Depuis une trentaine d’années, les fouilles se sont multipliées en Bretagne, notamment dans le cadre de l’archéologie préventive. Les découvertes effectuées ont permis de renouveler considérablement nos connaissances sur l’histoire de la péninsule.
L’archéologie est sans doute l’un des métiers les plus populaires, de ceux qui font rêver le public mais qui, paradoxalement demeure très méconnu. Loin d’une vie d’aventure à la Indiana Jones, la carrière d’un archéologue se déroule en général entre chantiers réguliers lors des grands travaux d’aménagements et études post-fouilles en laboratoire. Montée cet été au château de la Roche-Jagu et visible désormais aux Champs Libres de Rennes, l’exposition Soyons Fouilles rend hommage à cette profession et donne à voir des objets et des sites fouillés depuis trois décennies, dont l’étude a fait évoluer notre perception de l’histoire de Bretagne.
Mammouth et Rhinocéros
Ainsi, contrairement à certains clichés volontiers répandus, la Bretagne est loin d’être une péninsule isolée à la pointe du continent européen. Elle n’a d’ailleurs pas toujours été une péninsule. Au gré des glaciations ou des réchauffements climatiques, le littoral breton a régulièrement évolué. Lors des périodes les plus froides, la Manche disparaît ainsi, laissant place à une vaste plaine côtière reliant le massif armoricain aux îles britanniques. On a ainsi chassé le mammouth et le rhéinocéros entre la Bretagne et les îles Anglo-normandes. Grâce au site de Menez Dregan, dans le cap Sizun, on sait que l’homme a très tôt fréquenté nos régions. Il s’agit d’un abri sous roche, situé à flanc de falaise où ont été retrouvées des traces humaines vieilles de 450 000 ans.
Les mégalithes constituent l’un des symboles du passé de la Bretagne. Contrairement à ce qu’affirme une célèbre bande dessinée, menhirs et dolmens n’ont pas été dressés par des Gaulois. Ils sont bien plus anciens et remontent aux premiers agriculteurs, installés dans la péninsule vers 5000 ans avant notre ère. L’archéologie a permis de mettre au jour les habitats de ces hommes du Néolithique. Il s’agit de vaste demeures collectives, parfois longues d’une quinzaine de mètres, à l’architecture élaborée. Elles témoignent de sociétés complexes, capable de mobiliser des centaines d’individus afin de bâtir les grands monuments mégalithiques dont la signification nous échappe.
L’Armorique celtique
L’archéologie a également permis de mieux appréhender les sociétés de la Protohistoire, à l’âge du Bronze et du Fer. La fouille de Mez Notarioù, à Ouessant, nous enseigne que la péninsule était déjà au cœur des échanges continentaux. On a retrouvé sur ce site différents objets antiques provenant du bassin méditerranéen, dévoilant l’existence de relations commerciales très anciennes entre ces régions. Un important sanctuaire y était en fonction de l’âge du Bronze jusqu’à la fin de l’Antiquité, pendant plus de mille ans.
Grâce à l’archéologie, le passé gaulois de la péninsule nous est aussi mieux connu. Les fondations de nombreux bâtiments, construits en bois et en terre, ont été mises au jour, illustrant une occupation très dense du territoire avec de petites villes comme à Paule ou Quimper.
Romains, Bretons et Francs
La fouille de différents sites romains nous enseigne que, très vite, l’Armorique s’est intégrée dans l’empire de Rome. Les fermes gauloises ont été remplacées par de vastes établissements agricoles, les villas. Des villes ont été crées, à l’instar de Carhaix qui a compté plus d’une dizaine de milliers d’habitants. La ville était alimentée en eau par un aqueduc et possédait d’importants édifices publics.
La transition entre l’Antiquité et le Moyen Âge commence également à être mieux connue. Certaines villes sont abandonnées, d’autres se retranchent derrière des remparts. Des villas agricoles sont réoccupées par de nouveaux arrivants. A l’est de la péninsule, plusieurs sites agricoles fouillés montrent la prise de contrôle de cette région par les Francs. A l’ouest, plusieurs habitats fouillés montrent des similitudes avec la Grande-Bretagne et l’Irlande. De nouveaux arrivants arrivent en effet dans la péninsule à cette époque, les Bretons.
Les influences extérieures se font également sentir au bas Moyen Âge. Devenue un duché, la Bretagne est marquée par les relations souvent conflictuelles entre la France et l’Angleterre. La fouille de plusieurs châteaux-forts (Guingamp, La Roche-Maurice, Le Guildo, Rohan …) illustre la puissance et la richesse des grandes familles aristocratiques.
La multiplication des découvertes ces dernières décennies s’explique avant tout par l’évolution de la législation. Pendant la mise en œuvre du plan routier breton, dans les années 1970, des centaines de sites ont été détruits sans avoir été fouillés. La mise en place de lois favorisant l’archéologie préventive à partir des années 1980 a totalement changé la donne. Désormais, tous les grands travaux d’aménagement font l’objet d’études archéologiques. En parallèle, d’importantes fouilles programmées ont permis d’étudier des sites majeurs sur plusieurs années. Un phénomène qui devrait se poursuivre et permettre, dans les années qui viennent, de nouvelles moissons de découvertes.