Décédé jeudi 14 novembre, Jean Kergrist était un personnage aux multiples facettes qui a marqué la Bretagne depuis un demi-siècle.
Ca sonnait bien en breton, mais aussi en français et on entendait volontiers « Jean pas triste » ! Son surnom lui venait de Kergrist-Moëlou, où Jean Hamon naquit en mars 1940. Issu d’une famille d’agriculteurs, rien ne semblait vraiment le disposer à son futur destin de cabotin. Après des études à Campostal, à Rostrenen, le jeune Jean entre au séminaire de Saint-Brieuc, puis chez les dominicains. « J’étais fasciné par les intellectuels de cet ordre, notamment leur ligne humaniste, tiers-mondiste et leur approche de l’art. » Il intègre le couvent de la Tourelle, construit par Le Corbusier, en région lyonnaise. C’est là que les évènements de Mai 68 le rattrapent et il assiste à la mort du commissaire Lacroix. Il en avait tiré un ouvrage, Libérez Raton !, paru en 2018.
Clown atomique
Quelques années plus tard, une crise de foi assez sérieuse l’amène à quitter les dominicains et à revenir dans sa Bretagne natale alors en pleine ébullition identitaire et sociale. Après avoir suivi des cours de théâtre à Lyon, notamment avec Roger Planchon et Marcel Maréchal, il fonde son Théâtre national portatif (TNP) avec lequel il interprétera une quinzaine de personnages de clowns qui se sont produits un peu partout en Europe sur des thèmes écologistes et sociaux.
Le plus connu de ces personnages demeurera le clown atomique, devenu l’un des personnages emblématiques de la grande révolte antinucléaire de Plogoff (1978-1981). Face à la brutalité des gendarmes mobiles et à la rigidité de l’Etat central, il a su montrer que l’humour et la dérision peuvent être une arme redoutable.
Ecrivain engagé
Ancien dominicain, Jean Kergrist avait parfois un petit côté jésuite, voire manipulateur. On sentait bien que la polémique ne lui faisait pas peur. Ami de Jean Lebrun, l’animateur des émissions historiques sur Radio France, Kergrist a écrit plusieurs ouvrages historiques qui détonnaient en raison de leurs sujets de recherche. Entre 2001 et 2003, il se lançait dans une vaste recherche sur le camp des bagnards militaires de Glomel qui avaient travaillé sur le canal de Nantes à Brest dans les années 1830. Sujet qui lui inspira plusieurs ouvrages et documentaires.
En 2012, l’agitateur de gauche publie Qui a tué Poulain-Corbion ? du nom d’un député républicain de Saint-Brieuc tué par les chouans. Il y étrille les élites de la préfecture des Côtes-d’Armor, ce qui lui vaut l’ire de leurs descendants, particulièrement dans la gauche locale.
Au total, Jean Kergrist aura écrit plusieurs dizaines de spectacles et une trentaine d’ouvrages. Son texte le plus surréaliste restera, sans conteste, son dernier mail, daté du 1er novembre dernier, dans lequel il annonçait son décès prochain, non sans style, et également la parution de deux ouvrages posthumes. Kenavo, sapre C’hwill !