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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Gilles de Rais, un Barbe bleue entre Bretagne et Vendée

Publié le 6 Août 2017 par ECLF in Histoire de Bretagne

Gilles de Rais, un Barbe bleue entre Bretagne et Vendée

 

 

 

Sombre et extraordinaire destin que celui de Gilles de Rais. Capitaine téméraire du roi de France, compagnon de Jeanne d’Arc, il tombe ensuite disgrâce. Retiré sur ses terres du sud de la Loire, il se livre au brigandage, à l’alchimie et à la sorcellerie. Pire, pour invoquer les damons, il aurait violé et supplicié de jeunes enfants. Son retentissant procès, à Nantes, donnera naissance au mythe de Barbe Bleue.

Gilles de Rais naît en 1404 et hérite rapidement de Jeanne de Rais, morte sans enfants et quelque temps emprisonnée par le duc de Bretagne qui lorgnait sur ses châteaux. Orphelin en 1415, Gilles est confié à Jean de Craon, son grand-père, un « homme prodigue et débauché » selon les chroniqueurs du temps. En 1420, Gilles de Rais enlève sa cousine au quatrième degré, Catherine de Thouars. Il l’épouse. Grâce à ce mariage, Gilles de Rais et son grand-père se constitue un solide fief entre Anjou, Bretagne et Poitou, avec notamment les forteresses de Tiffauges et Machecoul. 

Cette année-là également, la Bretagne est en émoi. Le duc Jean V a été kidnappé par les descendants des Penthièvre, la famille qui avait perdu la guerre de Succession. Gilles de Rais s’enrôle dans l’armée ducale qui pourchasse les rebelles, prenant les villes de Guingamp, Moncontour et Lamballe. C’est durant ces opérations que Gilles de Rais a pu rencontrer celui qui devient son premier protecteur, Arthur De Richmont, frère de Jean V. Il suit en France celui qui sera nommé connétable du royaume. Mais, ils se brouillent en 1425. Gilles de Rais se rapproche alors de Georges de la Trémoille, conseiller du dauphin, le futur Charles VII.

 

Avec Jeanne d’Arc

Gilles de Rais est en compagnie de ses puissants protecteurs lorsque, en mars 1429, à la cour de Chinon, arrive une jeune pucelle pour convaincre le dauphin d’envoyer des secours à Orléans, assiégée par les Anglais. Elle rentre dans l’Histoire sous le nom de Jeanne d’Arc et Gilles de Rais l’accompagne vers Orléans. Il participe au fameux siège des Tournelles. On connaît la suite : Jeanne force les Anglais à rompre le siège et ouvre le chemin de Reims au dauphin. Ce dernier est sacré roi de France le 17 juillet. Gilles de Rais est à l’apogée de sa gloire. En septembre, il est d’ailleurs nommé maréchal de France.

Gilles de Rais n’a rien d’un compagnon fidèle. Le 8 septembre, il quitte Jeanne lors du siège de Paris. Une décision inspirée par La Trémoille et approuvée par Charles VII, inquiets de la gloire de la pucelle d’Orléans. Le 23 mai suivant, Jeanne d’Arc est capturée à Compiègne. Elle sera brûlée un an plus tard, à Rouen. Les manœuvres de la Trémoille n’empêchent pas sa disgrâce en 1433. C’est Arthur de Richmont qui revient aux affaires auprès de Charles VII. En l’absence de son protecteur, Gilles de Rais préfère quitter la cour.

De retour sur ses terres du sud de la Bretagne et de Vendée, Gilles de Rais n’a pas renoncé à sa gloire passée. Il affiche des goûts ostentatoires. En 1435, il finance ainsi un « mystère », une longue pièce de théâtre, mettant en valeur les exploits de Jeanne d’Arc et où, évidemment, il tient un grand rôle.

 

L’or du diable

Ces dépenses coûtent cher et Gilles de Rais a de plus en plus besoin d’or. Bien plus que ne lui rapportent ses domaines. D’où quelques pillages assez sordides chez ses voisins et surtout son intérêt pour l’alchimie. Une passion à laquelle il va s’adonner avec autant de passion que de naïveté. Dans ce XVe siècle, emprunt de mysticisme, les recherches scientifiques en chimie, souvent très avancées en matière d’alliages et de métallurgie, sont aussi entourées de mystère et de souffre !

