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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Le général Boulanger, une crise populiste

Publié le 10 Novembre 2019 par ECLF in Histoire contemporaine, Histoire de Bretagne

Le général Boulanger, une crise populiste

 

 

 

 

 

 

A la fin du xixe siècle, sur fonds de nationalisme exacerbé de d’esprit de revanche contre l’Allemagne, le général Boulanger, d’origine rennaise, provoque une crise de régime, avant que son mouvement ne disparaisse suite à son exil et son suicide en Belgique.

De nos jours, on évoque volontiers la montée des populismes comme s’il s’agissait d’un phénomène nouveau. Pourtant, l’Histoire recèle de nombreux exemples de crises provoquées par des démagogues, comme ce fut le cas en France, dans les années 1880, avec le phénomène du boulangisme, du nom d’un général breton qui fit trembler la troisième République.

Georges Boulanger est né à rennes, le 29 avril 1837, probablement rue de la Calorne. Ses parents appartiennent à la bourgeoisie locale, son père est alors avoué. Sa mère, Mary-Ann Webb-Griffith est une aristocrate galloise. Il est baptisé à l’église de Saint-Hellier.

 

Remarqué par Clémenceau

Bon élève, il poursuit ses études au lycée de Nantes, où il est remarqué par un condisciple, le Vendéen Georges Clémenceau, de quatre ans son aîné. Georges Boulanger choisit ensuite la carrière des armes et intègre Saint-Cyr dont il sort officier en 1856. Il s’engage dans les troupes coloniales et participe ensuite à la campagne de Kabylie. Suite à une grave blessure, en 1859, il reçoit la légion d’honneur. En 1861, il est à nouveau blessé lors de combats en Cochinchine.

En 1864, le bel officier, promis à un bel avenir, se marie. Il épouse une cousine, Lucie Renouard, issue de la bonne société rennaise qui lui donnera deux filles. Mais il s’agit d’un mariage de convention et Boulanger ne cesse de collectionner les maîtresses.

 

Plus jeune général de l’armée française

En 1870, il est promu chef de bataillon pendant la guerre contre la Prusse. Il est blessé à trois reprises. Nommé colonel à la tête du 114e régiment de ligne, il participe à la répression de la Commune de Paris. Une quatrième blessure, lors de la prise du Panthéon, lui vaut d’être nommé commandeur de la légion d’honneur.

Rétrogradé pour avancement trop rapide, il regagne du galon sous le commandement du duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe. En 1880, Georges Boulanger devient le plus jeune général de l’armée française. Il porte beau et n’hésite pas à faire des coups d’éclat. Ainsi, en 1881, alors qu’il représente la France lors du centenaire de la bataille de Yorktown, aux Etats-Unis, il exige, avec succès, que le drapeau allemand soit retiré des lieux officiels.

En1882, nommé directeur de l’Infanterie, il engage des réformes de bon sens qui lui font gagner en popularité. Quatre ans plus tard, Clémenceau qui ne l’a pas oublié, le fait nommer ministre de la Guerre. Efficace, il fait adopter le fusil Lebel, le plus moderne de l’époque. Pragmatique, il parvient à régler la situation difficile des mineurs en grève à Decazeville, sans faire tirer la troupe, ce qui lui vaut une réelle popularité à gauche et dans les milieux ouvriers.

 

Général revanche

Le général Boulanger parcourt la France et voit sa notoriété grossir. La gauche le respecte, la droite nationaliste l’adule. Il rallie les suffrages des Bonapartistes et des monarchistes. Ses discours ultra-nationalistes lui valent d’être surnommé le « général revanche ». Ces bravades sont pourtant à l’origine d’une grave crise diplomatique en avril 1887. L’Allemagne et la France sont au bord de la guerre à cause de ses déclarations à l’emporte-pièce. Le 31 mai, le gouvernement tombe et Boulanger est écarté.

En mars 1888, il quitte l’armée et se présente à une élection législative en Dordogne où il est élu triomphalement. Dans les mois qui suivent, comme la loi électorale le permet, il remporte d’autre sièges de député sous son nom. Le système est ébranlé et ne sait comment répondre à cet officier si populaire.

 

Populaire en Bretagne

En 1888, Emile Le Bastard, chef des radicaux en Ille-et-Vilaine, l’invite à Rennes où les milieux de gauche, déçus du retard des réformes, voient en lui un homme providentiel. La visite du général Boulanger, en juillet, dans sa ville natale est un triomphe. Il est acclamé avec Le Bastard alors qu’ils reviennent du parc des Glayeules où ils ont assisté aux courses. Lorsqu’ils passent devant l’évêché, la foule scande « les curés sac à dos ! » Boulanger a en effet rendu obligatoire le service militaire pour les membres du clergé. Il tient ensuite un grand banquet, avant de rejoindre Saint-Malo où l’accueil est tout aussi enthousiaste.

Parmi ses plus fervents soutiens, on compte un député conservateur finistérien, Jean-Charles Chevillotte. Cet armateur brestois, qui a contribué à fonder le lycée agricole du Nivot, aurait même prêté son domicile parisien à l’état-major du général. Comme beaucoup de soutiens du boulangisme, il y perdra une partie de son crédit politique et ne sera pas réélu à l’Assemblée nationale.

L’attitude des notables bretons, de gauche comme de droite, monarchistes ou républicains, vis-à-vis du boulangisme traduit les tensions d’une société travaillée par un nationalisme exarcerbé et des problématiques sociales qui devaient déboucher, quelques décennies plus tard, sur l’hécatombe de la Première Guerre mondiale.

 

Un mouvement qui s’est rapidement étiolé

Avec ses accents populistes, le boulangisme ratisse large dans une opinion publique chauffé à blanc par le désir de revanche sur l’Allemagne qui a écrasé la France en 1870 et a annexé l’Alsace et la Moselle. Boulanger remporte de nombreuses élections, mais on le presse de prendre le pouvoir et de marcher sur l’Elysée.

Pourtant, le général hésite. Paniqué d’abord, l’appareil d’Etat se reprend. Début 1889, le ministre de l’Intérieur, Ernest Constans, fait courir le bruit qu’un ordre d’arrestation à l’encontre du général rebelle sera émis le… 1er avril. Boulanger y croit et s’enfuit ! Il part rejoindre sa maîtresse, Anne de Bonnemains, à Bruxelles. Ses soutiens sont déroutés.

Le 4 avril, l’Assemblée nationale vote à une majorité de 333 voix contre 190, la levée de l’immunité du général Boulanger. Il est poursuivi pour « complot contre la sécurité intérieure. » Déprimé, le général voit ses soutiens fondre. En juillet 1891, Anne de Bonnemains décède à Bruxelles. C’est sans doute elle qui a empêché Georges Boulanger de se lancer dans un coup d’Etat aux conséquences bien incertaines. Le 30 septembre, il se suicide sur sa tombe, mettant un terme définitif à l’une des plus graves crises politiques qu’ait connues la troisième République.

 

 

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