La Fayette est universellement célèbre pour son rôle dans la guerre d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, un peu moins pour son rôle parfois ambigu lors de la Révolution française. Ses attaches bretonnes demeurent en revanche méconnues.
Marie-Joseph Paul du Motier de La Fayette naît, en 1757 en Auvergne, au château de Chavaniac. Il se retrouve orphelin à 13 ans et doté d’une jolie fortune. Trois ans plus tard, il épouse Marie-Adrienne de Noailles appartenant à l’une des familles les plus influentes du royaume de France. Comme son père, il choisit d’embrasser la carrière militaire et entre à la maison du roi en 1772. Il n’a pas 19 ans que les colonies anglaises d’Amérique s’embrasent. Le jeune dragon prend fait et cause pour les « insurgents », d’autant qu’il a eu l’occasion de rencontrer Benjamin Franklin lors du séjour de ce dernier à Paris.
En avril 1777, il est à Philadelphie et propose ses services au congrès américain et est incorporé avec le grade de major général. Sur demande de Washington, il revient en France pour convaincre Louis XVI d’envoyer un corps expéditionnaire. Il est accueilli chaleureusement à Versailles où la cause américaine progresse, les autorités françaises ne voyant pas d’un mauvais œil les difficultés britanniques se développer outre-Atlantique. De retour en Amérique en 1780, à bord de l’Hermione, il reçoit le commandement des troupes de Virginie. Il participera aussi à la bataille de Yorktown qui voit une des plus importantes défaites de l’armée britannique. En 1782, La Fayette revient en France, auréolé de gloire. Il est nommé maréchal de camp.
Des attaches maternelles bretonnes
Son séjour aux Amériques et son combat auprès des insurgents avaient occasionné de nombreux frais à La Fayette. En 1783, il vend donc sa terre de Ploeuc, aujourd’hui située dans les Côtes-d’Armor. Car, de par sa mère, Marie-Louise de la Rivière, La Fayette était en effet de vieille ascendance bretonne. On dit même qu’il descendait d’une sœur du célèbre brigand Guy-Eder de la Fontenelle qui mit la basse Bretagne à feu et à sang lors des guerres de la Ligue, à la fin du XVIe siècle.
La mère de La Fayette possédait en effet d’importantes possessions en Bretagne, notamment en Trégor, dont les seigneuries du Vieux-Marché, de Pontblanc en Plouaret, du Dresnay en Loguivy-Plougras, de Saint-Michel de Guingamp, de Kerauffret en Bourbriac et Saint-Quilhouët en Plaintel. De par son appartenance à une famille d’ancienne noblesse et à son renom, La Fayette aurait pu siéger aux Etats de Bretagne qui se réunirent en 1784 et 1786. Son nom ne figure cependant pas sur les listes des participants.
Représentant de la noblesse libérale
En revanche, il a pu être présent parmi les neuf cents gentilshommes, représentant la noblesse de la province qui se réunirent pour la dernière réunion des Etats de Bretagne, à Rennes, en décembre 1788 et janvier 1789, occasion de heurts très sévères entre le Tiers-Etat et la noblesse. En raison de l’échec de cette assemblée, il n’y eu pas de liste précise des participants à être établie, on ne sait donc pas si le héros américain y participa.
La Fayette ne se désintéressait en effet pas des affaires de la province d’origine de sa mère. On retrouve ainsi sa signature sur une protestation de plus de mille nobles bretons contre les édits royaux de 1788. Les Etats de Bretagne et la noblesse protestaient alors contre la volonté royale de réduire leurs prérogatives et de limiter les droits de la province. Nul doute que la présence d’un nom aussi prestigieux que La Fayette fut vivement recherché par les protestataires bretons.
La Fayette prit-il pour autant clairement partie pour le camp de la noblesse bretonne ? Son attitude future permet d’en douter. En 1789, il est élu représentant de la noblesse au Tiers-Etat et devient rapidement un des porte-parole des aristocrates libéraux qui souhaitent l’établissement d’une monarchie constitutionnelle. Favorable à la Révolution à ses débuts, La Fayette, le « héros de la liberté des deux mondes » est nommé commandant de la garde nationale en juillet 1789. Le 5 août de la même année, il laisse cependant Versailles sans défense, lorsque le peuple de Paris marche sur le château pour ramener le roi dans la capitale. De même, le 20 juin 1792, la garde nationale et La Fayette sont étrangement absents lorsque le Louvre est envahi par une foule en colère et Louis XVI pris à parti.
Traître à la nation
Opposé au parti jacobin, La Fayette projetait déjà de changer de camp. Il fuit à l’étranger et est déclaré « traître à la nation » le 19 août 1792. Il se réfugie alors à Liège, où il est capturé par les Prussiens et les Autrichiens. Ces terres en Bretagne et Auvergne sont confisquées par le gouvernement français. Il ne sera libéré qu’en 1797, sur intervention de Bonaparte. Il revient en France en 1799 pour s’opposer… à Bonaparte et vote contre l’établissement de l’Empire en 1804. Retiré ensuite des affaires, il participe à la chute de Napoléon à partir de 1814. Il s’opposera de même à la Restauration des Bourbons. En 1830, il prendra d’ailleurs le parti de Louis-Philippe qui incarnait alors ses espoirs d’une monarchie constitutionnelle. Il meurt en 1834, à l’âge de 76 ans.
En 1824 et 1825, La Fayette était retourné aux Etats-Unis où il avait connu un accueil triomphal dans plus de cent quatre-vingt villes. Il y reste très célébré : en 2002, il a ainsi été élevé à titre posthume au rang de citoyen d’honneur des Etats-Unis d’Amérique, un privilège qui n’a été accordé qu’à cinq reprises.
La Fayette demeure le plus célèbre de ses soldats et marins français qui se battirent pour l’indépendance américaine. Parmi eux, on comptait de nombreux Bretons, reconnus ou anonymes comme cette centaine de marins ouessantins tombés durant cette guerre lointaine. Ou le marquis de la Rouërie qui avait combattu aux côtés de La Fayette.
Pour en savoir plus :
« La Fayette et la Bretagne », Y Goardou, La Nouvelle revue de Bretagne, n°1, janvier 1947.
La Fayette, Étienne Taillemite, Fayard, Paris, 1989