"La réunification de la Bretagne est une exigence démocratique"
Le 27 novembre, au Congrès des maires, le président de la République française évoquait le paradoxe de Nantes, où se trouve le château des ducs de Bretagne, mais qui se situe dans la région administrative des Pays-de-la-Loire… Depuis, la commission Balladur semble préconiser le retour de la Loire-Atlantique dans une région Bretagne unifiée. En décembre, j’ai réalisé cette interview du président du conseil général de Loire-Atlantique, Patrick Mareschal pour le numéro 168 d’ArMen (janvier-février 2008). Je la mets en ligne aujourd’hui car les propos de Patrick Mareschal ne sont pas dénués d’intérêt dans le débat actuel.
A découvrir par ailleurs dans le nouvel ArMen (n°169) qui vient d’arriver dans les kiosques, l’interview de Louis-Georges Tin, porte-parole du conseil représentatif des associations noires de France sur l’utilisation de la rhétorique anticommunautariste contre les minorités.
Quelle a été votre réaction aux propos de Nicolas Sarkozy sur Nantes en Bretagne ?
Patrick Mareschal : Cette déclaration m’a étonnée agréablement. Je me suis dit que ce combat que nous menons depuis des années n’a pas été vain puisque le problème est arrivé aux oreilles du plus haut personnage de l’État. Mais je reste prudent, car nous sommes habitués aux effets d’annonce qui ne sont pas suivis d’effets… Cela étant, parfois, il y a des moments où l’histoire s’accélère, et où certaines situations se débloquent. L’opportunité de la réforme générale des institutions est une occasion dont il faut se saisir pour réunifier la Bretagne.
Y a-t-il une réelle chance pour que la réunification aboutisse ?
Le président de la République a publiquement posé le problème et souligné l’incohérence de la situation actuelle. Désormais, il faut que le parlement prenne le relais. À titre personnel, je prône l’organisation d’un référendum au cours duquel les habitants des Pays-de-la-Loire et de Bretagne pourront participer. La création des Pays-de-la-Loire s’est faite sans concertation démocratique, je pense qu’il est souhaitable que nous fassions le contraire pour trancher ce problème. La réunification est une exigence démocratique.
Ce référendum n’est-il pas risqué ?
Certains peuvent en effet penser qu’il y a un risque que le combat pour la réunification de la Bretagne ne débouche trop tard. Les institutions ont leur propre logique, et l’organisation territoriale éloigne parfois les gens. Certains médias, comme les grands quotidiens, ont accentué ce phénomène en s’organisant selon les découpages administratifs. En Loire-Atlantique, au lieu de la page Bretagne, nous avons droit à une page Pays-de-la-Loire qu’ils ont bien du mal à remplir ! Mais je fais confiance au bon sens des citoyens. L’opinion publique est très largement acquise à l’idée de la réunification comme le prouvent les sondages successifs. Elle est également suivie par de nombreuses personnes qui ne sont pas originaires du département, mais qui trouvent logique de s’amalgamer à une région Bretagne à forte identité. Enfin, il n’y a pas beaucoup de causes qui font descendre régulièrement des milliers de personnes dans les rues de Nantes, comme les manifestations pour la réunification. Ce qui illustre bien la popularité de ce combat.
Quels avantages offriraient la réunification à la Loire-Atlantique ?
Dans un contexte de mondialisation, je pense que les pays et les régions à forte identité, disposant d’une cohérence historique, culturelle et sociale, peuvent mieux se battre. Ils résistent mieux aux phénomènes d’uniformisation. Avec la Bretagne, nous disposons également d’une image connue à l’extérieur et d’une diaspora dynamique alors que les Pays-de-la-Loire n’ont aucune image internationale. Plus profondément, je crois que le développement d’un territoire tient à l’envie des populations de bâtir l’avenir, à leur capacité de porter des projets collectifs. Or, on connaît la capacité des Bretons à se fédérer pour obtenir certaines choses ou pour peser dans les rapports avec l’État. Pour prendre un exemple, dans un pays comme la France où la mer n’est pas une priorité, une Bretagne unifiée pourrait mieux peser sur les politiques maritimes et portuaires.
Vous êtes président de conseil général, que pensez-vous des débats actuels sur une refonte des collectivités locales ?
Il est incontestable que nos concitoyens ne comprennent plus rien aux découpages administratifs, et qu’il faut se poser la question de la réforme. Le département doit évoluer, notamment sur la question des élections et de la représentativité des conseillers. Il faut également une clarification des compétences. Je pense qu’il faudrait définir un bloc de compétences prioritaires pour chaque type de territoires et que les cofinancements soient limités à deux collectivités. On gagnerait en temps et en efficacité. Par ailleurs, le véritable enjeu ne réside pas dans la taille des régions, mais dans leurs moyens d’actions, notamment financiers. Or, les rapports avec l’État sont de plus en plus tendus sur cette question. L’État supprime unilatéralement des impôts locaux et des dotations, tout en imposant des décisions et en voulant tout piloter. On assiste à une véritable recentralisation. Pour avancer, je pense qu’il faudra une constitutionnalisation des rapports financiers entre les collectivités et l’État, afin d’assurer une réelle autonomie financière.
Que pensez-vous de l’idée de fusionner les régions et les départements ?
À titre personnel, je ne suis pas hostile à ce que les conseillers généraux soient également conseillers régionaux. Les conseillers régionaux doivent en effet être ancrés dans un territoire, pour agir de manière globale. Mais je ne crois pas à la disparition des départements. Partout en Europe, il existe un échelon entre la région et la commune. Cependant, est-il nécessaire de faire partout la même chose ? Si les deux conseils généraux d’Alsace veulent fusionner avec le conseil régional pour former une collectivité unique, cela me semble intelligent. Si le département du Rhône et la communauté urbaine de Lyon fusionnent, cela n’a rien d’illogique. Si une région Bretagne unifiée souhaite obtenir des moyens d’action supplémentaires pour un développement spécifique, c’est légitime. Les réalités des territoires sont diverses, il faut accepter qu’il puisse y avoir des solutions différentes. Il faut être souple !
Bio : né le 8 mai 1939, à Jonzac, Patrick Mareschal a fait ses études secondaires à Nantes. C’est aussi dans cette ville qu’il a suivi une partie de ses études supérieures, à l’École supérieure de commerce puis à la faculté d’économie, avant d’intégrer l’Institut d’études politiques de Paris. Statisticien de formation, cet amateur de voile et de poésie a travaillé pour le commissariat au Plan dans les années 1960, puis à L’Insee. Membre du parti socialiste, il a été adjoint-au-maire de Nantes, Alain Chénard de 1977 à 1983, puis premier-adjoint de Jean-Marc Ayrault de 1989 à 2001. Conseiller général de Nantes depuis 1985, il a été élu président du conseil général de Loire-Atlantique en 2004. Patrick Mareschal est depuis de nombreuses années un partisan fervent de la réunification administrative de la Bretagne. En 1981, il a compté parmi les fondateurs du Comité pour l’unité administrative de la Bretagne Cuab, dont il a été le premier président.