Entre Braga et Guimaràes, Briteiros est l’un des sites archéologiques les plus intrigants du Portugal. Cette petite cité appartient à la culture des Castros, également présente en Galice et qui possède des liens avec la civilisation celtique.
Les ruines de la ville antique de Briteiros sont situées au sommet d’une colline, à trois cents mètres d’altitude, sur la rive droite de l’Ave, à proximité de la ville de Guimaràes, la quatrième agglomération du Portugal. C’est en 1874 que les premières fouilles ont été menées sous l’égide de Martins Sarmento, l’un des pionniers de l’archéologie portugaise. Dans les années 1970, puis 2000, de nouvelles campagnes de fouilles ont été conduites, accompagnées d’un programme de mise en valeur du site, avec notamment la construction d’un bâtiment d’accueil.
Le site de Briteiros a été occupé dès le Néolithique, comme en témoigne la présence de plusieurs roches gravées, comportant des spirales et des motifs que l’on retrouve dans tout le nord-ouest de la péninsule ibérique, mais aussi sur la façade atlantique de l’Europe, jusqu’en Irlande et en Armorique. Plusieurs de ces roches gravées ont été réutilisées à l’âge du Fer, sans que l’on sache si elles ont été volontairement préservées et s’il a pu exister une certaine continuité spirituelle entre ces deux époques, que plusieurs siècles séparent. On ignore d’ailleurs la fonction du site au Néolithique : s’agissait-il d’un sanctuaire ou bien ces pierres gravées servaient-elles d’indicateurs sur les routes menant aux montagnes voisines ? Certaines des sculptures étaient en effet peintes et devaient être visibles de loin.
Des ressources abondantes
C’est à l’âge du Fer que Briteiros se développe, particulièrement dans les deux derniers siècles avant notre ère. Les constructeurs ont utilisé du granit, une roche abondante sur le site et qui a servi à édifier les bâtiments, les remparts, ainsi que le pavement des rues. Les blocs étaient débités grâce à des coins de bois qu’on mouillait pour les faire se dilater et éclater la roche. La présence de sources artésiennes, ainsi que la proximité d’une rivière accessible en une demi-heure de marche, ont également dû participer au choix du site. Ce dernier domine plusieurs vallées fertiles, qui ont fourni des ressources abondantes aux habitants. Outre l’élevage, pratiqué sur les collines, les forêts procuraient du bois de chauffe et de construction, ainsi que des fruits. En fond de vallée, les habitants de Briteiros cultivaient des céréales et des légumes pour l’alimentation, mais aussi du lin pour l’habillement. Ils pratiquaient l’écobuage avant la mise en culture. Le site comprend également des traces d’activités artisanales, comme la poterie et la métallurgie. Le cuivre et l’étain, les deux composants du bronze, sont abondants dans la région. De nombreux objets métalliques – de la vaisselle, des pièces de harnachement, des fibules et des bijoux – ont été mis au jour et semblent indiquer que Briteiros était un important centre de travail des métaux. Comme dans beaucoup de sites de l’âge du Fer européen, les boutiques et les ateliers des forgerons et des orfèvres étaient situés le long de la rue principale.
À mi-chemin entre les vallées du Douro et du Minho, Briteiros était aussi un important centre commercial où s’échangeaient les produits du littoral contre des marchandises venant des montagnes alentours. Les archéologues ont retrouvé des objets d’origine méditerranéenne, notamment des amphores vinaires, ce qui indique l’existence d’un commerce au long cours dans la région.
Un plan d’urbanisme
Dans les deux derniers siècles avant notre ère, Briteiros s’étendait sur vingt-quatre hectares, défendus par trois lignes de remparts. D’une épaisseur de deux à trois mètres, ces derniers sont percés de portes étroites qui étaient fermées par des palissades mobiles. Ces fortifications ont sans doute été édifiées dans un but autant défensif qu’ostentatoire, les murailles symbolisant la puissance du pouvoir institutionnel de la ville.
À l’intérieur, l’espace s’organise suivant un véritable plan d’urbanisme, avec deux grands axes pavés qui convergent vers le sommet, que les archéologues qualifient d’acropole. Plus d’une centaine d’habitations ont été mises au jour. La plupart sont construites suivant un plan circulaire, caractéristique des castros (villages fortifiés) du nord-ouest de la péninsule ibérique. Elles sont situées au milieu de petites cours pavées, entourées de murs et de bâtiments annexes. Les différences de construction suggèrent l’existence de différents statuts sociaux. On distingue également des bâtiments publics, dont une “maison du conseil”, d’un diamètre de onze mètres. Elle a pu servir de bâtiment de réunions, où étaient prises les décisions importantes, comme les affaires judiciaires ou le règlement des conflits.
Briteiros possédait également des thermes, dont ceux situés au sud-ouest du site sont les mieux conservés. On peut discerner le système d’adduction d’eau qui alimentait le complexe, comprenant plusieurs pièces, dont une antichambre et une salle de vapeur. Ce bâtiment collectif servait-il uniquement pour l’hygiène des habitants ou avait-il une fonction religieuse ? Il est en tout cas orné de plusieurs symboles. Le fronton de ces thermes comporte ainsi un grand triskel.
Des origines celtes ?
Les archéologues estiment qu’au début de notre ère, la population de Briteiros s’élevait à mille cinq cents habitants. Qui étaient-ils ? Ils appartenaient vraisemblablement à la tribu des Callaeci. Les spécialistes divergent sur les origines de ce peuple. Appartenait-il aux tribus celtiques installées en Ibérie ? Le Nord-Ouest de la péninsule était en effet en étroit contact avec l’Europe celtique, principalement sa frange atlantique, avec laquelle il semble avoir partagé des éléments culturels communs. Néanmoins, les éléments endogènes sont également très forts dans la civilisation des Castros de Galice et du Nord du Portugal. La question des origines celtiques de ces territoires reste un sujet de débat passionné pour les spécialistes (lire ArMen n°78).
Au début de notre ère, sous Auguste, cette région passe sous le contrôle des Romains, qui construisent des routes et des cités nouvelles. Quelques changements d’urbanisme interviennent ainsi à Briteiros. Les archéologues ont également découvert des inscriptions en latin sur des éléments d’habitation. Il s’agit de noms de propriétaires, comme celui d’une famille de Camalus, dont l’un des membres est désigné comme prêtre du culte impérial, à Braga, au iie siècle de notre ère. Le site de Briteiros semble avoir alors été abandonné. Comme les Camalus, ses derniers habitants ont sans doute rejoint les villes nouvelles romaines.