Il est rare qu’une famille marque autant l’histoire d’un pays pendant une période aussi longue, que ne l’a fait celle de Rohan en Bretagne. Apparue au XIIe siècle, elle a pesé dans les destinées du duché au Moyen Age. Après s’être distingués à plusieurs reprises dans l’histoire de France et d’Europe, les Rohan ont vu un des leurs, Josselin, devenir président du conseil régional à la fin du XXe siècle.
Rohan est d’abord une petite hauteur, dominant l’actuel canal de Nantes à Brest en centre Bretagne. Elle abrite les ruines d’un puissant château fort, et la ville qui s’est développé en contrebas a donné son nom à l’une des grandes familles de l’histoire de Bretagne. En 1104, le lieu dépendait encore de la paroisse de Saint Gouniry, lorsque Alain, un jeune cadet de la famille de Porhoët, le reçoit en fief et y construit probablement une motte - une forteresse de bois et de terre, caractéristique de l’époque. Le jeune noble est issu d’un lignage puissant et prestigieux : son grand-père Guethenoc avait participé à la conquête de l’Angleterre aux côtés de Guillaume le Conquérant. Son père, Eudon Ier de Porhoët s’était taillé un important fief en Bretagne centrale. Le neveu d’Alain de Rohan, Eudon II de Porhoët dirigera le duché de Bretagne entre 1148 et 1156, pendant la minorité de son beau-fils Conan IV.
Alain est le premier à porter le titre de vicomte, les Rohan obtenant ensuite le titre de duc au XVIe siècle. Leurs armes sont composée « de gueules à sept macles d'or, posés 3,3,1 (armes anciennes) variante de gueules à neuf macles d'or, posés 3,3,3 (armes modernes) ». Alain Ier est à l’origine d’une puissance famille qui ne va cesser d’étendre son influence dans la péninsule au Moyen Age. Peu à peu, ses membres se taillent une véritable principauté, protégée par de puissants châteaux : Rohan, Josselin, La Cheze, Pontivy… Au XIVe siècle, ils deviennent également vicomtes de Léon. Ils possèdent également des terres dans le Trégor et en Cornouaille.
Duc ne daigne, roi je ne puis
La devise courante des Rohan était « A plus », mais on leur en prêtre une autre : « Duc je ne daigne, Roi je ne puis, Prince de Bretaigne, de Rohan suis » qui peut résumer leur poids dans l’histoire du duché, comme leur échec à devenir duc de Bretagne. On trouve ainsi des Rohan aux côtés de Charles de Blois lors de la guerre de Succession de Bretagne au milieu du XIVe siècle, puis dans l’entourage des ducs de la maison de Montfort au siècle suivant.
Mais le cas le plus étonnant reste sans doute celui de Jean II de Rohan, né en 1452 et mort en 1516. Il était l’époux de Marie de Bretagne, fille du duc François Ier, ce qui le plaçait en bonne position pour hériter du duché après les brefs règnes de Pierre II et d’Arthur de Richmont. Mais c’est un lointain membre de la famille de Montfort, François d’Estampes, qui monte sur le trône ducal. Jean II s’opposera d’ailleurs souvent au nouveau duc François II et ne le soutiendra pas lorsque le roi de France envahit la Bretagne en 1488. Néanmoins, son fils, qu’il rêvait de voir épouser Anne de Bretagne, meurt dans les rangs de l’armée bretonne à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier. Par la suite, Jean II s’efforcera, en vain, de faire valoir ses droits au duché et d’empêcher l’annexion de la Bretagne à la France.
Au XVIe siècle, nombre de Rohan se distinguent également en embrassant la religion protestante, ce qui en fait les champions de la religion réformée en Bretagne. Henri II de Rohan sera ainsi un des fidèles du futur roi Henri IV et le chef de file du protestantisme après l’assassinat du roi béarnais. Il mourra ensuite en Suisse.
Une famille européenne
Si l’on compte au Moyen Age des évêques de Saint-Malo et de Vannes, issus de la famille de Rohan, c’est au XVIIe siècle que les Rohan obtiennent une certaine consécration en donnant plusieurs évêques à la ville de Strasbourg, une charge qui leur permet d’accéder au rang de prince d’empire. En effet, depuis le XVIe siècle, les Rohan s’évertuent à se faire reconnaître comme princes à la cour de France, mettant en avant leur parenté avec les anciens rois de Bretagne – en n’hésitant d’ailleurs pas à fabriquer des faux historiques pour cela – et en multipliant les charges et les honneurs. A noter que la famille bretonne laissera un de ses plus beaux édifices à la capitale alsacienne, le palais Rohan. Le plus célèbre de ses ecclésiastiques fut incontestablement Louis-René-Edouard de Rohan-Guéméné (1734-1803) prince de Rohan et cardinal de Strasbourg, qui se retrouva au cœur de la fameuse affaire du collier de la reine, ce qui lui valut un séjour à la Bastille.
Une bonne partie de la famille émigre lors de la Révolution française et s’installe en Europe de l’est. C’est à elle que l’on doit les palais Rohan à Prague et à Vienne, ainsi que l’étonnant château de Syrchov, en Bohême. Ce château fort, remanié au XIXe siècle, est truffé d’hermines et de blasons des Rohan ce qui ne manque pas d‘étonner au cœur de l’actuelle République Tchèque ! La famille de Rohan aura donc compté nombre de personnages qui ont marqué l’histoire de Bretagne, mais aussi de l’Europe. Elle est cependant restée profondément attachée à la Bretagne et le vieux château de Josselin demeure dans son giron. Entre 1998 et 2004, c’est un lointain descendant d’Alain Ier, Josselin de Rohan, que les urnes ont, cette fois, placé à la tête de la Bretagne.
Pour en savoir plus
Alain Boulaire, Les Rohan, Editions France Empire, Paris, 2008.
Yvonig Gicquel, Jean II de Rohan ou l'indépendance brisée de la Bretagne, Editions Jean Picollec, Paris, 1994
Jean-Claude Fauveau, Le prince Louis Cardinal de Rohan-Guéméné ou les diamants du roi, Editions L'Harmattan. 2007.