En Bretagne, l’eau ne coule pas que sous les ponts, elle s’écoule aussi des fontaines dont beaucoup son sacrées, une illustration du vieux fonds païen qui donne une couleur bien particulière au christianisme dans la péninsule.
Les fontaines sacrées semblent remonter à plus haute Antiquité. Chez les Celtes, plusieurs sites étaient ainsi renommées hors d’Armorique, notamment à Chamallières en Auvergne, où de nombreux ex-votos en bois furent découverts près de sources consacrées. Les saints hommes qui évangélisent la Bretagne au début du Moyen Âge se gardent bien d’abroger toutes les anciennes croyances. Rapidement, on leur attribua les pouvoirs des anciennes divinités qui vivaient dans ces fontaines sacrées. A la fin du Moyen Âge et à La Renaissance, ces fontaines furent souvent aménagées, avec des élements architecturaux de prestige, une niche pour la statue du saint, parfois un oratoire ou une chapelle. La source pouvait d’ailleurs se trouver dans la chapelle elle-même, comme à Saint-Symporien, en Paule. Au temps des Romains, elle alimentait déjà l’aqueduc de Carhaix.
Des pardons sont fréquemment associées aux fontaines, qui faisaient alors l’objet d’une opération de nettoyage et de curage de la part des paroissiens. Le lieu était généralement décoré et accueillait des dizaines de fidèles, venus invoquer le saint et profiter des vertus de la fontaine.
Une fontaine pour chaque problème
Car en Bretagne, il y a une fontaine pour chaque problème ou chaque maladie. On en recense d’ailleurs plus de 2000 dans la péninsule. Il existe d’abord des fontaines de guérison. Pour se soigner, on buvait, on s’aspergeait ou on se frottait avec leurs eaux, qui pouvaient également être précieusement conservées dans des bouteilles. Ainsi, la fontaine de Saint-Fiacre, au Faouët, est réputée pour les maladies de peau. A la Clarté, en Combrit, un tissu gorgé de l’eau de la fontaine sert à soigner la vue. L’eau de saint Bieuzy guérissait des maux de tête, il est vrai que le saint avait été décapité…
Il existait aussi des fontaines de divination, notamment pour la météorologie. La plus fameuse d’entre elles reste celle de Barenton qui, au cœur de la forêt de Brocéliande, aurait abrité les amours de Viviane et Merlin. Elle était censé annoncer l’orage, voire porvoquer le tonnerre et la tempête. Dans d’autres fontaines, on laissait tomber un linge. S’il flottait, la guérison survenait.
Les fontaines de protection et de bonne fortune étaient également nombreuses. On y jetait une pièce ou une épingle pour s’attirer les grâces du saint. D’autres favorisaient les mariages ou la naissance d’enfants. Plusieurs pardons étaient organisés pour les animaux, comme celui des chevaux à Goudelin, où les bêtes sont bénies dans l’eau de la fontaine.
Les fontaines sacrées prennent des aspects les plus divers, comme celle des Sept-Saints, à Bulat-Pestivien. L’eau de la sources tombe dans sept bassins, consacrés chacun à un saint guérissant d’un mal différent. Il s’agissait donc d’une véritable fontaine « polyclinique »…
A noter qu’il existait une forme de « service après vente », si on n’obtenait pas de résultats, il était fréquent de « punir » le saint en le retournant dans sa niche.
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