Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le petit village de Pont-Aven, au sud de la Cornouaille, devient un centre artistique international grâce à Gauguin Émile Bernard et d’autres peintres. En créant le synthétisme, ils révolutionnent l’art de leur époque, contribuant largement à faire connaître la Bretagne dans le monde entier.
Sous le second Empire, le train arrive en Bretagne et contribue à faire de la péninsule une destination touristique. Mais la région n’attire pas que des dilettantes. De nombreux artistes viennent aussi chercher l’inspiration dans un pays à l’identité si forte et aux paysages typés. Le faible coût de la vie en Bretagne est sans doute un autre argument. Dans les années 1860, un groupe de peintres américains s’installe ainsi à Pont-Aven, un petit village du sud de la Cornouaille.
Ils sont bientôt rejoints par de nombreux autres artistes. Trois établissements les accueillent : l’hôtel des voyageurs, la pension Gloanec et l’hôtel du Lion d’or. L’hôtel des voyageurs est tenu par la célèbre Madame Julia, qui ne ménage pas ses efforts pour faire venir des artistes, aménageant des ateliers dans les salles de son établissement. Avec ce séjour breton, nombre de ces peintres entendent donner une nouvelle impulsion à leur carrière. Ils se placent en rupture avec l’académisme et l’impressionnisme déclinant. Ces artistes d’un nouveau genre ne veulent en effet plus se contenter de reproduire le réel, mais veulent exprimer des sensations, des émotions, tout en fuyant un monde moderne de plus en plus industrialisé et désenchanté.
L’arrivée de Gauguin
En juillet 1886, Paul Gauguin arrive pour un premier séjour à la pension Gloanec. Né en 1848, ce personnage a été marin, agent de change et collectionneur d’art. Il se lance ensuite dans la peinture impressionniste en autodidacte, puis quitte femme et enfants pour se consacrer à l’art en 1885. Il va rapidement s’éloigner de l’académisme pour théoriser une nouvelle forme d’art. « L’art est une abstraction, répète-t-il, tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qui en résultera. »
Par son charisme, il fédère aussi un petit cercle autour de lui que vient rejoindre un jeune peintre Émile Bernard. Gauguin n’est pas insensible aux charmes de la jeune sœur de Bernard. Il prête surtout une attention particulière à la production de ce jeune prodige dont l’audace rejoint ses propres intuitions.
1888 : une révolution artistique
En 1888, Émile Bernard et Paul Gauguin vont en effet révolutionner l’art moderne. Cette année-là, Bernard réalise les Bretonnes dans la prairie. Pas de ciel, mais une surface verte, presque fluorescente sur laquelle se détachent les personnages. La même année, Gauguin achève la Vision après le sermon ou la lutte de Jacob avec l’ange, l’une des plus célèbres toiles du peintre. Influencé par l’art japonais, Gauguin décrit une curieuse scène de lutte avec une perspective plongeante. Au premier plan, des Bretonnes en prière assistent à la lutte du prophète et de l’ange, tandis que l’herbe est rouge… Ces deux tableaux sont considérés comme de véritables “attentats” contre l’impressionnisme et l’art officiel.
L’année suivante, Bernard et Gauguin, ainsi que plusieurs autres peintres de Pont-Aven sont présentés en marge de l’exposition universelle de Paris. Un amateur d’art Volpini, a monté l’exposition dans un café, en la présentant comme l’œuvre d’un “Groupe impressionniste et synthétisme”. Aucune toile n’est vendue, mais le retentissement est énorme. Le “synthétisme” est né.
Les commandements de l’école
Il faudra en revanche attendre 1893, pour que Maxime Mauffra publie un premier article où il fait mention de l’« école de Pont-Aven ». Outre Gauguin et Bernard, cette école regroupe des artistes comme Sérusier, Charles Filiger, Jacob Meyer de Haan, Willumsen. Leurs styles sont très différents, mais ils sont reliés par l’influence de Gauguin et par leur présence à Pont-Aven.
On peut cependant dégager quelques principes communs aux peintres de l’école de Pont-Aven. Ils ont en effet opté pour la représentation d’une Bretagne brute, primitive, loin des motifs méditerranéens ou urbains. Ils se moquent de retranscrire la réalité, mais entendent au contraire laisser parler leur imagination et leurs sensations. Beaucoup d’entre eux vivent aussi l’art comme une aventure spirituelle. La Bretagne les inspire donc particulièrement avec ses manifestations originales de la Foi (chapelle, pardons, etc.). Charles Filiger décrit ainsi la péninsule comme « un pays de magie ».
La fin de l’école de Pont-Aven
Excédé par l’afflux de touriste et sa nouvelle notoriété, Gauguin quitte Pont-Aven pour le Pouldu où il est rejoint par Paul Sérusier, du groupe des Nabis. Gauguin fréquente la buvette de Marie Henry, qu’il va couvrir de fresques. En 1891, Gauguin et Bernard se brouillent. Le jeune Émile Bernard a en effet mal supporté de voir son aîné être présenté comme le premier créateur du « synthétisme ». Par la suite, Bernard quittera la Bretagne pour de longs voyages en Italie et en Égypte, revenant à une peinture plus académique et réaliste.
Gauguin part lui rejoindre Van Gogh en Provence. Il reviendra une dernière fois à Pont-Aven en 1894, avant de partir vers la Polynésie où il finira sa vie. L’aventure de Pont-Aven n’aura duré que quelques années, mais elle aura bouleversé l’histoire de l’art, comme l’image de la Bretagne. En effet, grâce à ces artistes devenus célèbres, la plupart des grands musées des beaux-arts dans le monde, possèdent des toiles « bretonnes ». La Vision du serment, de Gauguin, est ainsi conservée à Édimbourg.
Pour en savoir plus :
Antoine Terrasse, Pont-Aven, l’école buissonnière, Paris, Découvertes Gallimard, 1993.
Belinda Thomson, la Vision de Gauguin, Quimper, Éditions Palantines, 2006.
Encadré : le musée des beaux-arts de Pont-Aven
Il a fallu attendre près d’un siècle après l’arrivée de Gauguin à Pont-Aven, pour qu’un musée des beaux-arts soit créé dans la petite cité cornouaillaise, dont nombre des commerces sont par ailleurs occupés par des galeries et des artistes. Ce musée s’est donné pour ambition de faire connaître les artistes inspirés par la Bretagne et particulièrement par Pont-Aven, des années 1860 aux années 1970. Il est aussi ouvert à la création contemporaine. Grâce à une habile politique de mécénat, cet établissement a acquis un certain nombre de toiles. Outre des Gauguin, on peut notamment y admirer des toiles d’Émile Bernard, comme les Baigneuses. Pour ses vingt-cinq ans, le musée des beaux-arts de Pont-Aven consacre d’ailleurs une grande exposition consacrée à ses acquisitions.
Contacts : musée des beaux-arts de Pont-Aven, place de l’Hôtel-de-Ville, 29930 Pont-Aven. Tél : 02.98.06.14.43. Mail : musee@pont-aven.fr