui a pour but de provoquer une très vive résistance des Etats, principalement du corps de la noblesse en 1762 et 1763.

La session des Etats de 1764 promet d’être houleuse. Elle sera une des plus longues et des plus agitée de l’histoire de cette institution bretonne. Surtout, les maladresses du Duc d’Aiguillon vont avoir pour conséquence d’allier les Etats au Parlement de Bretagne, l’autorité judiciaire de la Province. En mars 1765, le parlement refuse d’enregistrer les lettres patentes du roi et il interrompt ses audiences. Le 15 mars, convoqués à Versailles, les quatre-vingt conseillers en robes rouges écoutent les remontrances du roi. Celui-ci pense avoir maté la fronde. Il n’en est rien et, le 10 avril, la grande majorité des parlementaires préfèrent démissionner plutôt que de se soumettre. Louis XV est furieux.




 
La Chalotais en prison

Face à cette révolte parlementaire, le pouvoir royal réagit par la répression. Rien n’y fait, les parlementaires persistent dans leur décision. L’acte de démission est signé par quatre-vingt-cinq conseillers, le 22 mai 1765. « Les imputations accablantes contenues dans le discours du roi ont avili les magistrats et les ont mis dans l’impuissance de faire respecter les lois…. Ils n’ont donc plus qu’à consommer l’abdication d’un ministère désormais inutile. » Il s’agit d’un des actes de résistance les plus graves qu’un corps judiciaire ait tenté contre la puissance royale. Celle-ci tente bien de s’appuyer sur les non démissionnaires et exile hors de Rennes quarante-six conseillers frondeurs. Mais, avec dix-neuf membres, le nouveau parlement de Bretagne, surnommé le « bailliage d’Aiguillon », qui se réunit en janvier 1766, n’a plus guère de légitimité.

Il fallait des coupables. Dans les cabinets ministériels, on estime que c’est la faute à La Chalotais. On monte une cabale contre lui : il aurait envoyé des billets anonymes et injurieux au ministre Saint-Florentin. Dans la nuit du 10 au 11 novembre, La Chalotais et son fils, lui aussi parlementaire, sont arrêtés puis transférés et jeté dans des cachots du château du Taureau, en baie de Morlaix. Au même moment, les conseillers Charrette de la Gâcherie, Picquet de Montreuil et Charrette de la Colinière sont aussi arrêtés. Les deux premiers sont incarcérés au Mont-Saint-Michel, le troisième à Nantes.

Emprisonné ensuite à Saint-Malo, La Chalotais organise sa défense dans des conditions difficiles. Il parvient à rédiger deux mémoires qu’il assure avoir écrit, faute de moyens de correspondance, avec un cure-dent, de l’encre fabriquée à base de suie et des enveloppes de sucre et de chocolat. Imprimés rapidement, ces mémoires vont lui permettre de médiatiser sa cause et ce qui apparaît de plus en plus comme un abus de pouvoir et un acte arbitraire de la part du roi.

On tente de mettre en place un tribunal exceptionnel pour s’occuper des parlementaires bretons. Puis, on envisage de les faire juger par le fantomatique parlement de Rennes. Lorsque le duc d’Aiguillon décide de disjoindre l’affaire des billets anonymes, l’opinion publique achève de basculer en faveur des inculpés. Il devient clair qu’on a rien de sérieux à reprocher aux cinq prisonniers et que La Chalotais est victime d’un règlement de comptes. En novembre 1766, les accusés sont transférés à la bastille. Le 22 décembre 1766, le roi finit par abandonner les poursuites mais ordonne l’exil hors de Bretagne des cinq hommes. La Chalotais est envoyé en résidence à Saintes.

 



 
L’autorité royale en difficulté

Pendant ce temps, la situation est loin de s’apaiser en Bretagne. A chaque session des Etats, D’aiguillon doit faire face aux blocages de la noblesse. Les parlementaires qui lui restent fidèles sont moqués, interdits dans les salons rennais. On publie des satires et des pamphlets contre le gouverneur et son pseudo parlement. La démission du duc d’Aiguillon en  août 1768 et l’arrivée en septembre de son successeur le duc de Duras calment un moment l’agitation. En 1769, l’ancien parlement est rappelé, à l’exception des exilés, toujours frappé de l’opprobre royal.

A Paris, le parlement ouvre une procédure contre Audouard, un des assistants du duc d’Aiguillon dont il apparaît qu’il a appuyé des faux témoignages contre des parlementaires bretons. Mais très vite, l’affaire tourne au procès du duc d’Aiguillon. Le 27 juin 1770, Louis XV étouffe la procédure. Réunis en session extraordinaire, en septembre, les Etats de Bretagne prennent fait et cause pour La Chalotais. Excédé par la révolte des parlements, le pouvoir royal finit par les dissoudre. Celui de Bretagne est supprimé en octobre 1771.

Quant à La Chalotais, il continue à se morfondre en exil. N’y tenant plus, en juin 1773, il rentre en Bretagne pour enterrer sa femme. Arrêté, il est interné au château de Loches, en juin 1774. Un seul événement pouvait débloquer la situation : le 10 mai, Louis XV meurt. Son successeur, Louis XVI rétablit les anciens parlements. Le 27 août, il rend leur liberté aux exilés qui sont rétablis dans leurs fonctions. Le 13 décembre, La Chalotais fait un retour triomphal à Rennes, escortés par deux cents jeunes hommes à cheval. Il restera encore onze ans en fonction, avant de s’éteindre à l’âge vénérable de 85 ans. Même si elle était dirigée essentiellement par la noblesse, la révolte des années 1760 et 1770, n’est pas sans annoncer les profonds bouleversements qui devaient survenir vingt ans plus tard. Et comme l’a écrit Emmanuel du Rusquec, biographe de La Chalotais : « Le centralisme démesuré, l’arbitraire, l’absence de concertation, la pression fiscale et la violation de l’indépendance des juges ont été parmi les causes essentielles de l’affaire de Bretagne ».

 

 

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A
Je trouve que ce texte manque d'impartialité. La Chalotais était un homme hautain, odieux. "il se distingue par ses comptes-rendus sur les jésuites" il s'agit de diatribes jansénistes. Ennemi d'une<br /> éducation pour tous, il fait fermer, en effet, leurs collèges en faveur de son pla. Citons de ce plan : ":Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s'étendent pas plus loi<br /> que ses préoccupations".<br /> Quand le Parlement, à sa botte, inculpe des fonctionnairres, ce texte parle d'un ton neutral d'ouvrir une procédure. Quand le roi essaie d'empêcher le démantèlement de son administration, le texte<br /> parle d'étouffement.<br /> Pas de reproche, c'est comme cela qu'on écrit l'histoire en France depuis Michelet.
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E
Bonjour. Toujours plaisir à connaitre un moment d'histoire bretonne. Merci
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