En marge de talentueux savants, évoluent un grand nombre d’escrocs et de charlatans. Et c’est plutôt à ces derniers que le seigneur de Tiffauges et Machecoul va avoir affaire. Gilles de Rais se ruine en recrutant des mages ou en se procurant de coûteux grimoires. Surtout, ses recherches en alchimie le poussent à invoquer des démons, par l’intermédiaire d’un magicien italien nommé Prelati. Au début, on sacrifie un coq, une tourterelle, un pigeon… Puis, ce sont de bien plus terribles cérémonies qui ont lieu à Tiffauges. Prelati prétend qu’un démon nommé Barron lui parle et lui montre de l’or. Gilles de Rais ne voit pas grand chose mais, crédule, continue à financer les expériences.

 

Disparition d’enfants

Dans le pays des Marches de Bretagne, on commence à parler d’étranges disparitions. De jeunes enfants ne donnent plus signe de vie. Quant aux jeunes mendiants qui franchissent les portes des châteaux de Tiffauges et Machecoul, peu d’entre eux réapparaissent. Les fidèles de Gilles de Rais sont chargés de lui trouver de jeunes enfants, attirés par des promesses de vie plus confortable. Lors de son procès, ces mêmes proches témoigneront des terribles sévices subis par les victimes.

Ainsi, un dénomé Poitou expliquera que « lorsque le sang coulait et une fois leur tête tranchée […], il s’asseyait parfois sur leur ventre et se plaisait à les voir mourir […]. A ceux qui étaient dans ses secrets, il montrait leurs têtes et les membres desdits enfants tués et leur demandait quel était le plus beau […]. Il trouvait jouissance à baiser l’un et l’autre. » Après les tortures et parfois les viols, Gilles de Rais massacre les enfants d’un coup d’épée ou en les étranglant.

Gilles de Rais semble perdre toute mesure. Criblé de dettes, il vend les terres du domaine à la grande fureur de sa famille. En 1440, il cède la seigneurie de Sainte-Etienne-de-Mer-Morte à Guillaume Le Féron, évêque de Léon. Proche du duc de Bretagne, ce dernier envoie son frère prendre possession des terres. Mais Gilles de Rais arrive en armes et emprisonne le messager. Puis, il envoie également au cachot l’évêque et des officiers ducaux venus négocier.

 

Un procès retentissant

Les Bretons réagissent aussitôt. L’armée ducale, commandée par Arthur de Richmont, franchit la frontière et prend Tiffauges puis Machecoul. Le 15 septembre, lâché par ses fidèles, Gilles de Rais est arrêté et emmené à Nantes pour y être jugé. Il comparaît devant un tribunal religieux puis civil, au terme d’audiences retentissantes dont la publicité va largement contribuer à sa légende noire.

Il est gardé dans la Tour neuve du château des ducs. Une cour ecclésiastique le reconnaît coupable de « la perfide apostasie hérétique ainsi que de l’horrible évocation des démons » et « d’avoir commis le crime et le vice contre nature avec des enfants de l’un et l’autre sexe selon la pratique sodomique. » La juridiction civile le condamne pour félonie à une amende de mille écus d’or et à la mort par pendaison. Son corps doit être brûlé pour expier les enlèvements et les meurtres d’enfants.

La sentence est exécutée le 26 octobre 1440. Mais, comme Gilles de Rais s’est entre temps repenti, l’infamie du bûcher lui est finalement épargnée. Malgré la rancune que lui vouait sa famille, celle-ci obtient qu’il soit finalement inhumé dans la prestigieuse chapelle des Carmes de Nantes.

 

Pour en savoir plus :

Heers, Jacques, Gilles de Rais, vérités et légendes, Paris, Perrin, 1994.

 

