![1940-1944. Les voix bretonnes de Radio Londres](https://image.over-blog.com/TWPK2FOvKaAPMT03MkIFeNKMncc=/fit-in/300x300/filters:no_upscale()/image%2F1059724%2F20140727%2Fob_54eaab_86665fic.jpg)
L’information a joué un rôle essentiel durant la Sseconde Guerre mondiale, avec l’utilisation de moyens massifs de propagande ou de contre-propagande et le recours aux nouveaux médias de l’époque : le cinéma et la radio. Plusieurs Bretons ont participé à cette guerre médiatique sur les ondes de la BBC, à travers les émissions de Radio Londres.
Commençant par le fameux « Pom, pom, pom, pom », le générique des émissions « Les Français parlent aux Français » fait partie des éléments les plus familiers de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Il est vrai que la radio a joué un rôle majeur dans le conflit et c’est d’ailleurs ce média qu’utilise le général de Gaulle pour diffuser son fameux appel du 18 juin 1940 et avec lequel les Français libres vont quotidiennement communiquer.
Une guerre des ondes
Inventée au siècle précédent, la radio ne prend son essor que dans les années 1920, avec la création des premières émissions régulières, puis le lancement de chaînes, très souvent sous contrôle des États. Les régimes totalitaires des années 1930 comprennent rapidement l’intérêt de ce média qui permet de faire passer massivement des messages de propagande.
Après la défaite, Radio Vichy et Radio Paris sont mises au service de la collaboration, à grands renforts de démagogie et d’antisémitisme. Pour les contrer, sur les ondes de la BBC à Londres, plusieurs émissions sont mises en place par les Français libres, animées par de jeunes journalistes qui innovent par leur ton novateur (sketchs, messages personnels, chansons, blagues…). C’est ainsi Pierre Dac qui lance le slogan : « Radio Paris ment, Radio Paris est Allemand ».
Rapidement, Radio Londres va également contribuer à faire passer des messages codés pour la Résistance. Sur le continent, les Allemands tentent de brouiller la radio, sans succès. Partout, on « bricole » des postes à galène pour pouvoir capter la voix de la France libre et des Alliés qui rendent compte, à partir de 1942-1943, des revers des forces de l’Axe.
Jean Marin, le Douarneniste
Parmi les grandes voix de Radio Londres, on retrouve deux Bretons : le Douarneniste Jean Marin et le Trégorrois Charles-Marie Guillois. Né en 1904 dans la cité penn-sardin, Yves Morvan, plus connu sous son pseudonyme de Jean Marin, a passé quelques années dans la Marine, avant de devenir correspondant de presse à Londres en 1935.
Mobilisé sur place et versé dans la mission d’information franco-britannique, il est détaché au service français de la BBC. Il est présent lors de l’enregistrement de l’appel du 18 juin et, impressionné par sa personnalité, décide de se rallier à de Gaulle. Dès le 19 juin 1940, il anime une émission afin de « porter dans les demeures françaises les paroles de vérité ».
En 1944, il est présent dans la 2e division blindée du général Leclerc qui libère Paris, avant d’être chargé par de Gaulle du redémarrage de Radio Rennes. Il s’investit également dans la presse régionale. Après la guerre, Jean Marin devient directeur de l’Agence France presse, puis son président en 1957, après avoir contribué au statut d’autonomie de l’AFP, garant d’un journalisme indépendant.
Guillois, le bretonnant de la BBC
Originaire de Penvenan, Charles-Marie Guillois rejoint l’Angleterre depuis Brest, le 16 juin 1940, à bord des navires de la Marine qui tentent d’échapper à l’avance allemande en Bretagne. Il a d’ailleurs manqué de mourir sur le Vauquois, coulé par une mine dérivante. À Londres, Jean Marin le remarque alors qu’il est en train de discuter en breton avec un groupe d’engagés des FFL. Jean Marin l’embauche avec lui pour les émissions en langue bretonne et en profite pour rassurer sa famille restée au pays. « Me zo Koko deus Porzh Gwenn », lance-t-il sur les ondes de la BBC, notamment pour sa mère qui le croyait mort sur le Vauquois.
Pendant plusieurs mois, Charles-Marie Guillois anime des émissions en langue bretonne pour inviter les hommes valides à continuer le combat et à rejoindre l’Angleterre. L’emploi du breton a une indéniable efficacité psychologique pour convaincre de nombreux marins de traverser la Manche. Les Bretons formeront ainsi près de 40 % des effectifs des Forces navales françaises libres. Sans compter les maquis qui se développent dans la péninsule à partir de 1943.
Après la guerre, Charles-Marie Guillois rappellera au général de Gaulle et aux autorités de la République que la langue bretonne qui avait été aussi mobilisée dans le combat contre les nazis méritait des mesures de protection. Il rédige une lettre au président de la République. Mais son message, cette fois, ne sera pas entendu.
Pour en savoir plus :
Aurélie Luneau, Radio Londres - 1940-1944 - Les voix de la liberté, éditions Librairie Académique Perrin, 2005.
Jean-Jacques Monnier, Résistance et conscience bretonne, Yoran Embanner, 2008.
Collectif, Toute l’Histoire de Bretagne, Skol Vreizh, 2012.