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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1914. L’affaire des poudres remue Landerneau

Publié le 16 Décembre 2018 par ECLF

1914. L’affaire des poudres remue Landerneau

 

 

 

 

Avec l’affaire Seznec, celle du meurtre de l’industriel Cadiou, en début d’année 1914 a profondément marqué l’actualité bretonne du début du XXe siècle. Il est vrai qu’avec des soupçons d’espionnage allemand, des ragots d’adultère et un cadavre retrouvé grâce à une voyante de Lorraine, tous les ingrédients étaient réunis…

Engagé dans une compétition militaire avec l’Allemagne qui devait déboucher sur la Première Guerre mondiale, la France se couvre d’usines d’armements au début du XXe siècle. A côté de Landerneau, l’usine de Grand Palud se spécialise ainsi dans la fabrication de cotons, utilisé dans les obus et les explosifs. En 1909, un ancien avoué de Morlaix, Louis Cadiou, en prend la direction. Rapidement, ses relations avec l’ingénieur de l’usine, Louis Pierre deviennent exécrables, tandis que les difficultés s’accumulent. En février 1913, l’établissement est rayé des fournisseurs de l’armée dans un climat délétère où l’on voit des espions allemands partout.

 

Une étonnante disparition

C’est dans ce contexte que Louis Cadiou disparaît la nuit du 29 au 30 décembre, alors qu’il devait rejoindre sa femme le lendemain. La machine médiatique s’emballe très vite. Louis Cadiou est d’abord soupçonné d’avoir rejoint l’Allemagne et d’avoir trempé dans le scandale des poudres. Il aurait fourni des munitions défectueuses responsables de l’explosion accidentelle de deux vaisseaux français, le Iena et le Liberté.

Le scandale est d’autant plus grand que plusieurs ouvriers affirment l’avoir vu, juste avant sa disparition, en compagnie de l’ingénieur Louis Pierre qui souhaitait quitter l’entreprise. Principal suspect, ce dernier se voit attribuer une liaison avec la femme du patron. Mais les enquêteurs n’ont aucun cadavre, tandis que les lettres anonymes les plus fantaisistes affluent.

 

Une découverte rocambolesque

Les autorités sont sur les dents. La Sureté générale envoie deux inspecteurs, puisque Cadiou est désormais soupçonné d’intelligence avec l’ennemi. On apprend que Cadiou avait déjà trempé dans des affaires de fraude et son avocat, le député Emile Cloarec, est éclaboussé. La 13e brigade mobile, l’ancêtre de la police scientifique est également mobilisée, lorsque le corps de Louis Cadiou est retrouvé dans des conditions abracadabrantes.

La belle-sœur du frère de Mme Cadiou, se rendant à Nancy, rencontre une célèbre « noctambule », Camille Simon, veuve Hoffman – dite « Madame Camille ». Elle lui présente des effets ayant appartenus à Louis Cadiou. Et la voyante décrit le meurtre avec moult détails ! « Il y a deux assassins, l’un grand, barbu et châtain, l’autre plus petit. » Ou : « Le premier coup a été porté à la tête, à gauche ». Mieux, elle donne l’emplacement où se trouve le corps : « cherchez aux environs, à droite du moulin, près de l’eau, mais dans les bois. Le corps est sous très peu de terre. »

Informée, la veuve Cadiou demande à son beau-frère, Jean, de se rendre sur place. Le 4 février – 34 jours après la disparition –, il se rend à l’endroit indiqué, commence à creuser et… découvre le cadavre de Louis Cadiou !

 

Nouveaux coups de théâtre

La gendarmerie arrive alors pour l’exhumation du corps. Il présente une blessure au cou et les enquêteurs soupçonnent qu’il a été égorgé. Ce que confirme l’autopsie. Mais de nouvelles lettres anonymes mettent en cause cette version. Une seconde autopsie est ordonnée. Et elle révèle la présence d’un projectile de 6 mm dans la mâchoire de Cadiou !

Or Louis Pierre, déjà emprisonné, possédait une arme du même calibre. Néanmoins, il clame son innocence. Le procès, qui déchaîne les passions, est fixé au 29 juillet 1914… Au moment où la guerre éclate. Il est ajourné.

Finalement, Louis Pierre est libéré et mobilisé. Son procès n’aura lieu, aux assises de Quimper, qu’en 1919. L’évènement mobilise tant la presse régionale que nationale, d’autant que l’accusé est défendu par Henri Robert, surnommé « le maître des maîtres de tous les barreaux ». Le ténor n’a pas usurpé sa réputation : Louis Pierre est acquitté, le 1er novembre 1919, sous les ovations du public. Et à ce jour, le meurtre de Louis Cadiou n’a toujours pas été résolu !

 

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