Au cœur de la Bretagne, les archéologues ont mis au jour un site exceptionnel à Paule. Durant l’âge du Fer, pendant six siècles, il n’a cessé d’évoluer. L’importante ferme des débuts est devenue une forteresse, puis une petite agglomération prospère. Célèbre pour ses statuettes, Paule a permis de renouveler nos connaissances sur l’Armorique gauloise.
Au vie siècle avant notre ère, dans les débuts de l’âge du Fer, un groupe d’hommes et de femmes s’installent sur une hauteur non loin de l’actuel village de Paule. Situé sur la ligne de crêtes des Montagnes Noires, l’endroit offre un beau panorama sur les collines du centre Bretagne. Il est situé à proximité de grands axes qui traversent la péninsule armoricaine et qui, durant l’antiquité gauloise, assurent de substantiels revenus et taxes de passage à ses occupants.
Les fondateurs de Paule défrichent des terrains et bâtissent une importante demeure. « Dès l’origine, c’est un établissement agricole important par rapport aux autres fermes connues dans les environs », estime Yves Menez, conservateur au Service régional de l’Archéologie et qui a supervisé les fouilles du site. Deux nécropoles se développent non loin de deux tumuli de l’âge du Bronze qui seront conservés jusqu’à l’époque romaine. Le site n’est pas encore fortifié, mais comprend plusieurs souterrains, caractéristiques de l’âge du Fer en Bretagne. Ils servaient à stocker les denrées agricoles, peut être aussi de cachettes.
Quatre statuettes
C’est dans un de ces souterrains qu’ont été découvertes deux des quatre fameuses statuettes, qui constituent un témoignage exceptionnel sur l’art gaulois. L’une d’elles présente une lyre, l’une des rares représentation d’instrument celtique. « Il s’agit probablement de personnages importants du site, indique Yves Menez. Sans doute des ancêtres de la famille qui résidait en ce lieu. » Les statues étaient exposées dans un bâtiment détruit par un incendie au ier siècle avant notre ère et sont ensuite jetées sans plus de ménagement.
A partir du iiie siècle avant notre ère jusqu’à la conquête romaine, Paule se développe considérablement. Dans une société celtique réputée guerrière, il se fortifie. Un vaste bâtiment central – un véritable château – est édifié à la place de la ferme des origines. Il est défendu par des tours et une enceinte terroyée. Puis, tout autour se crée également une petite agglomération elle-même entourée de fortifications. Au début du ier siècle avant notre ère, le site occupe plusieurs hectares.
De puissants propriétaires
On y trouve de vastes bâtiments publics, sans doute des greniers où étaient stockés des aliments. On peut imaginer que Paule était le centre d’activités commerciales conséquentes et que ses propriétaires possédaient de nombreuses terres alentours. Les archéologues ont également mis au jour des traces d’activités métallurgiques. « Les Gaulois, explique Yves Menez, ont exploité des filons aurifères dans les environs. L’or a ensuite été travaillé sur place ».
Il estime que Paule comptait alors entre plusieurs centaines d’habitants. Les dirigeants du site avaient forcément un statut social élevé, « leur influence devait s’étendre bien plus loin que la Bretagne centrale ». De grands aristocrates gaulois de la tribu des Osismes, dont on ne connaît que peu l’organisation sociale et politique. On sait cependant que les Osismes contrôlaient et captaient une partie du commerce entre les îles britanniques et le monde méditerranéen. La découverte de nombreuses amphores – de quoi remplir un navire -, témoigne de la richesse du lieu. Il s’agissait de vin importé de Méditerranée et, à l’époque, une seule amphore pouvait valoir le prix d’un esclave. Ce vin était consommé lors de grands banquets, des occasions là encore de montrer le prestige des maîtres de Paule.
Le site de Paule est abandonné à la fin du ier siècle avant notre ère, quelques décennies après la guerre des Gaules, sans que l’on sache s’il a fait l’objet de combats. Un chantier de démolition est alors mis en place afin de récupérer le bois et les éléments métalliques des bâtiments. « On peut imaginer, note Yves Menez, que les propriétaires et les habitants sont allés s’installer dans la nouvelle ville bâtie par les Romains : Carhaix-Vorgium. » Les archéologues ont découvert que la nécropole des origines a été visitée jusque vers 270-280. Régulièrement, on venait donc y vénérer des ancêtres morts près de nombreux siècles auparavant. Au ive siècle de notre ère, après la chute de l’empire romain, se développe une nouvelle forteresse pendant tout le haut Moyen Âge. Si on ne se sait rien de ces nouveaux occupants et s’ils avaient un lien quelconque avec le site antique, cette installation témoigne d’une pérennité étonnante – plus d’un millénaire – pour ce site exceptionnel.