Une rue de Carhaix conserve le souvenir d’Armand-Félix Jobbé-Duval, né en 1821, et devenu un artiste reconnu dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il était également très engagé dans les luttes sociales, notamment au moment de la révolution de 1848 et de la Commune.
C’est un peu par hasard que le peintre Armand-Félix Jobbé-Duval nait dans la capitale du Poher, un beau jour de juillet 1821, rue Hollo. Ses parents sont en effet originaires de Rennes, où leur famille a donné plusieurs artistes et peintres. Son père est alors officier du cadastre pour le département du Finistère et il est chargé d’établir celui de Carhaix. Sa mission achevée, la famille déménage à Landerneau. Néanmoins, un oncle paternel du futur artiste avait épousé une Carhaisienne et s’était établi en centre Bretagne. Le jeune Jobbé-Duval a donc longtemps gardé des liens avec sa cité natale.
Il fait ensuite ses études au collège La Tour d’Auvergne à Quimper. Il est doué pour le dessin et le conseil général lui octroie une bourse pour des études artistiques. Il intègre alors la prestigieuse école des Beaux-Arts de Paris en 1840 et l’atelier de Paul Delaroche, puis celui de Charles Gleyre. C’est sur les bords de la Seine qu’il fait l’essentiel de sa carrière, développant une œuvre abondante que Catherine Menegoux Jobbé-Duval, l’une de ses descendantes, juge cependant paradoxale : « Jobbé-Duval trouve son originalité dans son caractère. Pourquoi un communard en lutte contre le pouvoir a-t-il obtenu autant de commandes de l’Etat ? Pourquoi un si bon portraitiste a-t-il préféré peindre des thèmes si classiques ? Pourquoi l’ami de Gauguin ne s’est-il pas plus intéressé à la peinture des paysages ? Pourquoi un si bon coloriste a-t-il préféré l’utilisation d’une sombre palette ? »
Artiste communard
Homme de gauche, Jobbé-Duval est en effet l’un des disciples du socialiste utopiste Charles Fourier. Il participe à la Révolution de 1848, mais ne s’oppose pas trop fermement au second Empire, puisqu’il reçoit, en 1861, la légion d’honneur. Il a réalisé plusieurs commandes pour des églises, dont celle de Landerneau, alors qu’il s’affiche comme franc-maçon et membre de la loge des zélés philanthropes…
Armand-Félix Jobbé-Duval est aussi connu pour sa participation à la Commune qui suit la défaite française contre la Prusse. Il devient même officier des troupes communardes pour le XVe arrondissement où il réorganise la garde nationale. Mais il ne parvient pas à éviter les affrontements de plus en plus fréquents avec les mobiles, puis l’insurrection révolutionnaire contre le gouvernement provisoire. Après la répression des Versaillais, il est cependant amnistié. Il est élu par la suite conseiller municipal de son arrondissement jusqu’à sa mort. En 1883, comme un signe de réconciliation, il réalise le tableau représentant la prise de possession du conseil municipal de Paris dans le nouvel hôtel de Ville, après les destructions de la Commune. Il s’y représente lui-même.
Une fois installé à Paris, les liens de Jobbé-Duval avec son pays natal se sont distendus, même s’ils n’ont pas disparus. Il a peint quelques paysages bretons, dont certains sont exposés au musée des beaux-arts de Quimper. C’est lui qui aurait conseillé à son ami Gauguin de venir à Pont-Aven. Il aurait ainsi contribué à cette révolution artistique qui débute en 1888, en Bretagne, lorsque Gauguin peint sa Vision du Serment qui bouleverse l’histoire de la peinture moderne. On lui doit enfin plusieurs allégories de la justice sur les plafonds du parlement de Bretagne.