Pendant plus d’une trentaine d’années, entre 1893 et 1927, le peinte Paul Sérusier s’installe à Châteauneuf-du-Faou. Influencé par Gauguin et Emile Bernard, passé par Pont-Aven, cet artiste s’inspire des habitants du Poher sans parvenir à vraiment s’intégrer.
C’est dans une famille aisée que Paul Sérusier naît, en 1864, à Paris. Il fait ses études au prestigieux lycée Condorcet. Mais ne montrant guère d’inclinaison pour les affaires, il intègre l’Académie Julian en 1885 qui forme alors une partie de l’avant-garde artistique. En 1888, il passe quelque temps à la pension Gloanec à Pont-Aven où il fréquente deux des plus grands peintres de son époque, Emile Bernard et Paul Gauguin. L’année suivante, ce dernier lui donne une « leçon » alors qu’il peint un petit tableau. « De quelle couleur voyez-vous ces arbres ?, demande Gauguin. « Ils sont jaunes », répond Sérusier. « Et bien, mettez donc du jaune. Et cette ombre ? » ; « Plutôt bleue », « Ne craignez pas de la peindre aussi bleue que possible. » « Et ces feuilles rouges ? », « Mettez du vermillon. »
Un Nabi en Bretagne
Impressionné par cette expérience, Sérusier revient à Paris où il montre le tableau, désormais surnommé le « Talisman » et partage ses impressions. Ensemble, ils forment le groupe des Nabis, « prophètes » en hébreux. Un courant artistique très influencé par le symbolisme mais également l’occultisme et l’ésotérisme.
Sérusier revient régulièrement en Bretagne qui est alors la contrée « à la mode » pour de nombreux artistes appréciant à la fois la beauté de ses paysages et l’exotisme de ses habitants. En 1891, Sérusier est à Huelgoat puis, deux ans plus tard, à Châteauneuf-du-Faou où il achète une demeure et installe son atelier. L’hiver, il rentre à Paris, mais passe une partie de son temps en centre Bretagne. Il peint notamment de nombreuses figures de paysans et de paysannes du Poher.
Peintures dans l’église
A partir de 1894, Sérusier devient de plus en plus mystique et se passionne pour la spiritualité du Moyen Âge, la religion égyptienne et les théories sur les constructeurs de cathédrales et le fameux « nombre d’or ». Il peint ainsi dans l’église de Châteauneuf-du-Faou et en décore le baptistère.
Comment le perçoivent les habitants ? L’homme fait figure d’original à bien des égards. Il parle plusieurs langues, mais ne daigne pas apprendre le breton, la langue usuelle à l’époque. Il fréquente les cafés du bourg. Les enfants se moquent parfois de cet homme barbu et boiteux. Il terrorise aussi certaines jeunes filles qui doivent lui servir de modèle.
Paul Sérusier meurt en 1927 à Morlaix. Il se sera profondément attaché à la Bretagne. Il déclarait ainsi, en 1893, « je me sens de plus en plus attiré par la Bretagne, ma vraie patrie puisque j'y suis né de l'esprit ». Sa commune d’adoption tente de mettre en valeur ce grand artiste du début du XXe siècle, mais sa maison, décorée de fresques étonnantes, tombe aujourd’hui en ruine.
Erwan Chartier-Le Floch
Les dates de l’Histoire
1851. Première exposition universelle à Londres
1870. Défaite de la France contre la Prusse, chute du Second empire.
1886. Emile Bernard et Paul Gauguin à Pont-Aven.
1914. Début de la Première Guerre mondiale
A visiter : les peintures de Sérusier dans l’église de Châteauneuf-du-Faou
L’œuvre de Sérusier est marquée, notamment après son installation en Bretagne en 1893, est marquée par un fort mysticisme chrétien. Sérusier rend visite à plusieurs reprises à son ami Yan Verkade, devenu moine dans le monastère allemand de Beuron. Les références médiévales abondent dans ses œuvres et il entend se mettre au service de l’église paroissiale. En 1905, il réalise quatre grandes toiles pour l’église de Châteauneuf-du-Faou. Elles mesurent 4 mètres sur 2,5. Mais le recteur refuse de payer, prétextant des frais trop importants. Il semble qu’il n’appréciait pas non plus les thèmes évoqués. Trois de ces toiles sont aujourd’hui conservées à la mairie de Guingamp. Quelques années plus tard, son épouse Margueritte le convainc de tenter une nouvelle expérience. Pendant la Première Guerre mondiale, Sérusier réalise une grande fresque a tempera représentant le baptême du Christ par saint Jean-Baptiste. Commencée en 1914 par la scène de l’Annonciation, cette œuvre ne fut terminée qu’en 1917.
A lire, la brochure de Louis Grall : « Paul Sérusier dans l’église » les arcades de la nef, l’oeuvre inaccomplie; le baptistère.