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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Un manoir médiéval surgit de terre à Guérande

Publié le 12 Juin 2009 in Archéologie




Lors de l’aménagement d’une zone commerciale, en périphérie de Guérande, les archéologues ont mis au jour les fondations d’un manoir médiéval. Une découverte qui illustre la prospérité de la ville au xve siècle, lorsqu’elle était l’un des principaux ports du sud de la Bretagne.

Les archéologues ont l’habitude de mettre à jour toute sorte de bâtiments, mais une surprise de taille les attendait lors de sondages sur le terrain de la future galerie marchande d’un supermarché de Guérande : les vestiges d’un manoir du xve siècle. “Il s’agit d’une découverte inédite et exceptionnelle, indique Christophe Devals, responsable de la fouille pour l’Inrap. Il y a ici un manoir médiéval entier, détruit au xviie siècle. Il n’a donc pas subi de modifications ultérieures, comme c’est en général le cas dans les manoirs existants. La fouille va nous renseigner sur la construction et le fonctionnement de ce type de bâtiment au Moyen Âge. De plus, nous sommes dans un contexte architectural typiquement breton, voire bas breton. On retrouve ce type de manoir jusque dans le Finistère.”

Si son emplacement exact était tombé dans l’oubli, l’existence d’un manoir de Villejames était connue grâce aux textes anciens. Il appartenait à la famille Calon, de riches négociants du pays guérandais qui ont été anoblis au début du xive siècle par les ducs de Bretagne. Ils deviennent alors seigneurs de Villejames, où ils vont construire leur demeure, à un kilomètre de la ville close. Il sera habité pendant trois cents ans, jusqu’à son abandon, au début du xviie siècle, suite à des problèmes d’entretien et de succession.

 

Un plan classique en Bretagne

Les Calon ont édifié un bâtiment de plan classique, en forme de L, relativement courant dans les maisons nobles bretonnes de l’époque. Il comprend une grande salle, une cheminée monumentale, des salons privés. Une tour d’escalier extérieure est rajoutée au xve siècle. “Ce manoir a été construit par des artisans de haut niveau, indique l’archéologue. Mais ils n’appartenaient pas forcément à l’élite de la profession. De fait, il s’agit d’un bâtiment de niveau intermédiaire car les Calons n’appartiennent pas à la haute aristocratie, même s’ils possèdent un certain statut.”

Le manoir comprenait également un puits intérieur, ce qui permettait d’avoir l’eau courante dans la demeure. Celle-ci a d’ailleurs été édifiée au-dessus d’une nappe phréatique, sur un terrain très humide, ce qui n’a pas manqué de poser des problèmes. “Nous avons mis au jour des systèmes élaborés d’assainissement par le sol, des caniveaux et des filets d’eaux sophistiqués, explique l’archéologue. Au xvie siècle, quand les propriétaires n’ont plus eu les moyens d’entretenir le lieu, il s’est dégradé très vite à cause de cette humidité.” Les chercheurs ont également trouvé de nombreux éléments de vaisseliers et d’objets du quotidien : des éperons, des boucles, des pièces en verre… Ils témoignent du statut des propriétaires qui se sont enrichis grâce au négoce du vin. Pour augmenter leurs revenus, les Calon devaient également faire le commerce du sel et des textiles. L’aménagement de l’extérieur du manoir était également soigné. Il était entouré par un mur d’enceinte, destiné à marquer les limites du territoire seigneurial. Un vaste porche permettait d’y accéder. Les piétons pouvaient aussi emprunter une petite porte puis une large voie pavée de 33 m de long, qui leur était réservée. “Il s’agit d’un exemple de voirie d’apparat, destinée à renforcer l’aspect ostentatoire du manoir”, estime Christophe Devals. Cette voie donnait sur la cour intérieure, elle aussi en partie pavée et ornée d’un vaste bassin. Fouillé cet été, le manoir de Villejames témoigne de la prospérité de la région guérandaise au Moyen Âge, ainsi que du riche passé breton de la Loire-Atlantique.

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