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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Jean-Jacques Monnier et l’histoire de la Bretagne au xxe siècle

Publié le 12 Février 2011 par ECLF in Les interviews

 

 

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Les éditions Skol Vreizh viennent de publier une histoire de la Bretagne au xxe siècle qui constitue la première synthèse de référence sur cette période de grands bouleversements. Dotée d’une riche iconographie, il s’agit d’une œuvre collective coordonnée par l’historien Michel Denis, aujourd’hui décédé et par Jean-Jacques Monnier. Jean-Jacques Monnier est né en 1944 à Londres où ses parents avaient rejoint les Forces françaises libres. Militant de longue date à l’Union démocratique bretonne, il est conseiller municipal de Lannion depuis 1989. Professeur d’histoire-géographie, docteur ès lettres, il a soutenu une thèse de doctorat sur le comportement politique des Bretons. Il a participé, coordonné ou écrit une vingtaine de livres, la plupart aux éditions Skol Vreizh, à Morlaix. Il participe ainsi depuis 1972 à la rédaction des ouvrages de la collection Toute l’histoire de Bretagne.

 

 

 

 

Comment est né ce projet d’ouvrage ?

Les éditions Skol Vreizh ont publié, en 2003, le volume complet de Toute l’histoire de Bretagne, mais il manquait quelque chose, car le xxe siècle était trop proche. Il venait juste de finir et nous n’avions sans doute pas assez de recul sur les périodes les plus récentes. Il y avait donc un manque et nous avons monté un projet de synthèse sur le xxe siècle. J’ai eu l’idée de contacter Michel Denis qui m’avait marqué en tant que professeur lorsque j’ai débuté les études d’histoire. Je l’ai ensuite suivi dans des colloques ou des conférences et j’ai toujours été frappé par sa vision d’ensemble très claire, sa capacité à synthétiser l’histoire. Malheureusement, en 2005, il est tombé gravement malade. Par chance, il a pu réaliser le travail de coordination et de planification de ce projet et il a relu et corrigé la plupart des chapitres. Nous avons enregistré les réunions de travail et cela a nourri ma réflexion lorsque, après son décès en septembre 2007, j’ai assumé la fin de la direction de l’ouvrage.

 

Comment est construite cette histoire du xxe siècle ?

Le plan est déterminé par des séquences chronologiques et les grandes ruptures historiques que constituent les deux guerres mondiales. Claude Geslin a traité du début du siècle et Patrick Gourlay s’occupe de la Première Guerre mondiale. Personnellement, j’ai rédigé les quatre chapitres suivant, en m’inspirant des idées de Michel Denis, sur l’entre-deux-guerres, la Seconde Guerre mondiale, les Trente glorieuses et la période 1972-1992. Enfin, le sociologue Ronan Le Coadic s’est penché sur la période la plus récente. Nous avons beaucoup travaillé sur l’iconographie, avec plus de deux cent cinquante photos et documents rares, dont beaucoup proviennent de collections privées et sont inédits.

 

Quelle est l’originalité de cet ouvrage ?

Il donne une vision d’ensemble sur une période complexe pour ce pays. Le xxe siècle est celui d’une Bretagne qui se réveille. Au début du siècle, la Bretagne est en retard et sous développée. Elle a perdu la mer depuis la Révolution et se trouve marginalisée par rapport au commerce international et à la révolution industrielle. Les Bretons sont aussi l’objet de moqueries ; c’est l’époque de Bécassine. Pourtant, ils ont trouvé l’énergie de combler leurs handicaps et pour se libérer. Malgré de graves difficultés, comme la fin de la société traditionnelle, malgré des traumatismes, comme l’holocauste de la Première Guerre mondiale, ils ont lutté pour avancer.

 

En quoi consiste ce mouvement d’émancipation ?

Michel Denis insistait sur le fait qu’il s’agissait d’une libération individuelle et collective. Les Bretons se sont émancipés par l’éducation, la formation, le syndicalisme, par une volonté d’avancer collectivement. Les exemples abondent, comme la réussite de la modernisation de l’agriculture bretonne dans les années 1950-1960, les bons résultats au baccalauréat et la croissance du nombre de diplômés. Ils ont réussi grâce à leur sens collectif, dont leur sentiment commun d’être breton. Michel Denis était très optimiste, car, selon lui, les Bretons avaient fait le plus difficile. C’est lui qui a choisi de mettre en exergue cette phrase de Youenn Gwernig : “Seul un peuple qui sait avoir foi en lui peut aller de l’avant”.

 

Il y a pourtant des échecs. Le dernier chapitre, touchant aux années 1990, est très pessimiste.

Le xxe siècle a été une période de bouleversements rapides et profonds, il y a un besoin de faire le point pour mieux regarder en avant. Malgré des avancées et des progrès, il ne faut pas non plus cacher les défis auxquels doit faire face la Bretagne depuis les années 1990 : économiques, démographiques, sociaux, culturels. La surconsommation de psychotropes ou la surmortalité par suicides sont par exemple des éléments inquiétants. Les problèmes économiques, avec notamment les difficultés du monde agricole, sont également des défis qu’il faut relever. Ce livre permet de lancer des pistes de réflexion pour l’avenir.

 

Parallèlement, vous avez mené une série d’émissions radiophoniques sur l’histoire de Bretagne ?

La station Variation (ex-Tregor fm) m’a demandé de produire des émissions quotidiennes de cinq minutes, sur l’histoire de Bretagne, pendant la rédaction de ce livre. Cela fonctionne comme un dialogue entre un historien et un animateur. Le projet a rencontré une réelle adhésion populaire et nous avons eu beaucoup de retours positifs. Nous avons décidé d’éditer une série de cd. Je pense qu’il est important de diffuser la matière historique par tous les moyens possibles, dont celui-ci. Il ne faut pas rester que dans les livres, mais trouver le moyen de toucher d’autres publics.

 

Comment expliquer l’intérêt des Bretons pour leur histoire ?

On ne peut que constater cet intérêt : ainsi plus de cent quarante mille exemplaires de Toute l’histoire de Bretagne de Skol Vreizh ont été vendus depuis une quarantaine d’années. Je pense que l’histoire touche largement les Bretons, car cette histoire est liée à leur passé, mais également à leur présent et leur avenir. Pour affronter les angoisses ou les interrogations de la période que nous vivons, beaucoup se plongent dans le passé pour trouver des réponses. Cette demande forte d’histoire s’explique aussi par un manque que ne remplissent pas forcément les médias comme la télévision ou l’éducation nationale. L’histoire fait partie de l’identité bretonne et les habitants de ce pays sont donc demandeurs d’explications mais aussi de débats sur cette matière.

 

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