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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1485. Règlements de comptes à la cour ducale

Publié le 29 Octobre 2017 par ECLF in Histoire de Bretagne

1485. Règlements de comptes à la cour ducale

 

 

 

 

 

 

La fin du règne de François II, père d’Anne de Bretagne, est marquée par l’affrontement entre son chancelier, Guillaume Chauvin et son trésorier, Pierre Landais, chacun d’entre eux incarnant à sa façon une facette de cette Bretagne médiévale qui défendait alors son indépendance.

En ce 25 juin 1485, sous les yeux effarés de la famille ducale, des émeutiers envahissent le château de Nantes pour réclamer la tête de Pierre Landais, le grand argentier du duché. Depuis des semaines, la foule est chauffée à blanc par quelques grands aristocrates et l’argent du roi de France. Pourtant, en avril de la même année, c’était ce même peuple de Nantes qui s’était soulevé contre la haute noblesse, dont plusieurs membres séquestraient le duc et cherchait à s’emparer de Landais.

Finalement, ce 25 juin, François II, duc de Bretagne et père de la jeune Anne, très diminué physiquement, se résout à abandonner un homme qui le sert depuis un quart de siècle et qui n’a cessé de sauvegarder les intérêts politiques du duché, au risque, parfois, de verser dans le népotisme. Après 20 jours de procès sommaire, Landais est condamné à mort. Digne, il marche vers le gibet où il est pendu sans que son duc ne soit au courant de la sentence. Sa mort signe l’épilogue d’une longue lutte personnelle et politique entre souverainistes bretons et partisans d’un rapprochement avec la France. Mais au-delà des enjeux politiques, Landais en se constituant un important patrimoine, s’était aussi attiré de sourdes inimitiés.

 

Grand serviteur de l’Etat breton

C’est en 1458, que François II devient duc de Bretagne. Ambitieux, mais dilettante, le jeune prince entend faire de la péninsule un Etat indépendant et moderne au sens médiéval du terme, sans se charger des affaires communes qu’il délègue à ses conseillers. Il s’entoure ainsi de personnages fidèles comme Guillaume Chauvin, son chancelier, et un marchand de Vitré alors chargé de la garde-robe et qui va rapidement occuper une place prépondérante : Pierre Landais.

Ce dernier, comme nombre de membres de la bourgeoisie ou de la petite noblesse, est un partisan de l’indépendance de la Bretagne, indépendance qui n’a cessé de se renforcer pendant la guerre de Cent Ans et avec la dynastie de Montfort. Entre France et Angleterre, le duché connaît une période de prospérité sans précédent, exporte ses toiles et ses productions agricoles et tente d’affirmer son indépendance politique par tous les moyens.

Pierre Landais demeure le grand ordonnateur de cette politique. Il pousse à la création d’une université à Nantes et au développement des industries, notamment textiles, dont la Bretagne allait retirer une grande prospérité jusqu’au xviiie siècle. Landais réorganise les finances ducales et s’entoure de fonctionnaires issus de la petite noblesse et de la bourgeoisie, qui voit d’un bon œil une politique qui les libère de la pression fiscale française et des incertitudes internationales liées à la politique étrangère du royaume. Landais favorise en effet les alliances avec l’Angleterre et les autres Etats européens. Dans les faits, l’essentiel de la pression fiscale s’exerce en fait sur les populations rurales.

 

Jalousies exacerbées

Pour assoir son pouvoir, Landais s’appuie donc sur la bourgeoisie, les gens des villes et la petite aristocratie bretonne, particulièrement celle du pays nantais et rennais. Mais il s’attire les foudres de la grande noblesse et des barons, particulièrement de Guillaume Chauvin, chancelier du duc et partisan d’un rapprochement avec la France.

A l’extérieur, le roi Louis XI, surnommé le « roi araignée », tisse sa toile et monte les puissants barons contre l’autorité ducale. Fort de son réseau d’espions et de sa police, Pierre Landais parvient à contrer nombre d’initiatives royales. Mais les choses s’enveniment en 1477, lorsque Louis XI emprisonne quelques jours Chauvin venu en ambassade. Le roi lui montre des documents prouvant que le duc prépare une alliance secrète avec l’Angleterre et qu’Anne de Bretagne doit être fiancée au prince de Galles. Chauvin estime que Landais l’a envoyé sciemment se ridiculiser auprès du roi de France.

 

Mort de Chauvin et Landais

Une profonde haine unit désormais les deux hommes. Chauvin tente de poursuivre Landais pour malversations. Les deux camps se répandent en calomnies. Mais, en octobre 1481, écoutant Landais, François II se résout à faire arrêter son rival pour détournement de fonds. La procédure traînant, Landais le fait enfermer au château d’Auray, puis dans celui de l’Hermine à Vannes. La vengeance de Landais ne s’arrête pas là. Il parvient à convaincre les juges d’ordonner la confiscation de tous les biens de Chauvin, dont la femme meurt quelques mois plus tard d’humiliation. Emprisonné, Chauvin est victime de mauvais traitements et décède le 5 avril 1484.

Deux jours après, des nobles, proches de Chauvin, ourdissent un complot contre Landais et pénètrent par la force dans le château de Nantes. Le duc et sa famille voient leurs appartements dévastés. Mais l’alerte est donnée et le peuple de Nantes s’enflamme pour son duc. Le château est libéré et les rebelles passent la frontière.

Quelques mois plus tard, aidés par l’argent du roi de France, les barons retournent la situation et parviennent à discréditer un Pierre Landais de plus en plus autoritaire et solitaire. Ce dernier chute à l’été 1485, tandis que les périls s’accumulent contre la Bretagne. Deux ans plus tard, l’armée ducale est défaite à Saint-Aubin-du-Cormier par les Français.

 

 

 

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