Avec ses étranges entrelacs et décors sculptés il y a plus de cinq millénaires, Gavrinis est un des monuments bretons les plus connus au monde. Sa visite est désormais limitée en nombre de visiteurs, afin de ne pas l’altérer, tout en étant complétée.
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l faut s’imaginer l’excitation des antiquaires et historiens, découvrant dans la première moitié du xixe siècle, l’intérieur du “galgal”, ou cairn, de Gavrinis, situé sur l’île éponyme à l’entrée du golfe du Morbihan et les étranges entrelacs qui en décorent les dalles. À l’instar des égyptologues pénétrant après plusieurs millénaires dans le tombeau d’un pharaon, les savants de l’époque comprirent très vite que Gavrinis constituait un témoignage exceptionnel de l’art du Néolithique. Inspecteur général des Monuments historiques, Prosper Mérimée fut l’un des premiers à le visiter en 1835. “Outre sa situation souterraine, rapporte-t-il, ce qui distingue le monument de Gavrinis de tous les dolmens que j’ai vus, c’est que presque toutes les pierres, composant ses parois sont sculptées et couvertes de dessins bizarres. Ce sont des courbes, des lignes droites, brisées et combinées de cent manières différentes.”
Fouillé au xixe siècle, Gavrinis a fait l’objet d’une nouvelle recherche archéologique de 1979 à 1984, menée par Charles-Tanguy Le Roux. Les archéologues ont alors fait une découverte extraordinaire : la plaque supérieure du dolmen, qui comportait des éléments de décors, était en fait un tronçon de l’un des grands menhirs de Locmariaquer. Un autre tronçon a d’ailleurs été employé dans la célèbre Table des marchands. Érigés au début du Néolithique, au Ve millénaire avant notre ère, ces grands menhirs, dont le plus haut mesurait vingt mètres, ont ensuite été mis à bas, soit par l’action de l’homme, soit par celle de phénomènes naturels. Vers 3600 avant J.C., lors de la construction de Gavrinis, les hommes du Néolithique ont donc récupéré et réussi à transporter, par voie maritime, cet imposant bloc de pierre, pesant plusieurs tonnes. Les chercheurs pensent qu’ils ont procédé grâce à un système de radeaux, la dalle étant coincée entre des troncs. Pour assurer un supplément de flottabilité, il est également possible qu’ils aient installé, au dessus, un étage de pirogues.
En raison de la conservation exceptionnelle des décors et pour éviter les dégradations et les frottements, le nombre de visiteurs a été limité à vingt-cinq, par roulement, depuis la réouverture du site en 1989. Il est donc recommandé de réserver sa place, surtout entre le 15 juillet et le 15 août, période durant laquelle les organisateurs sont obligés de refuser une centaine de personnes par jour.
Monument d’intérêt mondial, Gavrinis nous rappelle également qu’il s’est passé quelque chose d’exceptionnel autour du golfe du Morbihan du Ve au IIIe millénaire avant notre ère. La présence de nombreux objets de prestige dans les tombes - dont certains proviennent des Alpes -, et la concentration de mégalithiques témoignent de ce phénomène unique en Europe. D’ailleurs, une partie de ce patrimoine, dont Gavrinis et les alignements de Carnac, fait actuellement l’objet d’une procédure de classement au patrimoine de l’Humanité de l’Unesco. Un vaste programme de recherches archéologique est également en cours, qui devrait nous révéler bien des surprises sur ces civilisations du Néolithique qui ont tant marqué cette région.
Renseignements : Cairn de Gavrinis, Cale de Pen-Lannic, 56870 Larmor-Baden. Tél. 02 97 57 19 38. Charles-Tanguy Le Roux, Gavrinis et les mégalithes du Morbihan, Éditions Gisserot, 2006.