La sucess story des bières celtiques
Synonyme de convivialité et de bonnes soirées dans les pubs de l’archipel celtique, brassée avec passion depuis des siècles, la bière connaît une nouvelle jeunesse. Elle est désormais devenue l’un des symboles de l’identité celtique contemporaine, entre production de masse et recherche de qualité artisanale.
Depuis une quarantaine d’années, la bière est associée au renouveau culturel des pays celtiques et elle est devenue symbole de convivialité, du festival de Lorient au pub le plus septentrional des hébrides, du fest-noz urbain au plus traditionnels des ceili. Ce formidable succès, lié à celui des whiskys et whiskeys qui en sont d’ailleurs des dérivés, contribue au développement d’une nouvelle image des pays celtiques contemporains.
La bière et les Celtes, c’est en effet une longue histoire ! Rappelons que pour brasser ce breuvage, il faut une céréale, l’orge en général ; une plante, le houblon ; et une eau, de la meilleure qualité possible. On fait germer la céréale, c’est le maltage, puis on mélange avec des levures qui vont provoquer la fermentation et du houblon. La couleur et les arômes dépendent de la composition des malts, des degrés de fermentation. Pour faire des brunes, on utilise ainsi des malté torréfiés. Ils donnent une belle couleur noire et des arômes caramélisés aux stouts à l’instar de sa plus célèbre représentante irlandaise, la Guinness.
Une longue histoire
On sait que les Sumériens brassaient déjà de la bière il y six millénaires. Sur l’étonnant site néolithique de Skara Brae, dans les Orcades, on a retrouvé des traces de bière à base d’orge. La culture du houblon est attestée en Europe depuis l’âge du Bronze et elle est très présente dans la civilisation celtique antique comme en témoignent les auteurs de l’époque. Orose nous rappelle que, lors du terrible siège de Numance, les Celtibères burent de grandes quantités de cervoise avant d’affronter les Romains. Et les autres guerriers celtes ne rechignaient pas non plus sur cette « cervoise », l’un des rares mots celtiques toujours utilisés en espagnol, galicien et portugais.
On le sait, la bière est souvent une affaire d’abbaye ! Durant le haut Moyen Âge, une église celtique se développe autour de grands monastères où l’on brasse de nombreuses bières. En Bretagne armoricaine, la Vie de saint Gwenole nous informe qu’on y produisait de la bière, à base de fruits, ce que confirme l’archéologie. Très populaire au Moyen Âge et la Renaissance, la bière va ensuite être concurrencée par les vins exportés et le cidre à l’époque moderne.
Symbole identitaire
Dès le XVIIIe siècle se développent des brasseries considérées comme autant de symboles nationaux dans les pays celtiques. Le succès de la Guinness, créée en 1759, ne doit ainsi pas éclipser ceux d’autres bières irlandaises comme la Smithwicks à Kilkenny. Et dans le sud de l’île, particulièrement à Cork qui se considère comme la « vraie capitale de l’Irlande », lorsqu’on commande une stout, on vous sert une Beamish bien onctueuse.
Au pays de Galles, la bière demeure une industrie avec la brasserie Brains, fondée en 1882. L’imposante brasserie est aujourd’hui l’un des principaux employeurs de Cardiff. Brains est aussi le sponsor de l’équipe nationale de rugby et se transforme, loi Evin oblige, en Brawn, lors des matchs en France.
Après une phase d’industrialisation aux XIXe et XXe siècles, les bières celtiques connaissent désormais une phase de retour aux sources. En 1971 est lancée la Campaign for real ales, la Camra. A la fin des années 2000, elle regroupait 80 000 adhérents et publie un guide des meilleurs débits de boissons du Royaume-Uni où l’on peut déguster des bières traditionnelles. La Camra a milité pour que les pubs, appartenant souvent à des brasseries industrielles, puissent accueillir des breuvages artisanaux.
C’est la Camra qui a inspiré directement la création d’une nouvelle bière en Bretagne, la Coreff, fondée en 1985. Son succès depuis trente ans a influencé la création de nombreuses micro brasseries, à l’instar des bières Lancelot au Roc-Saint-André. Le phénomène touche la majorité des pays celtiques où se lancent chaque année de nombreuses bières artisanales, privilégiant la qualité et la redécouverte de goûts anciens. En Irlande, la bière O’Hara s’est taillé de solides parts de marché au pays de la Guinness. En Ecosse, on redécouvre aussi les bières brassées avec d’autres plantes que le houblon. Elles développent des arômes étonnants. Avec aussi de l’humour, puisque de nombreux micros brasseurs proposent des bières en rapport avec la situation politique. On peut ainsi demander sa scottish independance dans de nombreux pubs. Décidemment, la bière celtique n’a pas fini de faire parler d’elle !