Depuis 1486, la Bretagne est en guerre. Le roi de France a décidé d’envahir la principauté, dont les ducs de la dynastie de Montfort n’ont cessé de faire un état de plus en plus indépendant. Alors que l’armée royale a pénétré dans la péninsule, pour mettre le siège à Nantes, des escarmouches ont aussi lieu dans le centre du pays, où le vicomte de Rohan combat pour le compte du roi de France. Son principal obstacle reste Guingamp, ville fortifiée commandant l’accès à la basse Bretagne et restée fidèle au duc François II.
À plusieurs reprises, le vicomte de Rohan, allié au roi de France Charles VIII et lui-même prétendant au duché de Bretagne, a demandé aux bourgeois et à la garnison de Guingamp de lui livrer la place. Il en a été pour ses frais. En Trégor, pays de Saint-Brieuc et haute Cornouaille, entre 1486 et 1487, la guerre s’est avant tout résumée à des escarmouches et à quelques coups de main. Ainsi, en juillet 1487, Yvon de Rocerf, seigneur du Bois-de-la-Roche, un château fort à quelques kilomètres de Guingamp -, prend par surprise la ville de Quintin, fief de Pierre de Rohan, le frère du vicomte. Il pille et brûle le château. Pierre de Rohan aura sa revanche l’année suivante en capturant de Rocerf et en brûlant à son tour le Bois-de-la-Roche.
La pression sur Guingamp se fait de plus en plus forte en 1488. La ville est alors défendue par Merrien Chéro, chef de la milice municipale que décrit ainsi Sigismond Ropartz : « vieux et infirme, mais dans ce corps usé battait un courage à toute épreuve. ». Le vicomte tente bien de corrompre ce défenseur par l’intermédiaire d’un courtisan, Gilles Rivault de Kerisac, ou grâce aux charmes de la comtesse de Quintin… Merrien Chéro reçoit les propositions sans les rejeter. En fait, il gagne du temps, stocke les munitions et les vivres et il attend l’arrivée de renforts ducaux.
Gouicquet, un nouveau capitaine énergique
François II nomme alors comme capitaine, Gouicquet, un homme qui a à prendre une revanche sur les Rohan qui ont pris Moncontour – ville dont il avait la charge -, l’année précédente. Gouicquet commence par ravager à nouveau Quintin. Mais les hostilités s’interrompent un moment après la défaite de l’armée bretonne à Saint-Aubin-du-Cormier, la mort de François II et le traité de Coiron. Anne de Bretagne devient alors duchesse.
La guerre reprend en décembre 1488. Le vicomte de Rohan et son frère lèvent une troupe importante. Ils commencent par ravager Pontrieux, le port naturel de Guingamp, où les bourgeois de la ville ont leurs entrepôts. Le 9 janvier, les éclaireurs de l’armée de Rohan sont repoussés par Gouicquet et une troupe de jeunes Guingampais. Le Lendemain, l’avant-garde pénètre dans les faubourgs de Montbareil et Porz-an-Quen qui sont incendiés.
Le siège commence
Les premiers jours, le vicomte de Rohan se contente de ravager les environs de Guingamp. Il s’établit dans les bâtiments de l’abbaye de Sainte-Croix, au sud de la ville. Les combats commencent réellement le 18 janvier, par l’attaque du fort de Saint-Léonard. Trois petits canons, des couleuvrines, sont dressés contre ce poste avancé guingampais. Voyant le danger, Gouicquet fait une sortie audacieuse. Il massacre les artificiers. Il aurait pu s’emparer des pièces à feu, si l’armée ennemie n’avait accouru. De Rohan ordonne le creusement d’une tranchée entre le fort et la ville.
Le capitaine guingampais se retrouve alors encerclé dans le fort Saint-Léonard. Considérant la situation comme intenable, il rassemble ses hommes, abandonne la position et dévale la pente, bouscule et enfonce les lignes ennemies. Mais, serré de trop près, il se réfugie alors dans le couvent des cordeliers pour ne pas permettre à ses poursuivants de rentrer à sa suite dans Guingamp. Pendant toute la nuit, il repousse les attaques des hommes de Rohan. Au petit matin, combattant à reculons, il parvient à entrer dans la ville.
L’artillerie entre en scène
De Rohan place alors son artillerie. Une partie est installée sur le coteau de Montbareil d’où elle peut bombarder l’intérieur de la ville. Le reste des canons, depuis le jardin des Jacobins, s’attaque au rempart à hauteur de l’actuel Champs-au-Roy. Une brèche est ouverte dans la fortification. De Rohan ordonne alors l’assaut. Mais celui-ci est repoussé par les Guingampais.
Les canons sont alors déplacés et une seconde brèche est ouverte, au Nord, entre la porte de Montbareil et celle de Tréguier. De Rohan attaque. Ce second assaut est à nouveau repoussé.
La ville prise par surprise
Une trêve intervient. Guillaume de Boisboessel qui commande la garnison du château, en l’absence du gouverneur Olivier de Coetmen, prend contact avec Pierre de Rohan pour négocier une sortie honorable pour ses troupes. Ce faisant, il se soucie fort peu du sort des bourgeois de la ville et des efforts de la milice municipale. De Boisboessel ouvre la porte de Rennes, qu’il défendait, aux hommes de Pierre de Rohan qui se ruent à travers la ville. Les ultimes défenseurs, pris par surprise, ne peuvent rien. Gouicquet parvient à s’enfuir à la Roche-Derrien.
La ville est alors livrée au pillage. « A l’entrée que ces Français firent en ladite ville et durant qu’ils y furent, ils pillèrent et robèrent (dérobèrent) ce qu’ils purent trouver de biens en ladite ville, et rompirent coffres, huges, caves, celliers, greniers, et firent de grands oultrages », révèle une enquête menée après les événements et conservées dans les archives de Guingamp. La troupe de De Rohan occupe les maisons, se livre aux pires exactions. Son chef lui-même exige dix mille écus d’or. Somme que les bourgeois de la ville jugent exorbitante et ne peuvent payer.
Gouicquet revient
Après la chute de Guingamp, un fort parti de nobles du Trégor, fidèles au duc, se rassemble et reprend Pontrieux, en mars. De Rohan se porte à leur rencontre. Un combat s’engage à Squiffiec, mais il est perdu par les Bretons. Le lendemain, mille cinq cents Anglais envoyés en renfort au duc de Bretagne, débarquent dans le Goëllo. Gouicquet les rejoint. Anglais et Bretons investissent alors une ville de Guingamp dévastée, que de Rohan et ses alliés ont préféré abandonner.
Par la suite, Guingamp sera à nouveau assiégée et occupée, en 1491, par l’armée française de La Trémoille. La paix revenue, Anne de Bretagne, devenue reine de France, n’oubliera pas la cité trégorroise. Elle lui accordera des indemnités, entre autres, « cent livres tournois pou deux ans », en 1498. Elle visitera d’ailleurs Guingamp, lors de son triomphal voyage en Bretagne de 1505.