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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1512. La fin de la Cordelière

Publié le 4 Avril 2015 par ECLF in Histoire de Bretagne

1512. La fin de la Cordelière

En août 1512, la Marie Cordelière et son capitaine Hervé de Portzmoguer sombrent au terme d’un combat épique contre une flotte anglaise. Vaisseau amiral de la duchesse Anne, elle était l’un des plus imposants navires de l’époque, incarnation d’une certaine puissance maritime bretonne.

En ce 10 août 1512, la flotte bretonne et une escadre française mouillent en rade de Brest et accueillent une partie de la noblesse bas bretonne. Anne de Bretagne et son mari Louis XII souhaitent en effet voir leurs flottes respectives – la Bretagne est à l’époque un Etat souverain – mener une expédition commune contre l’Angleterre. Mais, Henri VIII devance la menace et lance sa flotte contre la Bretagne. Prince fougueux et belliqueux, le jeune Tudor va développer et professionnalisé sa marine de guerre. Il est d’ailleurs considéré comme le créateur de la Royal navy, l’une des grandes puissances navales de l’histoire.

Un combat épique

Aussi, en ce 10 août 1512, lorsque sonne l’alarme, la flotte britto-française largue les amarres en urgence, sans avoir le temps de débarquer les invités. Elle franchit le goulet de Brest et va affronter les Anglais, probablement au large de Berthaume, peut-être au Conquet. Avec une vingtaine de navires marchands qu’ils ont capturés mais de faible valeur militaire, les Anglais paraissent bien plus nombreux – Une cinquantaine de bateaux contre vingt-deux. L’amiral breton, Hervé de Portzmoguer décide donc de protéger le retrait de sa flotte vers Brest avec son navire amiral, la Marie Cordelière et deux vaisseaux français, la Louise et la nef de Dieppe.

Au terme d’un combat épique, deux navires anglais, le Mary James et le Sovereign sont coulés. La Louise doit fuir après avoir été en partie démâtée par le Mary Rose. Les deux principaux navires, le Regent et la Cordelière s’abordent. On se bat au corps à corps. Au terme d’une lutte acharnée, un incendie – peut-être allumé par Portzmoguer – fait exploser la Cordelière et le Regent. Plus de deux mille personnes périssent dans le drame. Le sacrifice de Portzmoguer, « Primauguet » dans sa version francisée, fera l’objet de nombreuses élégies dans toutes l’Europe.

Un navire de légende

Si l’affaire fait grand bruit, c’est que la Cordelière était alors l’un des plus puissants navires de son temps, un véritable château-fort flottant avec près de 200 pièces d’artillerie embarquées. Ce navire de 700 tonnes était long d’une quarantaine de mètres, large d’une douzaine. Il comptait près de 1200 hommes. A l’époque, les Etats européens commençaient à se doter de marines militaires professionnelles, à l’instar du royaume d’Ecosse avec son Saint-Mickael, construit en 1514 et embarquant plus de 300 pièces d’artillerie. Pays maritime par sa géographie, la Bretagne possédait alors une flotte capable de rivaliser avec les autres puissances européennes.

La Cordelière avait été commandée par la reine Anne de Bretagne et construit en 1498, probablement sur le chantier naval du Dourduff, près de Morlaix. Sa conception avait été confiée à un maître-charpentier de marine, Descharges. D’abord nommée Nef de Morlaix, Nef de la Royne, puis la Mareschalle, la reine la rebaptise du nom de l’ordre de la cordelière, un ordre de chevalerie créé également en 1498, en hommage à saint François d’assise et, par association, à son père le duc François II.

La Cordelière participe à plusieurs expéditions, notamment en Méditerranée pour soutenir les troupes françaises engagées en Italie et dans la campagne de Mytilène contre les Turcs. On dit que le navire était si impressionnant que la reine Anne, lors de son Tro Breizh en 1505, fit un détour à Brest pour le visiter.

Hervé de Portzmoguer a été rapidement vengé. Edward Howard meurt noyé, emporté vers le fond par son armure, lors d’un combat terrestre dans les environs de Brest, un an après le combat naval de 1512.

Voir un navire du xvie siècle à Portsmouth

A quelques heures de ferry de Saint-Malo, le port anglais de Portsmouth propose un extraordinaire voyage dans le passé maritime européen à travers son tout nouveau musée consacré au Mary Rose. Ce navire du début du xvie siècle a coulé lors d’un combat naval en 1545, entraînant dans la mort plus de six cents marins. Il est à l’origine de l’une des plus ambitieuse opération d’archéologie et de muséographie maritime depuis les années 1970. Bien conservé dans la vase, il a livré des milliers d’objets qui faisaient le quotidien des marins de l’époque et qui sont désormais exposés avec la moitié de sa coque, en traitement depuis plus de quarante ans. Protégés par un environnement sans oxygène, les aliments, les vêtements, la vaisselle et même les instruments de musique constituent un témoignage exceptionnel sur les marines européennes de l’époque. Construit en 1510 et d’un tonnage moins important que la Marie Cordelière, le Mary Rose a d’ailleurs participé au combat naval de 1514 au large du Conquet. Construit à l’origine avec une coque à clins, il est ensuite reconstruit en 1536 suivant la technique des francs-bords qui permet l’introduction de sabords, une innovation technique sans doute attribuable à un architecte de marine génial, Descharges vers 1500. Ce dernier aurait d’ailleurs conçu la Cordelière. Situé au cœur d’un vaste complexe dédié au passé maritime britannique (on peut y voir le vaisseau de Nelson, le Victory), le Mary Rose constitue l’un des plus ambitieux programme de mise en valeur du patrimoine archéologique maritime.

Renseignements : www.maryrose.org

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