Au XIXe siècle vivait un personnage étonnant dans le pays du Faouët. Artisan ambulant et prophète, Philippe Normant faisait des prédictions parfois troublantes.
Les prophètes, devins, divinourien et autres personnages extravagants ne sont pas rares dans l’histoire de Bretagne. Aussi loin que l’on remonte, jusqu’au druide Gwenc’hlan, on retrouve ces cassandres dont les prédictions sont rarement optimistes. C’est le cas de Philippe Normant qui exerça ses dons en haute Cornouaille, dans la région du Faouët, au début du XIXe siècle et où il est resté très présent dans la mémoire collective.
Ses origines restent obscures. Certains affirment qu’il serait né et décédé rue des Cendres au Faouët quand d’autres affirment qu’il était un enfant abandonné. On dit ainsi qu’il aurait été trouvé dans un chemin creux, aux abords de la forêt de Saint-Tugdual, réputée alors pour abriter des loups féroces. Une mendiante, Marie Fanchon, l’aurait recueilli. Comme nul ne venait le rechercher, l’enfant la suivit. Un religieux lui aurait donné un nom de famille après avoir mené des recherches infructueuses sur ses origines.
Un étrange rétameur
Une fois adulte, il devient rétameur, un artisan ambulant qui faisait le tour des villages et des fermes pour réparer les outils. Ces déplacements constants expliquent sans doute le succès et la diffusion de ses prophéties. En effet, l’homme est devin et annonce plusieurs évènements. Il affirma ainsi que lorsque Toull ar C’hi, à Gourin, serait devenu le centre ville, tous les habitants auraient quitté la ville. Quelques décennies plus tard, avec la gare, le quartier s’urbanise en effet, alors que les Gourinois commencent à partir en masse en Amérique. Il dit aussi que « quand la fin du monde sera proche, on verra aussi des routes avec une ligne jaune au milieu » et il est vrai que le développement du réseau routier avec l’automobile est allé de pair avec la fin d’un monde, celui de la société rurale traditionnelle. Car le prophète du Faouët affirme aussi que les véhicules seront « actionnés par le feu sans l’aide des bœufs et des chevaux » et que « les hommes voleront comme les oiseaux ». Prédiction assez troublante, allant de pair avec des changements de société que notre prophète ne semble pas apprécier : « Dianav ar baotred diouzh ar merc’hed diouzh o blev ha diouzh o dilahd / Les hommes seront méconnaissables des femmes dans leurs chevelures et leurs vêtements »…
Prédictions troublantes
Philippe Le Normant annonçait souvent des catastrophes et particulièrement la mort imminente de gens du pays. Il prédit ainsi à un nourrisson qu’il serait « brûle et noyé en même temps ». Quelques années plus tard, l’enfant en portant du feu à des ouvriers agricoles, traversa un cours d’eau sur un tronc, perdit l’équilibre, se brûla et tomba dans la rivière.
S’il est une prophétie sur laquelle il ne devait pas se tromper, c’est celle de sa mort. La veille de l’événement, il fit le tour du bourg annonçant sa fin prochaine. Il mourut le lendemain, dans un four à pain où s’abritaient les mendiants et on dit qu’il neigea ce jour-là, entre 11 heures et midi, pendant son agonie.
Philippe Le Normant avait à diverses reprises annoncé la fin du monde, affirmant qu’auparavant, « l’étang de Langonnet deviendra trois fois une prairie et le bourg du Faouët trois fois une forêt ». L’étang a bien été une fois assèché, mais le bourg ne semble guère retourner à l’état sauvage. Il devrait donc rester encore du temps avant l’apocalypse !