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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

1977. La charte culturelle bretonne

Publié le 1 Juin 2010 in Mouvement breton

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En 1977, le président de la république, Valéry Giscard d'Estaing signe une charte culturelle bretonne qui reconnaissait la “personnalité culturelle” de la Bretagne et encadrait de nouveaux organismes propres à la région. Répondant à l'agitation autonomiste et régionaliste des années 1970, ce document annonçait également la décentralisation à venir.

Après la Seconde Guerre mondiale, la Bretagne connaît une série de bouleversements. En une trentaine d’années, pendant les trente glorieuses, son agriculture se modernise très rapidement, la péninsule s’industrialise et sa population s’urbanise. La société rurale traditionnelle disparaît peu à peu, avec les valeurs et le fonds culturel qui lui étaient liés. Parallèlement, ces changements vont coïncider avec un renouveau culturel impressionnant.

 

Renouveau culturel

Discrédités par la collaboration de certains pendant la guerre, les militants bretons s’étaient repliés vers l’action culturelle après la Libération, Ils créent des structures qui durent encore aujourd’hui, à l’instar de la fédération Kendalc’h (« persévérer »). Fondée dans les années 1940, la Bodadeg ar sonerion (BAS, « l’assemblée des sonneurs ») va rapidement rassembler des milliers de musiciens, dans des formations appelées bagad. Soutenues par les cercles celtiques, loin de disparaître, les danses bretonnes retrouvent une seconde jeunesse grâce aux festoù-noz lancés dans les années 1950.

Même si la pratique de la langue bretonne décline à cette époque en basse Bretagne, les bases d’un renouveau linguistique ont également été lancées dans ces années-là. Peu à peu, cette culture bretonne qui avait longtemps été méprisée, acquiert une reconnaissance populaire. L’événement le plus spectaculaire réside sans doute dans le succès d’un jeune harpiste et chanteur, Alan Stivell qui fait salle comble à l’Olympia en 1971 et acquiert alors le rang de star internationale.

 

Agitation autonomiste

Les années 1960 et 1970 sont marquées dans le monde entier, de l’URSS à l’Amérique, en passant par l’Europe occidentale, par une montée en puissance des revendications nationalitaires et régionalistes. Plusieurs partis politiques apparaissent en Bretagne, dont le plus important demeure l’Union démocratique bretonne (UDB), fondé en 1964 et étiqueté à gauche. Le discours régionaliste s’incarne également sur le terrain économique, avec l’action du Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (CELIB), dans un contexte marqué par des formes de contestations sociales parfois violentes (émeutes paysannes, grève du Joint français…) Une organisation clandestine, le Front de libération de la Bretagne (FLB), revendique plusieurs dizaines d’attentats dans les années 1960 et 1970.

La combinaison de ces facteurs explique que l’État français, de tradition centralisatrice et jacobine, lâche du lest dans les années 1970. En 1972 sont créés des Établissement publics régionaux (EPR) qui préfigurent les conseils régionaux, même si leurs membres ne sont pas encore élus au suffrage universel. Après l’élection de Valery Giscard d’Estaing à la présidence de la République, en 1974, des négociations sont engagées avec les collectivités locales et des acteurs du milieu culturel breton en vue de l’élaboration d’une « charte culturelle bretonne ».

 

« Personnalité culturelle » de la Bretagne

Cette charte est signée le 4 octobre 1977 entre la République française, l’EPR de Bretagne, les conseils généraux des cinq départements de la Bretagne historique, Loire-Atlantique incluse. Pour la première fois, la « personnalité culturelle » de la Bretagne est officialisée par la République française. Le 8 février 1978, Valery Giscard d’Estaing officialise cette charte, lors d’un déplacement à Ploërmel.

La charte culturelle bretonne affirme que les langues bretonnes et gallèses, les traditions populaires et les expressions artistiques bretonnes ne sont pas simplement les expressions d’un patrimoine rural, mais une culture vivante, « ouverte sur l’extérieur et sur l’avenir ». Les signataires entendent donc développer des instruments au service de cette culture, notamment pour les langues par le biais de l’enseignement, de la radio et de la télévision. « Le ministère de l’Éducation nationale doit assurer la formation des enseignants tant par la formation continue que dans les écoles normales. Le secteur de la recherche historique et culturelle va être développé sur le plan universitaire ».

 

Des institutions

La charte prévoit la mise en place de plusieurs institutions. Dès 1978, un conseil culturel de Bretagne est créé. Il « participe aux discussions de répartition financière et propose aux assemblées régionales des orientations de la politique culturelle ». Il réunit les grandes fédérations culturelles. En 1981, l’Institut culturel breton (ICB) est lancé pour favoriser les études et la recherche sur la matière culturelle bretonne. Une Agence technique régionale est également fondée.

Ces organismes ont fédéré des centaines de membres et ont permis à de nombreux projets d’émerger. Certaines structures en sont également issues, comme l’Office de la langue bretonne, héritier du service de la langue bretonne, dissous en 1999 et qui était auparavant intégré à l’ICB. S’il est difficile de déterminer quel est leur héritage, ces institutions ont sans nul doute contribué à donner une nouvelle visibilité à la culture bretonne et mis en valeur ses richesses comme ses particularités.

 

De nouvelles institutions

Élu en 2004 à la tête du conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian a très vite affiché intérêt pour l’identité bretonne, tout en tentant parfois de contrôler un mouvement culturel volontiers frondeur, avec plus ou moins de succès, en témoigne l’échec de l’éphémère et coûteuse revue Bretagne(s). À la veille du trentième anniversaire de la signature de la charte culturelle, en 2007, le conseil régional a procédé à un audit sur les instruments mis en place par ce texte et a engagé une réflexion sur l’évolution de ces organismes. Le principal changement a concerné le conseil culturel de Bretagne, qui est passé du statut associatif à celui de chambre consultative. Le nouveau conseil culturel est désormais organisé en trois collèges : quarante membres représentants les associations, vingt les différentes institutions et dix membres nommés par le président du conseil régional. Il s’est réuni pour la première fois en juillet 2009 et son actuel président est Pierre Mollac. Basée à Josselin, l’Agence culturelle bretonne a été maintenue. Installé dans le château de l’Hermine à Vannes, l’Institut culturel de Bretagne poursuit ses activités, à travers notamment la remise du « collier de l’hermine », une décoration qui distingue chaque année quatre personnalités ayant œuvré pour la culture bretonne.

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