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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Tirant le Blanc, un Breton héros littéraire de Catalogne

Publié le 18 Février 2019 par ECLF in Histoire de Bretagne

Tirant le Blanc, un Breton héros littéraire de Catalogne

 

 

 

Paru à la fin du XVe siècle à Valence, le roman de Tirant Le Blanc est l’un des chefs d’œuvres de la littérature hispanique. Il met en scène un héros chevaleresque originaire de Bretagne et illustre, d’une certaine façon, les relations entre péninsules armoricaine et ibérique.

Si le roi Arthur est sans doute le plus célèbre Breton de l’Histoire, on l’ignore souvent, mais un autre chevalier médiéval breton est très populaire en Catalogne et dans toute la péninsule ibérique : Tirant Le Blanc. Son épopée est étudiée et est considérée par le prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa, comme un « roman ultime ». Mais comment un Breton de Nantes est-il devenu l’un des héros de la Catalogne où il a des rues et des places à son nom ?

Né en 1410, Joannot Martorell, auteur de Tirant Le Blanc, a connu lui-même une existence quelque peu tumultueuse. Ce Valencien aurait été notamment captif des musulmans. Il commence la rédaction du texte en 1460 pour l’achever cinq ans plus tard. En grande difficulté financière, il le revend à un certain Mari Galba qui va engager une première édition qui ne verra le jour qu’en 1490, à 715 exemplaires.

 

Chef d’œuvre catalan salué par Cevantès

Un tirage conséquent pour l’époque et pour une langue, le catalan, qui est alors très répandue en Méditerranée occidentale. Il correspond à l’âge d’or de la littérature de cet idiome, notamment autour de Valence. Les aventures de Tirant Le Blanc connaissent rapidement un large succès au-delà des pays catalans. L’ouvrage est réédité en 1497. Il est traduit en espagnol en 1511, puis en 1538 en italien. Il faudra attendre le xviiie siècle et le comte de Caylus pour en avoir une version en français.

Preuve de la notoriété de Tirant à l’époque, dans le chapitre VI de son Quichotte, Cervantès lui rend hommage. Le curé et le barbier brûlent les romans de chevalerie coupables de la folie de l'hidalgo. Tout à coup, le curé s'écrie: «C'est un trésor que vous avez trouvé, c'est le contrepoison du chagrin. [...] Je ne vous mens pas, mon compère: voici le meilleur livre du monde pour le style et le plus naturel. [...] Les chevaliers mangent et dorment, ils meurent dans leurs lits et font testament.» 

 

De multiples aventures

Les aventures de Tirant le Blanc sont un récit du XVe siècle. La Bretagne est alors un Etat quasi-indépendant, entre royaume de France et d’Angleterre. Elle a déjà marqué la littérature européenne grâce aux récits arthuriens. Le roman catalan y fait quelques allusions, notamment lorsqu’une certaine Morgane vient chercher son frère Arthur à Constantinople où Tirant défend l’empire d’Orient. Effectivement, elle y trouvera un chevalier anonyme dont l’épée s’appelle Escalibor…

Le foisonnant récit des aventures du chevalier breton, Tirant le Blanc, commence en fait dans une Angleterre qui fête sa victoire sur des Canariens ayant essayé de l’envahir. Un jeune Breton du pays Nantais, Tirant, s’y rend et remporte de nombreuses victoires dans les joutes. Il est formé par un ermite, le comte de Warwick, qui l’initie aux codes ancestraux de la chevalerie.

Après son initiation sur l’ancienne île de Bretagne, revenu célèbre à la cour de Nantes, Tirant part pour la Méditerranée pour combattre les Turcs. Il passe ainsi quelque temps en Sicile, puis part au secours de l’empereur de Byzance, assiégée par les Musulmans.

 

Amoureux de la fille de l’empereur

Sur les rives du Bosphore, puis en Asie mineure, Tirant multiplie les exploits guerriers et il doit affronter le duc de Macédoine, potentat local aussi mauvais stratège que cruel personnage. Surtout, Tirant tombe amoureux de la princesse Carmésine, fille de l’empereur, qu’il ne peut courtiser en raison de son statut social, même si les sentiments sont partagés. S’engage un jeu amoureux s’autant plus complexe que Stéphanie, sœur de lait de la princesse, est elle-même tombée sous le charme de Diaphébus, cousin breton de Tirant et qu’elle finira par épouser. Pour pimenter le tout, une autre princesse, Plaisirdemavie, quelque peu délurée, cherche à mettre tout le monde en relation, tandis qu’une certaine « Veuve Reposée » est tombée femme amoureuse de Tirant.

Après moult aventures et rebondissements qui entrent en résonnance avec l’actualité de l’époque (le chute de Constantinople sous l’assaut des Turcs), Tirant finit part chasser de ses envahisseurs l’empire romain d’Orient et à épouser Carmésine. Mais en se promenant près d’une rivière près d’Andrénopolis, il tombe gravement malade et décède. Carmésine ne survit pas à la mort de l’amour de sa vie. L’empereur décide alors de rapatrier leurs corps en Bretagne. Et c’est ainsi qu’un héros de la littérature catalane et une princesse byzantine sont enterrés quelque part en Bretagne, sans que l’on sache exactement où, comme dans toutes les légendes…

 

 

 

 Bretagne et Espagnes

Les relations entre les péninsules ibériques et armoricaines remontent à la Préhistoire et les échanges ont été fort nombreux des deux côtés du golfe de Gascogne. Le phénomène s’intensifie durant le Moyen Âge. Au début du XIVe siècle, le duc Jean III épouse l’infante de Castille et se rend notamment en Andalousie, où il est concédé des droits spéciaux aux Bretons dans le port de San Lucar de Barramada, dans la baie de Cadix. Ils y développent une petite colonie qui a perduré jusqu’au XVIIe siècle. Situé sur les bouches du Guadalquivir, ce port accueille les vaisseaux bretons qui viennent vendre leurs toiles de lin et de chanvre, avant de repartir chargés de vin. Or, avec les premières colonies sud-américaines, les toiles bretonnes connaissent un incroyable succès outre-Atlantique. A partir du XVIe siècle, les échanges enrichissent considérablement les marchands bretons. Au siècle suivant, ils ouvrent des maisons de commerce à Cadix et continuent à commercer avec l’Espagne, mais également le Portugal où plusieurs Bretons s’étaient illustrés lors des grandes découvertes.

Aujourd’hui encore, San Lucar de Barrameda conserve une « calle de Bretonas », une rue des Bretons, témoignage d’une étonnante histoire.

 

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B
Merci pour ces précisions ! Mais : Barrameda et Guadalquivir...<br /> Ken+<br /> BG
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