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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Arthur de la Borderie et l’histoire de Bretagne

Publié le 7 Février 2011 par ECLF in Histoire de Bretagne

Le Vitréen Arthur Le Moyne de la Borderie a dominé de sa stature intellectuelle la vie culturelle bretonne du XIXe siècle. Il laisse une œuvre abondante, notamment une imposante Histoire de Bretagne en plusieurs tomes.

 

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Au Moyen Âge, la frontière orientale du duché de Bretagne était protégée du royaume de France par un réseau de forteresses dont Vitré était l’une des plus imposantes. C’est dans cette ville close que naît, le 5 octobre 1827, Arthur Le Moyne de la Borderie et toute sa carrière d’historien ou d’homme politique sera profondément marquée par la volonté de défendre la Bretagne, à l’instar des chevaliers des Marches de Bretagne d’autrefois. Une certaine Bretagne du moins, avec ses princes, ses saints, ses nobles et ses institutions, disparue dans la nuit du 4 août 1789. Catholique conservateur, monarchiste libéral, Arthur de La Borderie a en effet développé une vision très élitiste du passé de la péninsule. Au contraire d’autres auteurs de sa génération comme La Villemarqué, qui exaltent la culture populaire, le peuple breton reste le grand absent de l’œuvre du Vitréen.

 

Une histoire scientifique

L’histoire de Bretagne se révèle à La Borderie au collège royal de Rennes où il suit l’enseignement du grand historien Julien-Marie Le Huërou, oncle de François-Marie Luzel et prématurément disparu à 36 ans. Suivant les injonctions de son père, Arthur de La Borderie entame ensuite des études de droit à Rennes puis à Paris. Il devient avocat mais n’usera guère de ce titre. La fortune familiale lui permet en effet de vivre confortablement de ses rentes et de donner libre cours à sa passion pour les études historiques.

En 1849, il entre à l’école des Chartes dont il sort major en 1852. Il s’y familiarise avec la paléographie et avec les nouvelles méthodes scientifiques qui se développent à l’époque. Hormis les questions religieuses, la Borderie semble ainsi très influencé par le positivisme et une vision rationalisée de l’histoire. Les sciences historiques, au XIXe siècle, sont également marquées par l’idée d’un retour aux sources, notamment l’étude des textes anciens originaux. Arthur de La Borderie va pouvoir s’y atteler dès 1853, à Nantes, où il est chargé de travailler pour les archives départementales sur le « Trésor des ducs », c’est-à-dire l’essentiel des archives de l’administration ducale bretonne. Pendant plusieurs années, il va se familiariser avec ce très riche fonds.

 

Le Bretonisme

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Arthur de La Borderie devient l’une des figures de proue du Bretonisme, un mouvement d’intellectuels qui développent une forme de régionalisme intellectuel basé notamment sur l’histoire. Il est ainsi l’un des grands contributeurs de la classe d’histoire et d’archéologie de l’Association bretonne, dissoute par l’administration impériale en 1858, avant de renaître sous la troisième République. Il s’engage aussi dans le mouvement des sociétés savantes et fait d’ailleurs partie des fondateurs de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, dont il sera président de 1863 à 1890. Pour diffuser plus largement les thèses bretonistes, Arthur de la Borderie lance la Revue de Bretagne et Vendée, dont il sera le directeur de 1867 à 1900.

Excellent connaisseur des textes médiévaux, il écrit plusieurs dizaines d’études et d’articles historiques, principalement sur le Moyen Âge breton. Il s’intéresse particulièrement à la naissance de la Bretagne au haut Moyen Âge. Mais sa vision peu critique des vies de saints bretons, ainsi que sa conception exaltée de la monarchie bretonne du IXe siècle rendent aujourd’hui ses travaux très dépassés. Sa grande maîtrise des sources médiévales écrites – très abondantes il est vrai pour la Bretagne des Monfort – les rend plus pertinents pour la fin du Moyen Âge.

 

Une personnalité reconnue

Si Arthur de la Borderie a incontestablement développé une vision nostalgique et patriotique du passé breton, dans lequel la noblesse joue le rôle de défenseur de la péninsule et du peuple, il s’est aussi investi dans l’action publique de son temps. Critique par rapport au second Empire, il s’engage en politique et il est élu conseiller général d’Ille-et-Vilaine de 1864 à 1871. Entre 1871 et 1876, il est élu député de Vitré sous l’étiquette de monarchiste modéré. Il est notamment le rapporteur de l’enquête parlementaire sur le désastre de Conlie, où des centaines de soldats bretons sont abandonnées dans des conditions inhumaines à la fin de la guerre contre la Prusse. En 1875, il s’abstient lors du vote des lois constitutionnelles qui fondent la troisième République et ne se représente pas en 1876.

À la fin de sa vie, Arthur de La Borderie reçoit aussi une consécration universitaire en se voyant confier un cours libre à la faculté des Lettres de Rennes, entre 1890 et 1894. Il y développe les grandes lignes de son histoire de Bretagne qu’il est en train d’achever. En 1889, il est aussi élu à l’Académie des inscriptions et belles lettres. Il décède le 27 février 1901.

 

Pour en savoir plus :

Arthur de La Borderie, Barthélémy Pocquet, Histoire de Bretagne, Plihon, Honnay et Vatar, Rennes, 1896-1914.

Michel Denis, « Arthur de La Borderie (1827-1901) ou l’Histoire, science patriotique », in Chroniqueurs et historiens de la Bretagne, du Moyen Âge au milieu du XXe siècle, Rennes, PUR, 2001, pages 126-143.

 

 

Une monumentale Histoire de Bretagne

À la fin de sa vie, Arthur de La Borderie laisse son principal monument, une Histoire de Bretagne en six tomes, qui récapitule les travaux de toute une vie. Les derniers tomes ont été achevés par son disciple Barthélémy Pocquet. Auréolé du prestige et de la crédibilité de son auteur qui écrivait, en 1867, « le caractère essentiel de la méthode historique moderne, c’est l’alliance intime de l’analyse et de la synthèse », cet ouvrage est longtemps resté une référence. Il a notamment influencé le régionalisme du début du XXe siècle, voire le nationalisme breton des années 1920. Très marquée par son siècle, l’Histoire de Bretagne de la Borderie a été, depuis, remise en cause, particulièrement sur les périodes de l’Antiquité – qui ne l’intéressait guère – et sur le haut Moyen Âge. Les historiens contemporains font en effet beaucoup plus appels à d’autres disciplines comme l’archéologie, la linguistique, l’économie et les sciences sociales pour dresser un tableau beaucoup plus complexe de la péninsule.

 

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