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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1778. la bataille de Ouessant

Publié le 16 Août 2014 par ECLF in Histoire de Bretagne

1778. la bataille de Ouessant

En 1778, alors que la France vient d’entrer en guerre pour aider les insurgents américains, deux fortes escadres françaises et britanniques s’opposent en un violent combat. Sans dégager de net vainqueur, la bataille d’Ouessant fit prendre conscience que la Royal Navy n’était pas forcément invincible.

Après l’envoi de volontaires et une aide indirecte conséquente, notamment en ouvrant ses ports aux corsaires américains, la France a très tôt apporté son soutien aux insurgés des États-Unis, en guerre contre la Grande Bretagne depuis 1775. La cour de Versailles y voyait un bon moyen d’affaiblir la Grande-Bretagne, après les désastres subis lors de la guerre de Sept Ans et la perte des colonies canadiennes.

Une guerre navale

Le 6 février 1778, Louis XVI signe avec Benjamin Franklin un traité d’amitié avec les États-Unis d’Amérique. La France et la Grande-Bretagne entrent en guerre. Celle-ci va être d’abord maritime et elle est rendue possible par le renforcement de la flotte française depuis l’accession au trône de Louis XVI. Dans l’histoire de France, il est sans doute le souverain le plus préoccupé par les affaires maritimes. Il a ainsi favorisé la construction navale, les expéditions (comme celle de Bougainville) ou le renforcement des ports (construction d’une digue de quatre kilomètres à Cherbourg).

Très rapidement, Français et Britanniques vont s’affronter dans la Manche. Le premier combat d’importance a lieu à cent milles marins, au large d’Ouessant, le 27 juillet 1778. Un affrontement à la fois redouté et espéré par l’opinion publique française qu’animait un certain sentiment de revanche sur la supériorité supposée de la Royal Navy.

La flotte française est commandée par le lieutenant Louis Gillouet d’Orvilliers, la britannique par le vice-amiral Augustus Keppel. Elles comprennent chacune une trentaine de vaisseaux de ligne, dont des vaisseaux de 64 et 74 canons. Manœuvrés par plusieurs centaines d’hommes, ces navires figurent parmi les engins les plus complexes mis au point par l’homme. Ce sont de véritables forteresses flottantes.

Le Bretagne, vaisseau amiral

Les flottes sont divisées en trois escadres (avant-garde, corps de bataille et arrière-garde), chacun arborant une couleur spécifique. Le chef d’escadre est situé au centre de la ligne et les ordres aux autres vaisseaux sont transmis par des pavillons, grâce notamment à des navires plus légers sur le côté. Le Bretagne est le navire amiral de Louis Gillouet d’Orvilliers. Offert par les États de Bretagne et mis en service en 1762, il comprend trois ponts et une centaine de canons. Pour l’anecdote, il participera également à la troisième bataille navale d’Ouessant en 1794.

Les deux flottes sont en vue dès le 23 juillet et manœuvrent jusqu’au 27 juillet, où elles se mettent ordre de bataille. Les Britanniques font alors voile à l’ouest, les navires français vont au nord-ouest. D’Orvilliers ordonne à ces unités de se mettre en ligne. À 11 heures, l’affrontement débute et l’artillerie entre en action. À cause de la gîte, les Français ne peuvent utiliser leurs plus gros canons, mais les artilleurs provoquent de gros dégâts dans les mâtures anglaises.

Le retard du duc de Chartes

Après plus d’une heure de combat, d’Orvilliers constate que son avant-garde, commandée par le duc de Chartes peut s’engouffrer entre deux escadres britanniques. Il ordonne au duc de Chartes de changer de cap et d’isoler l’arrière-garde ennemie. Mais ce dernier tarde à réagir. Dans l’autre camp, Keppel a également des problèmes avec une escadre dont le navire principal, le Formidable, est très endommagé.

Dans la nuit, les Britanniques quittent les lieux. Plus tard, Keppel affirmera que c’était les Français qui avaient refusé le combat. Le 28 juillet, la flotte française regagne Brest. 163 marins français ont été tués, plus de 400 chez les Britanniques. De part et d’autre, de nombreux vaisseaux sont endommagés. Dans chaque camp, on crie victoire. Mais un peu plus chez les Français qui estiment avoir mis à mal l’invincibilité de la Royal Navy, maîtresse des mers depuis la fin de la guerre de Sept Ans, en 1763. Keppel sera d’ailleurs envoyé devant un tribunal, mais il sera disculpé. Une polémique éclate cependant concernant l’attitude du duc de Chartes, dont il semblerait que ce soient les officiers qui aient préféré ne pas intervenir pour protéger ce prince de sang. Quoi qu’il en soit, il ne recevra plus aucun commandement et en gardera une haine profonde pour Louis XVI. Il votera d’ailleurs la mort du roi en 1793.

En définitive très indécise, la bataille d’Ouessant est la première d’une longue série d’affrontements navals dans l’Atlantique qui devaient porter des coups très rudes à la suprématie britannique sur les mers. Les victoires de la Marine française et l’audace des corsaires américains ont considérablement pesé sur le cours du conflit. Ce dernier s’achève en 1783 avec la victoire de la révolution américaine qui, en retour, allait profondément marquer l’histoire de l’Europe.

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