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Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

L'or des Osismes

Publié le 13 Février 2009 par Erwan Chartier-Le Floch in Archéologie

Un dépôt exceptionnel de monnaies gauloises a été mis au jour lors de fouilles préventives sur la future RN 164 à quatre voies, à Laniscat, en 2007. Une découverte majeure qui complète les connaissances sur les Osismes, “ceux du bout du monde”, la tribu gauloise la plus occidentale du continent.

Depuis plus d’une vingtaine d’années, aucun dépôt monétaire gaulois d’importance n’avait été mis au jour lors de fouilles archéologiques. On imagine donc l’excitation des archéologues, des numismates et des spécialistes de l’âge du Fer lors de la découverte de près de cinq cent quarante-cinq pièces au printemps 2007, sur le futur échangeur de Rosquelfen, à Laniscat, en centre Bretagne. Les pièces étaient étalées sur près de 200 mètres carrés. Elles avaient été enfouies et cachées dans le fossé d’une exploitation agricole gauloise. Une équipe de professionnels de l’Inrap, associée à des archéologues locaux, est à l’origine de cette découverte. “Ce chantier a été mené à bien grâce aux bénévoles et aux gens du coin qui ont su rester discrets, ce qui a permis de préserver le site de fouilles”, souligne Eddy Roy qui a dirigé l’opération.

À l’origine, les pièces ont dû être enterrées dans un sac ou une boîte, mais le contenant, vraisemblablement fabriqué en matière périssable, a disparu depuis longtemps. “Il est exceptionnel, souligne l’archéologue et spécialiste de l’âge du Fer, Yves Menez, de découvrir un trésor aussi complet. On peut connaître ici la quantité de métal précieux enfoui et le contexte dans lequel il a été caché. D’habitude, on retrouve des pièces déterrées par des pilleurs, sans que l’on soit sûr de leur provenance ou de la quantité exacte de monnaie cachée.”

 

Un exemple d’art celte

Il s’agit de pièces en électrum – un alliage d’or et d’argent – émises par la tribu des Osismes qui occupaient une grande partie de la basse Bretagne actuelle. Certains types étaient, jusque-là, inconnus, d’autres très rares, comme ce cavalier tenant une lance, accompagné d’un sanglier. On retrouve également des têtes d’hommes à la chevelure perlée. La qualité artistique des motifs frappés sur ces pièces témoigne de la richesse culturelle et la créativité des Gaulois armoricains.

Ces pièces nous donnent également des indications sur les évolutions politiques de cette société. Le fait que des cavaliers armés soient représentés illustre l’importance de l’aristocratie guerrière gauloise avant la Conquête romaine. Dans La Guerre des Gaules, César évoque d’ailleurs les equites, ces “chevaliers” celtiques et leur place prépondérante dans la société. Ce sont sans doute ces aristocrates qui frappent la monnaie, celle-ci devenant le reflet de leur pouvoir. Leur ornementation répond donc à des motifs politiques, même si certains éléments (têtes coupées, animaux totémiques) sont sans doute d’origine religieuse.

Ces pièces ne servaient pas aux transactions quotidiennes. “Elles étaient utilisées pour des transactions majeures ou pour thésauriser, précise Yves Menez. Plus de cinq cents exemplaires représentent un capital énorme pour l’époque.”

 

La puissance des Osismes

Autre indication, cet important trésor a été caché dans une zone qu’on pensait être disputée entre Osismes et Vénètes. “Cette découverte nous enseigne que le territoire osisme s’étendait plus à l’est qu’on ne le pensait, indique Stéphane Deschamps, conservateur en chef du Service régional de l’archéologie de Bretagne. Au fur et à mesure des découvertes archéologiques, nous nous rendons compte que ce peuple était plus puissant que nous ne l’estimions. Dans sa description de l’Armorique, César a sans doute exagéré le rôle des Vénètes par rapport à celui des Osismes.”

Ces statères et quarts de statères ont été frappés entre 75 et 50 avant J.-C.. Leur enfouissement est sans doute contemporain de la guerre des Gaules. Leur propriétaire a du les cacher durant cette période de troubles. Sans que l’on sache exactement ce qui lui est arrivé, ainsi qu’à ses proches, on peut estimer qu’il a dû faire face à des périls sérieux. En effet, personne n’est jamais revenu chercher son trésor. “Après la conquête, explique Eddy Roy, le site est occupé pendant soixante ou soixante-dix ans, sans que les nouveaux occupants ne reprennent les pièces. On peut supposer que ce n’est donc pas l’ancien propriétaire du trésor qui reprend l’exploitation.”

 

Une exploitation agricole classique ?

En débutant le chantier, les archéologues pensaient étudier un habitat rural de l’âge du Fer du type de ceux fouillés au Braden ou à Plouër-sur-Rance (lire ArMen 13 et 111). Il était inséré dans un enclos d’un hectare, délimité par un fossé en V typique de l’époque. La céramique retrouvée sur place est relativement banale. “La principale particularité par rapport à d’autres sites réside dans l’importance des bâtiments de stockage, note Eddy Roy. Il y avait ici des greniers capables de stocker plus que la quantité nécessaire à une année de récolte. On peut penser que les surplus étaient commercialisés, ce qui devait procurer d’importantes ressources au propriétaire.”

La découverte du trésor monétaire, très inhabituelle pour ce genre d’établissement, pose la question du statut du propriétaire, mais aussi de la fonction de ces habitats. “Le problème est qu’il s’agit de bâtiments en bois et en terre, souligne Eddy Roy. On a du mal à en restituer l’importance. Vu la configuration des soubassements retrouvés, il pourrait s’agir de dépendances d’un établissement plus important, ou alors d’une habitation aristocratique d’un statut équivalent aux manoirs médiévaux.”

Ce nouveau site étudié n’est distant que d’une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau de Paule, où est fouillé un site gaulois majeur depuis une vingtaine d’années, célèbre notamment pour ses quatre statuettes de granit. Depuis quelques années, les archéologues ont acquis la conviction que Paule n’était pas seulement une forteresse, mais une véritable petite ville s’étendant sur plusieurs dizaines d’hectares à la fin de l’âge du Fer. “Rosquelfen se trouvait en bordure de la voie qui traversait la Bretagne d’est en ouest et a dû en tirer des avantages, souligne Yves Menez, qui fouille également le site de Paule. On constate qu’à l’époque gauloise, le centre Bretagne était beaucoup plus peuplé qu’on ne le pensait. Il était également très prospère, grâce aux péages routiers, aux mines et à l’agriculture.”

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