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A
Sauf que le livre de Heers et mal documenté et accumule les erreurs et les partis pris (le livre de Cazacu est préférable). Exemples:<br /> <br /> 1) ''Grâce à ce mariage, Gilles de Rais et son grand-père se constitue un solide fief entre Anjou, Bretagne et Poitou, avec notamment les forteresses de Tiffauges et Machecoul. ''<br /> Gilles et son grand pères possédaient déjà beaucoup de fiefs en Anjou, Poitou et en Vendée. Machecoul n'a jamais été une possession des Thouars (mais de la famille maternelle de Gilles, c'est à dire des Craon)<br /> <br /> 2) ''C’est durant ces opérations que Gilles de Rais a pu rencontrer celui qui devient son premier protecteur, Arthur De Richmont, frère de Jean V.''<br /> Rien n'indique une association et encore moins un ''protectorat'' entre Gilles de Rais et Arthur de Richemont. L'abbé Bourdeaut en parle mais ne cite pas ses sources et Heers recopie sans citer ses sources également. Les documents durant cette période ne montre aucune association particulière entre les deux hommes. Par ailleurs, Gilles ne fait partie de l'armée ducale mais de l'armée royale (depuis 1422).<br /> <br /> 3) 'Il suit en France celui qui sera nommé connétable du royaume.''<br /> Non, Gilles de Rais combat pour le roi en France (principalement en Anjou) depuis 1422 au moins. Sans Richemont et avec une troupe financée de ses deniers. <br /> <br /> 4) ''Gilles de Rais est en compagnie de ses puissants protecteurs''<br /> La Trémouille a conclus des alliances avec de nombreux seigneurs de la cour, y compris Gilles de Rais, le duc d'Alençon, le comte de Clermont etc...Il n'est pas clair en quoi la Trémouille a ''protégé'' Gilles de Rais.<br /> <br /> 5) ''Gilles de Rais n’a rien d’un compagnon fidèle.Le 8 septembre, il quitte Jeanne lors du siège de Paris''<br /> C'est une affirmation de Heers qui ne repose sur rien. Les documents que nous avons montrent au contraire, que Gilles de Rais n'a jamais ''trahi'' Jeanne et n'a jamais agi contre ses intérêts. le reste est spéculation. <br /> L'armée royale (dont Gilles faisait partie) a été licenciée et l'assaut contre Paris annulé. Gilles de Rais est donc parti avec les principaux chefs militaires tels que Dunois, La Hire, Xantrailles etc. Dans ce contexte, prétendre que Gilles ''n'avait rien d'un compagnon fidèle'' n'est pas crédible. <br /> <br /> 6) ''Une décision inspirée par La Trémoille et approuvée par Charles VII, inquiets de la gloire de la pucelle d’Orléans.''<br /> Non, c'est une décision prise par le conseil du roi dont la Trémouille n'était qu'un représentant. La décision n'avait rien à voir avec la ''gloire'' de la Pucelle et de la jalousie supposée à son égard. La levée du siège de Paris a été décidée dans le cadre des négociations de paix avec le duc de Bourgogne. De plus, la prise de Paris était largement irréalisable d'un point de vue pratique: les remparts et les fortifications étaient particulièrement solides, les Parisiens étaient largement hostiles à l'armée royale et l'armée royale elle- même manquait de ressources. <br /> A noter que Gilles de Rais a vendu sa première terre pour financer l'attaque contre Paris...<br /> <br /> 7) ''En l’absence de son protecteur, Gilles de Rais préfère quitter la cour.''<br /> Non, il va combattre encore pour quelques temps et recevoir des missions de la part de Charles VII. Depuis la mort de Jeanne cependant, son activité militaire et son enthousiasme guerrier se sont fortement diminués à tel point que Charles VII l'a menacé de lui reprendre son bâton de maréchal (il n'a rien fait pour sauver Laon et Grancey malgré le commandement royal). Beaucoup de seigneurs proches de la Trémouille ont poursuivi de brillantes carrières après la disgrâce du favori. La retraite de Gilles vers ses domaines n'a donc que peu de choses à voir avec l'éviction de la Trémouille. Elle semble être le fruit d'un manque profond d'intérêt pour la guerre en général. <br /> <br /> 8) '' En 1435, il finance ainsi un « mystère », une longue pièce de théâtre, mettant en valeur les exploits de Jeanne d’Arc et où, évidemment, il tient un grand rôle.''<br /> <br /> Rien ne nous permet de supposer que le Mystère à été joué 1435 (il semble être postérieur à 1448). Par ailleurs, le rôle de Gilles dans le Mysère, tel qu'il est arrivé jusqu'à nous, est très limité. Là encore (comme partout) Heers recopie à tire-larigot sans se soucier des sources. <br /> <br /> 9) ''Ces dépenses coûtent cher et Gilles de Rais a de plus en plus besoin d’or. Bien plus que ne lui rapportent ses domaines. D’où quelques pillages assez sordides chez ses voisins et surtout son intérêt pour l’alchimie''<br /> <br /> Gilles semble s'être surtout ruiné par son combat pour le comte de Charles VII. Depuis sa majorité en effet, Gilles a dépensé sans compter pour financer ses troupes dans ses combats pour le roi de France. Les compensations royales qu'il reçoit sont dérisoires (cf Cazacu pour de plus amples informations).<br /> Quand aux ''pillages sordides'' ils sont le fait de nombreux seigneurs à l'époque, dont beaucoup ont m^me surpassé Gilles dans ce domaine (le.g la Hire, l'amiral de Culan, le propre frère de Gilles Réné, Xantrailles, d'Alençon etc etc) <br /> <br /> Ce qui m'étonne un peu, c'est les références aux ouvrages de Heers qui, pour la plupart (quand il s'agit de biographies) sont d'assez mauvaise qualité (les livres sur Machiavel et Louis XI sont presque aussi mauvais que celui sur Gilles).
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