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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1631. Richelieu fonde l’arsenal de Brest

Publié le 26 Octobre 2009 in Histoire de Bretagne

En 1631, le cardinal de Richelieu commande de faire construire un magasin d’armement à Brest. Une décision qui va faire de la cité du Ponant l’un des principaux ports de la marine militaire française.

Situés à l’extrémité de la péninsule armoricaine, les quinze mille hectares de la rade de Brest sont accessibles par un étroit goulet et constituent un abri sans égal pour les flottes. Sur la rive nord, une rivière, la Penfeld, a creusé dans le plateau littoral une ria profonde et facilement accessible pour les navires. Dès l’Antiquité, les marins vont fréquenter ses rives.

 

« Château le plus fort du monde »

Protégée par un promontoire, l’embouchure de la Penfeld possède des qualités défensives qui ont attiré les Romains dès le IVe siècle, lorsqu’ils construisent une première forteresse dont on peut voir quelques pans de murs dans l’actuel château. Au IXe siècle, le site est à nouveau fortifié. Le château ne cesse de voir ses défenses renforcées tout au long du Moyen Âge. Durant la guerre de Succession de Bretagne, au XIVe siècle, les Anglais prennent la place qu’ils ne rendront qu’en 1397 aux ducs de Bretagne. La forteresse est alors qualifiée de « château le plus fort du monde », par le chroniqueur Jean Froissart.

Pendant les guerres de la Ligue, à la fin du XVIe siècle, la place reste fidèle au roi. En 1593, les Brestois obtiennent en reconnaissance le droit de bourgeoisie. Mais malgré les remparts imposants de son château, Brest demeure une modeste bourgade. Elle compte tout juste un millier d’habitants. La justice royale a d’ailleurs été déplacée à Saint-Renan, en 1592. Quant à l’activité maritime et commerciale, elle est captée par Landerneau, situé en fond de ria et qui demeure mieux desservi par les routes.





 

L’action de Richelieu

En 1624, le cardinal de Richelieu accède au pouvoir et va diriger les affaires françaises jusqu’à sa mort, en décembre 1642, suivi de prêt par celle de Louis XIII. Richelieu ambitionne de doter la France d’une marine puissante. En 1626, il supprime les amirautés de France et crée un poste de grand maître de la marine qu’il s’attribue en même temps que celui de gouverneur de la Bretagne. Il envoie un inspecteur, Louis Leroux d’Infreville, pour observer les meilleures places afin d’établir un port militaire. Ce dernier lui signale que la Penfeld est « fort commode pour la Marine ».

Brest possède aussi un intérêt stratégique évident, avec un accès rapide à l’Atlantique - un océan que se disputent Français, Espagnols, Britanniques et Hollandais -, mais protégé par le goulet de la rade. De plus, le « sous-développement » de Brest se révèle un atout. L’absence de trop nombreuses constructions permet d’y édifier de nouveaux bâtiments militaires sans difficultés. Enfin, Richelieu qui vient de mâter le port de La Rochelle, aux mains des Huguenots, après un long et difficile siège, se rappelle que Brest est resté fidèle au roi pendant la guerre de la Ligue et que les protestants ne sont guère nombreux dans le pays.

En 1631, Richelieu arrête donc son choix sur Brest. Il ordonne la construction d’un grand magasin de la Marine. D’autres bâtiments sont édifiés, dont une corderie et une forge. Des Hollandais sont embauchés. La ville décolle jusqu’à la mort de Richelieu.





 

Les travaux de Colbert et Vauban

Après les troubles de la fronde, le développement de Brest va se poursuivre sous l’influence de Colbert. Il adjoint Recouvrance à la ville de Brest, puis envoie, en 1666, Chertemps de Seuil pour parachever les travaux de l’arsenal. En 1676, ce dernier a fait construire plus de deux kilomètres de quais, sur lesquels ont été installés des ateliers et des magasins. Sur dix ans, les travaux ont coûté plus d’un demi-million de livres, une somme énorme pour l’époque. De 1661 à 1671, plus d’une centaine de navires sortent des chantiers brestois. La population augmente considérablement.

À la fin du XVIIe siècle, la France entre en guerre contre la Grande-Bretagne, un conflit qui va s’étaler sur plus d’une centaine d’années. Brest, comme la Bretagne, se retrouve en première ligne. En 1683, Vauban est chargé de fortifier la ville. Il l’entoure d’un rempart et d’une ceinture de forts pour défendre les accès depuis la terre. Il construit également un certain nombre de forts pour protéger le goulet et la rade.

 

Une ville française

Dopé par les commandes militaires, l’arsenal ne cesse de se développer. Sous Louis XV et de Choquet de Lindu, un nouveau programme de construction est engagé, qui transforme Brest en « Versailles maritime et guerrier » et en font le principal port de la « Royale » sur l’Atlantique. La croissance brestoise entraîne l’arrivée de nouvelles populations. Port militaire, Brest est aussi une enclave francophone dans un Léon majoritairement bretonnant. Ce qui fait écrire à Émile Souvestre que : « Quoique située à l’extrémité de la Bretagne, Brest n’est pas une ville bretonne, c’est une colonie maritime composée d’habitants de toutes les provinces de la France et dans laquelle s’est formée je ne sais quelle douteuse race, sans caractère propre et sans aspect spécial. »

Tout au long du XIXe et du XXe siècle, l’arsenal demeure le cœur industriel de Brest, assurant du travail à une abondante main-d’œuvre et procurant une prospérité importante à la ville. Il constitue aussi un objet de fierté, au regard de nombreuses innovations technologiques qui y ont été mises au point. Mais il sera aussi la cause de la ruine de la ville, attirant les bombes alliées pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Pour en savoir plus :

Alain Cabon, Brest, éditions Ouest-France, 1990.

Collectif, Toute l’histoire de Bretagne, Skol Vreizh, 2007.

Alain Boulaire, Brest, Éditions Palantines, 2004.

 

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