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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Ouessant au cœur de l’Europe de l’âge du Bronze

Publié le 15 Juin 2010 in Archéologie

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Depuis plus d’une vingtaine d’années, les archéologues fouillent près de deux hectares à Mez Notariou, sur l’île d’Ouessant, occupés pendant vingt siècles, de l’âge du Bronze jusqu’à la fin de l’Antiquité. Un important ouvrage de synthèse sur la période du Bronze va bientôt paraître, ainsi que les actes du colloque organisé en 2007 sur les routes antiques et les passages obligés.

Après avoir publié une synthèse sur le site de Mez Notariou durant l’âge du Fer, Jean-Paul Le Bihan et Jean-François Villard préparent un second tome sur la période du Bronze ancien, lorsque le site était occupé, entre 1500 et 2000 avant J.-C. Déjà atypique à bien des égards (lire ArMen n°160), le site de Mez Notariou a permis la découverte de céramiques qui n’entraient pas dans les typologies habituelles pour cette période, sur la façade atlantique. Jusqu’à la découverte d’un superbe ensemble, à Plouédern, il y a deux ans, et qui semble correspondre au matériel exhumé à Ouessant.

 

Un même continent

“Ce sont des types d’objets que l’on retrouve plutôt en Suisse ou en Allemagne, explique Jean-Paul Le Bihan. Cela remet en partie en cause l’idée qu’il y avait deux grands ensembles à cette époque, l’un continental, l’autre atlantique. En fait, on s’aperçoit que l’Europe, à l’époque, est déjà un ensemble où tout circule rapidement : les hommes, les objets et les idées. C’est déjà une vaste communauté intellectuelle et économique. Il y a des échanges dans les deux sens, les cultures méditerranéennes ont aussi emprunté aux civilisations européennes. Il faut sortir d’un certain méditerranéo-centrisme.” Les archéologues ont en effet déterminé que les Ouessantins de l’âge du Bronze étaient à la pointe des techniques de l’époque, malgré leur apparente position géographique excentrée. “Ils sont très “high-tech”, note Jean-Paul Le Bihan. Ils maîtrisent bien la fabrication du bronze, ce qui a une valeur symbolique très importante à l’époque.”

Entre 1500 et 1200 avant notre ère, un gros village se développe donc au centre de l’île d’Ouessant. Il semble prospère. L’étain servant à la fabrication du bronze venait du continent, il existe d’ailleurs des gisements à Saint-Renan. Reste la question du cuivre, l’autre ingrédient pour fabriquer le bronze, qu’il fallait importer de Cornouailles britannique ou de la péninsule ibérique. “Cela renforce l’idée qu’Ouessant était, dès cette époque, un passage obligé sur les routes de l’étain, estime Jean-Paul Le Bihan. L’île devait être une escale où l’on réparait les navires, où l’on faisait le plein de provisions et d’eau et où l’on embauchait des pilotes pour franchir la mer d’Iroise.” Les marins qui l’ont fréquentée jusqu’à la fin de l’Antiquité faisaient sans doute aussi des offrandes dans le sanctuaire qui a fonctionné de l’âge du Bronze jusqu’à la fin de la période gallo-romaine. Ceci explique la découverte d’objets venant de très loin, d’Égypte, d’Italie et de la Baltique. “Ils expriment sans doute le besoin de remercier les Dieux pour le voyage, ou de demander leur protection pour la fin du périple”, estime l’archéologue.

Le site d’Ouessant montre qu’à partir de l’âge du Bronze ancien, de grands changements interviennent et qu’il y a une accélération des échanges, notamment entre l’ouest et l’est de l’Europe. “C’est un site exceptionnel, reconnaît Jean-Paul Le Bihan, mais qui pose aussi des problématiques plus générales, liées notamment aux routes de l’époque, aux passages obligés, au voyage en général.” En 2007, l’île avait d’ailleurs accueilli un colloque international sur la question, avec des interventions sur les routes de la soie, de l’ambre, entre la Nubie et l’Égypte ou sur les passages alpins à la Protohistoire. Ces communications passionnantes viennent d’être publiées. À noter enfin que Jean-Paul Le Bihan livre ses réflexions sur le métier d’archéologue dans un livre en français et en russe, édité par l’université de Rostov, l’été prochain.

 

  

Pour en savoir plus : Routes du monde et passages obligés de la Protohistoire au haut Moyen Âge, sous la direction de Jean-Paul Le Bihan et de Jean-Paul Guillaumet, Centre de recherches archéologiques du Finistère, 30 €.

À paraître : Archéologie d’une île à la pointe de l’Europe, Mez Notariou des origines à l’âge du Bronze, Jean-Paul le Bihan et Jean-François Villard, Cloître / Centre de recherches archéologiques du Finistère. Un archéologue, entretiens imaginaires, Jean-Paul Le Bihan, université de Rostov.

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