Les archéologues ont fouillé durant l'été 2011, un abri-sous-roche à Huelgoat. Entre douze et cinq mille ans avant notre ère, à la fin du paléolithique et au mésolithique, il a accueilli des groupes de chasseurs qui y ont laissé un outillage abondant. Il constitue une source importante d’informations sur ces périodes lointaines.
Peu avant la fin de l’ère glaciaire, il y a une quinzaine de milliers d’années, les monts d’Arrée présentaient un visage bien différent d’aujourd’hui. Le niveau de la mer était beaucoup plus bas, la température aussi. Les collines étaient recouvertes d’une faible végétation, comparable aux steppes polaires. Çà et là émergeaient des amas rocheux, dont certains permettaient aux hommes de l’époque de s’abriter. C’est le cas à Kerbizien, en Huelgoat, où se trouve une impressionnante boule de granit surplombant une petite grotte de deux à trois mètres de profondeur. “À l’époque, en l’absence d’arbres, il se voyait de loin, souligne Grégor Marchand qui a fouillé le site. Il est assez spacieux, quelques individus peuvent y tenir sans problème.”
Découvert dans les années 1980, l’endroit a été perturbé par des travaux. Seuls les sols les plus anciens ont donc pu être étudiés, cet été, par les archéologues. “Il s’agit des occupations au paléolithique final, vers 12000 ans avant notre ère, précise Grégor Marchand. Il est alors visité par des groupes de chasseurs qui viennent de très loin et parcourent sans doute des centaines de kilomètres. Ils y viennent épisodiquement et s’en servent comme relais de chasse. On peut penser qu’ils y débitaient la viande et qu’ils y traitaient les peaux.” Les silex retrouvés proviennent du Bassin parisien ou de la vallée de la Loire. Ils ont été très utilisés et ne concernent que des activités de chasse. “Les pointes de flèches ont été plusieurs fois retaillées. Elles ont été abîmées par les impacts. On retrouve aussi des petits bouts de silex restés probablement coincés dans les carcasses des animaux tués.”
Un site logistique
Près de deux cents pièces ont été mises au jour sur le site depuis une trentaine d’années. Elles nous renseignent également sur l’occupation du site au mésolithique. Entre 8000 et 5500 ans avant notre ère, Kerbizien est en effet à nouveau fréquenté. “Le matériel retrouvé indique qu’il s’agit de populations locales. Ils utilisent les roches qu’ils trouvent ici pour façonner leurs outils”, explique Grégor Marchand. À l’époque, Kerbizien est un site logistique utilisé temporairement par des chasseurs. Ceux-ci sont peut-être en liaison avec le grand site du mésolithique situé dans le Yeun Elez.” Là encore, le matériel découvert montre qu’il était utilisé intensément. “On voit que certaines pointes d’armes ont littéralement explosé à l’impact”, indique Grégor Marchand. Quelques charbons découverts permettront de mieux dater les périodes d’occupation. Enfin, à l’époque gauloise, le site est utilisé comme fonderie de fer. Le nombre de scories découvertes témoigne d’une activité intense.
La fouille du site apporte de nombreux renseignements sur la préhistoire bretonne. À la fin du paléolithique, la pointe de l’Europe (la Manche ne s’est pas encore formée), est parcourue par des groupes de chasseurs qui se déplacent sur de longues distances. Quelques millénaires plus tard, la terre se réchauffe, le Massif armoricain devient une péninsule couverte d’épaisses forêts. Deux types de populations s’y développent, sur le littoral et à l’intérieur des terres. Dans les monts d’Arrée, les hommes vivent de la chasse (cerfs, sangliers et peut-être bouquetins) et de la cueillette de végétaux. Ils utilisent de petits abris comme celui de Kerbizien ou celui de Pont-Glaz, à Plounéour-Ménez, fouillé il y a quelques années. “En multipliant les études de sites, indique Grégor Marchand, on commence à comprendre les espaces qu’ils occupaient et les liens entre les différents groupes humains. Une vue d’ensemble commence à se dessiner, même s’il nous reste beaucoup à apprendre.”