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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

XIIe siècle. Les cisterciens en Bretagne

Publié le 18 Novembre 2009 in Histoire de Bretagne

En 1132, le puissant comte de Guingamp et Lamballe, Étienne, donne la terre de Bégard à un nouvel ordre monastique, né en Bourgogne, les cisterciens. Ces derniers vont mettre en valeur des terres jusque-là incultes et essaimer rapidement dans la péninsule.

Au Xe siècle, l’Occident connaît une vaste réforme des usages monastiques impulsée par la puissante abbaye de Cluny, en Bourgogne. Celle-ci devient rapidement un très important centre religieux. On y édifie de vastes et monumentaux édifices abbatiaux. Mais la richesse de Cluny interpelle certains religieux qui souhaitent revenir à une pratique plus ascétique et plus désintéressée du monachisme. En 1098, toujours en Bourgogne, est fondée une nouvelle abbaye bénédictine, Cîtaux, qui vient du latin Cistercium, un « lieu couvert de cistes (osiers) ». C’est donc dans une solitude boisée, au milieu des bêtes sauvages, que s’installent le 21 mars, jour de la saint Benoît, les premiers cisterciens.

 

Idéal de pureté

Le deuxième père abbé, saint Albéric, place la communauté sous la protection du pape Pascal II et impose la pratique stricte de la règle de saint Benoît et un idéal de pureté qui va rapidement s’incarner dans l’architecture de l’abbaye comme de ses « filles ». Loin des ornements parfois ostentatoires des abbayes de l’époque, l’architecture cistercienne apparaît comme la quintessence de l’art roman : des lignes pures, sans décorations superflues. Autre différence, les cisterciens adoptent un habit de couleur blanche, alors que les autres moines possédaient des bures noires. Le blanc est une couleur associée à la Vierge à laquelle tous les premiers monastères cisterciens sont d’ailleurs consacrés.

En 1112, un nouvel abbé arrive à Cîtaux avec trente compagnons : saint Bernard. Moine énergique, Bernard développe rapidement le monastère qui essaime : en deux ans, quatre nouveaux monastères sont créés. Les quatre « filles » patronnent également de nouveaux monastères. En 1120, on compte déjà une douzaine de monastères cisterciens. En 1119, une charte est adoptée pour codifier la règle cistercienne. Elle laisse une certaine autonomie à chaque abbaye, qui reste néanmoins sous la surveillance de l’abbé-père de l’ordre à Cîtaux. En un siècle, l’ordre va connaître un essor prodigieux, avec plusieurs centaines de monastères en Europe.

 

La fondation de Bégard

Les cisterciens ne sont pas que des moines contemplatifs, une partie de leur vie est consacrée au travail manuel, comme le prônait saint Benoît. Ils défrichent avec une grande efficacité les terres sauvages où ils s’installent. Sous leur action, la forêt recule. Ils sont également de grands spécialistes de l’irrigation et du drainage des marais. Leurs monastères sont parfois de véritables centres industriels, comme l’abbaye de Fontenay, en Bourgogne, qui conserve encore les bâtiments d’une importante forge. A l’époque, les cisterciens sont, d’une certaine manière, des spécialistes de l’aménagement du territoire. Ce qui fait qu’ils sont recherchés par les grands aristocrates désirant mettre en valeur leurs terres.

En 1130, Geoffroy, fils aîné d’Étienne, le puissant comte de Guingamp, Lamballe et de Richmond en Angleterre, se rend à l’abbaye de l’Aumône, dans le diocèse de Chartres. Il en fait venir quelques religieux à qui il donne des terres dans la forêt de Pluscoat, en un lieu autrefois habité par un ermite appelé Bégar, qui donnera son nom au nouveau monastère créé en 1132. L’abbaye de Bégard va se développer rapidement, au point d’être surnommée « la reine des abbayes des Bretagne ». Vendue à la Révolution, son église abbatiale a été détruite par un incendie en 1900. Depuis 1927, des religieuses occupent à nouveau les lieux, mais il ne reste pratiquement plus de vestiges du XIIe siècle.

 

Les filles de Bégard

Sous le patronage d’aristocrates bretons, Bégard devait également rapidement essaimer. En dix ans, cinq « filles » de Bégard sont fondées : Le Relec, Boquen, Saint-Aubin-des-Bois, Lanvaux et Coëtmaloën. Ainsi, dès le 21 juillet, des religieux bégarrois, appelés par le vicomte de Léon, viennent relever l’ancienne abbaye du Relec, fondée, dit-on, au Vie siècle par saint Tangi.

La deuxième fille, Boquen, a été fondée dans une vallée boisée de la région de Lamballe. Son église romane formait une croix latine d’une cinquantaine de mètres dont on peut encore voir les murs. Ses moines ont aussi fondé l’abbaye de Bon-Repos, en centre Bretagne, parrainée par la puissante famille de Rohan, qui en a longtemps fait sa nécropole. Toujours en centre Bretagne, dans l’évêché de Quimper, l’abbaye de Langonnet est créée en 1136, sous le patronage du duc Conan IV. C’est aussi à ce duc que l’on doit l’installation des cisterciens sur le littoral sud, à Clohars-Carnoët, où se trouvent toujours les ruines majestueuses de l’abbaye Saint-Maurice.

 

Les ducs de Bretagne

Les ducs de Bretagne ne pouvaient en effet rester en dehors de ce mouvement de créations monastiques, d’autant que la très pieuse duchesse Ermengarde (1072-1146) était une proche de saint Bernard avec lequel elle a entretenu une longue correspondance. À sa demande et à celle de son fils, le duc Conan III, saint Bernard envoie ses moines blancs s’installer à Buzay, dans le pays de Nantes. En 1200, cette dernière devait être à l’origine d’une nouvelle abbaye : Villeneuve. En 1252, le duc Jean Ier fonda l’abbaye de Prières, en Billiers, dans le pays vannetais.

En tout, l’ordre de Cîtaux est à l’origine de quatorze monastères en Bretagne, qui ont connu des fortunes diverses mais qui ont contribué à mettre en valeur des zones jusque-là peu peuplées de la péninsule. Tous ont été abandonnés à la Révolution et vendus comme biens nationaux. Certains, comme Boquen, ont vu le retour des religieux. D’autres, comme Bon-Repos, sont aujourd’hui des lieux touristiques.

L’abbaye de Timadeuc

Les cisterciens sont toujours présents en Bretagne, malgré la fermeture des monastères à la Révolution. Héritiers des moines blancs du Moyen Âge, les trappistes – du nom de l’abbaye de la Trappe, dans l’Orne – reviennent en France après la Restauration de 1815. En 1841, deux moines et un convers, venus de Normandie, s’installent dans la commune de Bréhan, dans le nord du Morbihan et fondent la communauté de Timadeuc, du nom d’un ancien manoir cédé par la comtesse du Bot. La communauté s’est développée depuis, malgré les problèmes liés aux lois sur les congrégations à la fin du XIXe siècle. Timadeuc demeure un lieu de prières et de retraite. Le monastère est aussi réputé pour ses fromages. Il est aujourd’hui la plus importante communauté cistercienne en Bretagne.

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