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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1213. Pierre de Dreux devient duc de Bretagne

Publié le 10 Décembre 2013 par ECLF in Histoire de Bretagne

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En 1213, la Bretagne sort d’une période troublée, lorsqu’un noble d’origine normande, Pierre de Dreux, devient duc de Bretagne. Affilié à la famille des Capétiens, il va se montrer pourtant fort indépendant vis-à-vis du royaume de France. Pierre Mauclerc s’attaque également aux grands aristocrates et à l’Eglise, pour renforcer l’autorité ducale dans la péninsule.

 

À la fin du XIIe siècle, la Bretagne tombe dans l’orbite de la puissante famille Plantagenêt. Originaires d’Anjou, ces derniers contrôlent entre autres la Normandie, l’Aquitaine et l’Angleterre. Le fils du puissant Henri II Plantagenêt, Geoffroy a épousé Constance l’héritière du duché de Bretagne, mais il meurt prématurément lors d’un tournoi. Son fils Arthur est appelé à régner sur la péninsule et sur l’Angleterre, comme le roi éponyme du Moyen Âge que les poètes médiévaux célèbrent alors. Néanmoins, en 1203, son oncle Jean sans Terre le fait assassiner à Rouen. Ce meurtre provoque une réaction des barons bretons qui reconnaissent à une autre fille de Constance, Alix, les droits sur le duché de Bretagne. Ils vont chercher l’aide du puissant roi de France, Philippe Auguste contre les Anglais. Ce dernier en profite pour envahir la Normandie et faire condamner ce « prince Jean » si sombrement décrit par la suite dans les romans historiques.

 

La Bretagne sous influence capétienne

Alix n’est qu’une enfant, mais elle attire bien des convoitises. Elle est d’abord promise à Henri d’Avaugour, l’un des grands féodaux bretons qui contrôle le Trégor et le Penthièvre. C’est le choix de la noblesse bretonne. Finalement, et sous pression du roi de France, Alix épouse un noble français, Pierre de Dreux. Elle n’a que 13 ans.

Pierre de Dreux est proclamé duc le 27 janvier 1213. Il est l’arrière petit-fils du roi Louis Le Gros et appartient à la famille des Capétiens. Philippe-Auguste pense en faire un vassal obéissant et faire passer la Bretagne sous influence française. Pierre de Dreux prête l’hommage lige au roi de France, ce que les ducs de Bretagne n’avaient jamais fait auparavant. Pierre de Dreux est un grand féodal de son époque, il est un guerrier. Dès 1214, il doit repousser une armée anglaise, commandée par Jean sans Terre qui assiège Nantes.

 

Un pouvoir ducal fort

L’Europe de l’époque est fractionnée en de multiples seigneuries et Etats, liés entre eux par des serments de vassalité plus ou moins souples. Pourtant, de nombreux Etats commencent à poser les bases d’une certaine centralisation. En Bretagne, Pierre de Dreux ne va ainsi avoir de cesse de renforcer le pouvoir ducal dans toute la péninsule. Pour cela, il va s’attaquer aux deux autres principales puissances : l’Eglise et l’aristocratie.

Dès le début de son règne, il s’attaque à son principal rival en Bretagne, Henri d’Avaugour. Il finira par lui confisquer la majeure partie de ses terres, ne lui laissant que le Goëlo. En 1216, Pierre Mauclerc envahit le Léon. En 1217, c’est à l’évêque de Nantes qu’il s’en prend, lui contestant une partie de ses droits temporels. Pierre de Dreux que l’on commence à appeler Mauclerc, le « mauvais clerc » est excommunié. En 1222, il récupère l’importante châtellenie de Ploërmel en écrasant un noble angevin, Amauri de Caron.

 

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Interdit papal

Il sort régulièrement de ses frontières. En 1226, il participe à la croisade des Albigeois en pays d’Oc. Ce qui n’empêche pas le pape de l’excommunier en 1228. La Bretagne est alors placée sous interdit : il est défendu aux prêtres de célébrer les offices et de donner les sacrements, à l’exception du baptême et de l’extrême-onction. Mauclerc entre aussi en rébellion contre la régente Blanche de Castille et son fils Louis IX, le futur saint Louis. Le conflit sera tel qu’en 1230, Mauclerc préfère faire allégeance au roi d’Angleterre.  Quatre ans plus tard, déçu par les Anglais, il se retourne contre eux. Henri III lui confisque alors le riche Honneur de Richmond dans le nord de l’Angleterre. En représailles, Mauclerc arme une flotte et ravage les côtes britanniques. Il fait à nouveau allégeance à Louis IX, mais ce dernier n’a guère confiance dans ce duc aux fidélités changeantes et à la politique fort indépendante.

 

Simple chevalier

En 1237, pour ne pas s’aliéner le roi de France, Pierre de Dreux laisse le pouvoir à son fils, Jean Ier, dit Le Roux. Il se fait désormais appeler le « chevalier Pierre de Braine ». Il participe activement à deux croisades et passe six années en Terre sainte. Il meurt d’ailleurs en 1250, en revenant d’Egypte. Il est enterré à Saint-Ived de Braine.

Pierre Mauclerc reste comme l’un des grands ducs de l’histoire de Bretagne. Sa lutte contre l’Eglise et les grands aristocrates a permis au pouvoir ducal de se renforcer considérablement. Il a jeté les bases d’un Etat breton que consolidera son fils Jean Le Roux. Pierre Mauclerc était aussi un prince lettré. On a conservé de lui quatre chansons d’amour, un cantique et une dispute poétique. C’est enfin lui qui a introduit les hermines dans la héraldique bretonne.

 

 

 

 Les châteaux de Mauclerc

Pour assurer son pouvoir, Mauclerc a construit ou développé des forteresses et des places fortes dans toute la Bretagne. Elles étaient autant destinées à défendre les frontières bretonnes qu’à contrôler différents territoires. Il restaure ainsi les murailles nantaises, prend la châtellenie de Champtoceaux, sur la Loire. A Saint-Aubin-du-Cormier, il fait bâtir un important donjon que l’on peut toujours voir. Après la célèbre bataille de 1487, les troupes du roi de France ont néanmoins détruit une moitié de l’édifice, pour tourner en dérision les vélléités d’indépendance bretonnes. Mais le plus beau château à rentrer dans le domaine ducal grâce à Pierre Mauclerc est sans conteste, Sucinio, sur la presqu’île de Rhuys, en Morbihan. On peut toujours admirer les carreaux de faïence sans doute importé de Flandres par les successeurs de Mauclerc. Les bâtiments actuels ne sont cependant pas contemporains de Pierre de Dreux, le château de Suscinio a en effet été dévasté par Duguesclin lors de la guerre de Succession au XIVe siècle. Il a ensuite été reconstruit et agrandi par Jean IV, puis par son fils Jean V. Ce dernier va y édifier un imposant second logis, au fond de la cour. Comme ses prédécesseurs, Jean V changeait fréquemment de résidence, mais Suscinio semble avoir été l'un des ses châteaux favoris. Il venait en effet y chasser dans les marais environnants et les réserves de chasse constituées pour lui. Il y tenait aussi sa cour et s'occupait des affaires du duché, en témoignent plusieurs actes rédigés à Suscinio. Tombé en ruine à la Révolution, le château a été en partie reconstruit dans les années 1970 et 1980. Désormais propriété du conseil général et ouvert au public, il témoigne du faste et de la puissance des ducs de Bretagne.

 

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