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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Le centenaire de l’insurrection de 1916 en Irlande

Publié le 18 Mars 2016 par ECLF in Histoire des pays celtiques

Le centenaire de l’insurrection de 1916 en Irlande

Les commémorations du processus d’indépendance de l’Irlande ont débuté cette année et devraient se poursuivre jusque 2023. Mais la mémoire de 1916 reste conflictuelle dans une île toujours divisée.

Le président de la République d’Irlande, Daniel O’Higghins a lancé en janvier les commémorations du centenaire de l’insurrection de Pâques 1916. Cet intellectuel de gauche, universitaire et poète, aura la lourde tâche de tenter de réconcilier des mémoires souvent antagonistes à propos d’un événement qui continue de marquer la vie politique irlandaise. Le souvenir du processus d’indépendance reste même le principal clivage politique entre les deux principaux partis, le Fine Gael et le Fianna Fail.

Ces deux formations se classent au centre droit, mais le Fine Gael est l’héritier des partisans du traité de 1921 qui a abouti à la création d’un Etat libre après un conflit avec les Britanniques et à la partition de l’île, six contés d’Ulster à majorité protestante, restant dans le Royaume-Uni. Des personnalités de Fine Gael ont d’ailleurs parlé de « révolution futile » à propos de l’insurrection de Pâques 1916, considérant que l’émancipation de l’Irlande aurait pu être obtenu par la négociation avec les Britanniques.

Le Fianna Fail a été fondé par Eamon de Valera qui faisait partie des leaders de l’insurrection de 1916 et ne fut pas fusillé par les Britanniques car de nationalité américaine. Il a fait partie des opposants au traité de 1921, lors de la guerre civile qui dure jusque 1923. En 1926, il rompt avec Sinn Féin sur la question de la participation aux institutions irlandaise et crée Fianna Fail avec lequel il gagne les élections de 1932 et travaille dès lors à couper les derniers liens institutionnels avec la Grande Bretagne. Ironie de l’histoire, c’est cependant un gouvernement Fine Gael qui proclame la république d’Irlande en 1948.

Les héritiers d’Eamon de Valera accordent donc une importance particulière à la célébration de Pâques 1916 qui, rappelons-le, fut un terrible échec militaire. Menée par quelques centaines de républicains avant-gardistes, elle allait cependant provoquer une répression féroce de la part des Britanniques et faire basculer l’opinion publique en faveur du parti indépendantiste Sinn Féin. Trois ans plus tard, ce dernier fut le grand vainqueur des législatives de 1919, ce qui devait relancer le processus de séparation avec la Grande-Bretagne.

Le retour du Sinn Féin

Le Sinn Féin a d’ailleurs son propre programme de commémorations. Pour ce parti nationaliste, désormais sur une position de gauche radicale, antieuropéenne, voire populiste, l’insurrection de 1916 est, bien entendu, l’un des épisodes majeures de la geste républicaine irlandaise. Sinn Féin est l’un des deux principaux partis en Irlande du Nord dont il cogère le gouvernement local. Il vient de lancer une campagne pour un referendum sur l’indépendance, qui pourrait être organisé tous les sept ans. La pyramide des âges fait que les catholiques seront majoritaires dans quelques années, ce qui renforcera le camp d’un départ du Royaume-Uni et d’une éventuelle réunification.

Des gestes ont cependant été faits en direction de la communauté unioniste protestante pour laquelle, comme pour les Britanniques, l’année 1916 reste surtout associée à la terrible bataille de la Somme. De nombreux régiments irlandais se distinguèrent dans ce qui reste l’une des batailles les plus meurtrières de l’Histoire avec plus d’un million de victimes.

Désormais fréquentable depuis les accords de paix de 1998, Sinn Féin est aussi de retour dans le sud de l’île. Son discours très à gauche séduit une partie de l’électorat irlandais encore sous le choc de la crise financière de 2008 et de la mise sous tutelle européenne. Il a recueilli 19,3 % des voix aux élections européennes de 2014 et 15 % aux dernières législatives. L’insurrection de 1916 ne doit pas être regardée qu’au seul prisme irlandais, mais également à l’échelle des décolonisations. En un sens, la révolte irlandaise a ébranlé l’empire britannique, mais également un royaume de plus en plus désuni. En 2016, les Britanniques voteront sur leur maintien ou non dans l’Union européenne. En cas de victoire des eurosceptiques, les Ecossais ont déjà annoncé qu’ils organiseraient un nouveau referendum sur l’indépendance et Dublin redoute de devoir rétablir une frontière avec l’Irlande du nord… Un siècle après Pâques 1916, la question des nationalités reste vive dans les îles Britanniques.

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