Le règne de Jean V, entre 1399 et 1442 a été l'un des plus longs de l'histoire de Bretagne. Surnommé le “sage” pour avoir mené une habile politique extérieure et avoir maintenu la paix en pleine guerre de Cents ans, ce duc a également assuré une durable prospérité à sa principauté.
Le futur duc Jean V de Bretagne est né le 24 décembre 1389 au château de l'Hermine, à Vannes, l'une des principales résidences des princes bretons. Il est le fils de Jean IV de Montfort, le vainqueur de la terrible guerre de Succession de Bretagne qui a pris fin en 1364, Les soubresauts continuent d'agiter la péninsule pendant plusieurs décennies, en témoignent les conflits réguliers qui opposent Jean IV et Olivier de Clisson. La mère de Jean V est Jeanne de Navarre qui, en 1403, deviendra reine d'Angleterre en épousant Henri IV.
En 1399, son père décède et Jean V inaugure l'un des plus longs règnes de l'histoire de Bretagne. Il n'a alors que dix ans et gouverne sous la tutelle du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi. Soutenu par les Anglais, son père s'était à maintes reprises opposé aux rois de France. Jean V, lui, se réconcilie avec Charles VI et épouse sa fille, Jeanne de France. À ses débuts, il semble se défier de l'Angleterre et envoie d'ailleurs quelques troupes pour soutenir l'insurrection galloise d'Owen Glendour. En 1404, il reprend Brest et son château, pourtant surnommé “le plus fort du monde” par le chroniqueur Froissart, que tenaient les Anglais depuis plusieurs décennies.
Une politique étrangère prudente
Toujours allié des Français en 1415, il n'arrive, avec les troupes bretonnes, qu'à la fin de la bataille d'Azincourt, ce qui lui permet de sauvegarder son armée après cette terrible défaite française. Dans la foulée, il récupère Saint-Malo, dont l'évêque et les bourgeois ont été lâchés par le roi de France. Puis, il se rapproche des souverains de Londres dont il reconnaît, un moment, les prétentions au trône de France. En fait, durant tout son règne, Jean V ne fera qu'alterner les alliances avec l'Angleterre et la France, au gré de ses intérêts, mais également des menaces que faisaient peser ces deux royaumes sur une indépendance bretonne qu'il ne cessa de renforcer, en développant les institutions du duché.
Saint Vincent Ferrier
Le règne de Jean V est également marqué par les prédications de l’un des plus célèbres religieux de son temps, saint Vincent Ferrier. Ce dominicain catalan, né en 1350, a parcouru l'Europe entière pour prêcher. Ses missions l'ont mené de la Sicile à l'Écosse. En 1418, il arrive en Bretagne, qu'il va sillonner pendant deux ans. Il multiplie les miracles, dont celui, dit-on, de se faire comprendre, aussi bien en haute qu'en basse Bretagne. Épuise, il meurt à Vannes en 1419.
Le duc kidnappé !
Le règne de Jean V est également marqué par un grave événement. En 1420, Margot de Clisson, fille d’Olivier et les héritiers de Jeanne de Penthièvre et de Charles de Blois commettent l'inimaginable. Ils attirent le duc dans un guet-apens et le kidnappent ! Ils le retiennent prisonnier quelques mois. La guerre de Succession entre Montfort et Penthièvre va-t-elle reprendre ? La duchesse Jeanne de France rallie la Bretagne derrière elle. L'armée ducale prend une à une les forteresses des Penthièvre, avant de mettre le siège devant Champtoceaux, à la frontière de la Bretagne et de l'Anjou, où Jean V est retenu prisonnier. Il est libéré et ordonne la confiscation de tous les biens des Penthièvre dans le duché. L'expulsion de ces derniers hors de Bretagne contribue grandement à la stabilité de la péninsule.
Le sage
Malgré les différents avec les Penthièvre et d'autres grands féodaux, Jean V a su, pendant une quarantaine d'années, maintenir son duché dans une relative tranquillité, ce qui lui a valu le surnom de « sage ». L'un des chroniqueurs de l'époque, le « religieux de saint Denis », dresse d'ailleurs un portrait flatteur de Jean V : « Le duc de Bretagne était doux et bienveillant, plein de bonnes qualités ; mais ce qui le distinguait des autres princes du royaume, c'est qu'il vivait avec ses compatriotes et ses sujets, sans orgueil et sans faste, sachant se contenter de ses propres revenus, sans fouler son pays sous les exactions injustes, le gardant efficacement contre les attaques de ses voisins, le maintenant dans une paix parfaite et dans un repos qui lui procurait grande abondance de biens. »
Jean V signe ainsi un certain nombre de traités commerciaux, notamment avec la Castille, les villes basques ou les riches cités allemandes de la Hanse. Sous son règne, le commerce se développe fortement. Les Bretons exportent du sel, des produits alimentaires et des toiles. Les villes se développent et profitent de la paix, notamment Nantes qui devient l'une des grandes places commerciales sur l'Atlantique, tout en s'imposant comme la capitale de la Bretagne.
Le duc est également un mécène. Il finance divers monuments religieux, dont la chapelle saint-Fiacre du Faouët, qui conserve encore une statue polychrome de bois, représentant Jean V en manteau d'hermines. Il entreprend les travaux de la cathédrale de Nantes. Il entretenait également des musiciens et ménestrels. En 1430, sous son patronage, se tient également la plus ancienne représentation théâtrale dont nous ayons conservé la trace en Bretagne : un mystère de la passion, donné à Rennes.
C'est donc un duché prospère et stable que lègue Jean V à son fils François Ier à sa mort, en 1442, au manoir de la Touche, à Nantes, l'actuel musée Dobrée. Une prospérité que pouvaient alors envier bien des habitants des royaumes de France et d'Angleterre, rendus exigus par plus de cent ans d'affrontements.