Et voilà le petit dernier... Le quinzième livre quand même...
Pour ceux que le sujet étonnera (ou fera sourire), voici la conclusion du livre :
Il est toujours étonnant de constater comment parfois le téléphone arabe fonctionne en basse Bretagne. Nous en étions à la genèse de livre qu’un ami journaliste me demandait, en souriant : « Alors, il paraît que tu es en train d’écrire la bio du Lion de Plonévez ? » Entre les Montagnes Noires et les monts d’Arrée que l’on dit enclavés, les nouvelles circulent quelquefois avec une remarquable facilité…, ce qui témoigne, à la fois, de la notoriété de Jean Hourmant, comme du fait que le personnage ne laisse pas indifférent ! mais revenons au « Lion de Plonévez ». Dans une période assez terne politiquement, c’est un beau surnom ! À une époque où la plupart de nos élus tiennent un discours aseptisé, où beaucoup d’entre eux deviennent des professionnels de la politique et où le pouvoir semble aux mains des experts, on éprouve une coupable nostalgie en dialoguant avec Jean Hourmant. Celle d’une période où les élus n’hésitaient pas à prendre position et n’avaient pas peur des formules chocs. Une époque où face aux urgences du moment, on savait appeler un chat un chat et rechercher des solutions de bon sens.
Il ne s’agit pas d’idéaliser le personnage, même si plusieurs mois d’entretiens favorisent évidemment l’empathie. Jean Hourmant a bien entendu sa part d’échecs et de contradictions.
Populiste ou populaire ? Un peu des deux peut-être, mais c’est depuis toujours l’une des tensions qui anime la démocratie – « le pouvoir du peuple », en grec – tandis que la république – « la chose commune », en latin – semble parfois bien confisquée par des dirigeants éloignés du peuple.
Avec Jean Hourmant, nous avons échangé pendant plusieurs mois, remettant à de nombreuses reprises l’ouvrage sur le métier. Nous avons choisi le terme « irréductible ». L’une des définitions du dictionnaire Larousse en donne la signification suivante, « Qui ne transige pas, qu'on ne peut fléchir ». Le terme colle bien au personnage et à un itinéraire étonnant dont se livre se fait l’écho.
Jean Hourmant est né en 1927, dans la société rurale traditionnelle de basse Bretagne où, malgré le traumatisme de la Première Guerre mondiale, des cadres ancestraux subsistaient. Au fil de ses pages, il raconte l’histoire de sa commune et du centre Bretagne, particulièrement la période de l’entre-deux-guerres. Il conserve d’ailleurs une part de ce trésor qu’est ce breton populaire et rural. Jean Hourmant a été ensuite confronté à une période exceptionnelle, celle de la Seconde Guerre mondiale. Le jeune homme intrépide rejoint très tôt la Résistance et le maquis. Il n’est pas avare d’anecdotes sur la question, puissent-elles intéresser les historiens ! Il sait également se montrer critique, et même tranchant, avec une certaine version idéalisée de la Résistance. Il m’a, toujours avec émotion, raconté son itinéraire au sein de la 1ère division française libre, de la Bretagne jusqu’en Italie, en passant par l’Alsace où il a eu si froid durant l’hiver 1944-1945.
En revenant de la guerre et après un épisode aventureux au Havre, Jean Hourmant revient s’installer définitivement dans son pays de centre Bretagne. Le jeune homme est fonceur et entreprenant, il devient entrepreneur. Il se notabilise d’une certaine façon. Il prend ainsi des responsabilités pour la Fédération de chasse, une grande passion qui lui permet de beaucoup voyager, notamment dans les pays de l’Europe de l’Est, alors communistes, ou en Afrique.
Jean Hourmant entame également une carrière politique d’une cinquantaine d’années. Après un mandat à Brennilis, il devient maire de Plonévez-du-Faou, puis conseiller général et régional. Un engagement au service des autres et particulièrement du centre Bretagne. Il est d’ailleurs l’un des premiers à présider le pays de centre ouest Bretagne qui se constitue dans les années 1990. Ironie du sort, à l’heure de boucler ses lignes, le pays du centre ouest Bretagne apparaît très fragilisé par les nouvelles lois sur l’intercommunalité, et plusieurs communes ont évoqué le projet de rejoindre d’autres territoires.
Le grand combat politique de Jean Hourmant a été celui de la mise à deux fois deux voies de l’axe central, entre Rennes et Châteaulin. Malgré bien des promesses et des manifestations, il n’a toujours pas abouti. Il reste encore une soixantaine de kilomètres à achever dont la portion de douze kilomètres et demi qui longe Plonévez-du-Faou, dans le Finistère. Pour Jean Hourmant, comme pour de nombreux Centre-Bretons, il s’agit pourtant d’un chantier prioritaire pour désenclaver économiquement leur pays et rendre les routes plus sûres.
Jean Hourmant s’est également très engagé dans la défense du petit commerce et de l’artisanat, dans les années 1970 ; des luttes souvent dures qui s’inscrivent dans une tradition déjà ancienne de défense de la ruralité en Bretagne. L’engagement et le parcours de Jean Hourmant donnent un éclairage singulier et apportent des explications historiques à d’autres phénomènes, comme les Bonnets rouges.
Au cours de ces entretiens, j’ai donc fait la connaissance d’une personne attachante, respectueuse des autres, mais qui, lorsqu’il a quelque chose à dire, n’hésite pas. Ce livre prétend aussi fidèlement que possible retranscrire l’itinéraire d’un témoin de l’histoire de ce pays, au xxe siècle. Des maquis de 1944 à la RN 164 à quatre voies, Jean Hourmant a indubitablement été l’une des voix du centre Bretagne ; et comme le dit lui-même cet homme d’action : « J’ai eu une vie bien remplie ! »