La période allant de l’Antiquité tardive au début du Haut Moyen Âge représente, pour la Bretagne, l’âge des rois et des saints. Une époque mal connue en raison de la faiblesse des textes comme des recherches archéologiques, mais d’où émergent un certain nombre de personnages dont Maudez (aussi écrit Maodez ou Modez), un Irlandais devenu ermite dans l’estuaire du Trieux.
Selon la très partiale Vie des saints de Bretagne d’Albert Le Grand, Maudez serait le fils d’un roi d’Irlande – d’« Ultonie », peut-être l’Ulster. Il serait le dernier rejeton d’une famille de dix enfants. Dès l’âge de sept ans, on l’envoie dans un monastère où il se forme pendant dix ans. Revenu dans la résidence royale, il tente de réformer les mœurs parfois dissolues de la cour.
Les raisons pour lesquelles il quitte l’Irlande restent obscures. Pour certains, il refusa de régner et de prendre la place de son père. Ce qui l’amène à se cacher et prendre la fuite. Ainsi, selon Albert le Grand, « de peur d'estre découvert, il se déguisa & se rendit au prochain port de mer, où, ayant trouvé un vaisseau prest à faire voile vers la Bretagne Armorique, il s'y embarqua &, d'un bon vent, le troisième jour, il arriva au rivage de Dol, d'où il alla au Monastere de saint Samson, &, depuis, visita la pluspart des monasteres de la haute Bretagne & de la basse. »
Disciple de saint Tugdual
Arrivé en Armorique, Maudez visite donc toute la Bretagne et prêche dans les campagnes et les premières paroisses. Il semble qu’il devient très vite un proche de Tugdual, demeurant à Lexobie – probablement Le Yaudet, près de Lannion – et fondateur de l’évêché de Trégor. La cathédrale de la ville épiscopale, Tréguier, lui est d’ailleurs consacrée. À noter qu’au haut Moyen Âge, l’appellation « saint » - du latin « sanctus » - ne revêt pas forcément la même signification qu’aujourd’hui dans l’église romaine, mais désigne de manière générale un religieux. D’où, souvent, cette pléthore de saints bretons, pas toujours très catholiques, qui pour la plupart ne sont d’ailleurs pas reconnus par le Vatican.
Après avoir beaucoup prêché en Bretagne, Maudez n’aspire qu’à une chose : devenir un anachorète, un ermite dévoué à Dieu et isolé dans un lieu désert. Il obtient de saint Ruelin, un autre abbé, le droit de s’établir dans la, paroisse de Pleubihan, sur les rives du Trieux. Mais sa renommée le suit, et il ne tarde pas à être perturbé par l’afflux de visiteurs qui viennent le déranger dans ses méditations. « On le venoit, indique la vie des Saints de Bretagne d’Albert le grand, visiter en sa solitude, les uns pour estre par luy instruits, les autres pour avoir resolution de leurs scrupules, aucuns pour se recommander à ses prieres, & les malades & oppressez de quelques infirmitez que ce fussent, pour recevoir parfaite santé : il guérit des paralytiques, illumina des aveugles, rendit l'ouye aux sourds, & chassoit les diables des corps qu'ils possedoient »
L’île de Maudez
Excédé, Maudez décide de s’isoler encore plus, sur une île du Trieux, en face de l’archipel de Bréhat. Là, Maudez se construit une petite cellule en forme de cône, de trois mètres de diamètres sur deux et demi de haut. Une construction en pierre, toujours visible et qui rappelle fortement les édifices similaires en Irlande – notamment sur le littoral du Kerry -, bâtis dans la même période. À quelques mètres de cet édifice, on distingue les restes circulaires d’une autre cellule, ce qui laisse à penser que Maudez ne resta pas longtemps ermite, mais fut à l’origine d’un monastère dans l’île.
On dit aussi qu’il chassa tous les serpents qui étaient forts nombreux sur l’îlot. Une légende qui ressemble beaucoup à celle de saint Patrick en Irlande. Saint Maudez s’obligea en tout cas à suivre une vie ascétique : « La nuit, après Matines & les prieres ordinaires, il s'alloit coucher en une caverne dans un roc, du costé du nord, vers la grande mer, qu'encore à present on nomme Guelé Sant Modez, c'est-à-dire, lit de saint Maudez, n'ayant que la froide pierre pour matelas & chevet, & voit-on encore, en cette pierre, la marque de son Corps », apprend-on d’Albert le Grand.
Miracles posthumes
Autre miracle, saint Maudez fit apparaître de l’eau douce sur l’île, ce qui aurait permis l’établissement d’une petite communauté monastique jusqu’au IXe siècle. À cette époque, fuyant les incursions des Vikings scandinaves, les moines emportent les reliques de Maudez en France. Elles sont un temps entreposé à Bourges, avant de revenir en Bretagne où se développe, notamment dans le Trégor, un culte de saint Maudez.
L’Irlandais est en effet réputé guérir des morsures de serpent ou des piqûres d’insectes. Il aurait aussi un effet sur les rhumatismes. L’action du saint est parfois plus impressionnante. Ainsi, durant la guerre de Succession de Bretagne, alors qu’un pirate voulait s’emparer du trésor de Lanmodez, la paroisse qui lui était consacrée, les habitants invoquèrent le saint. Et, selon Albert Le Grand, « Ce miserable pyrate, ayant pillé les riches meubles de la sacristie, s'en retournant, se baissa sur l'arçon de la selle pour regarder dans le puits de saint Maudez, duquel sortit une flamme de feu, qui, en moins de rien, le reduisit en cendre, avec son cheval ; ses compagnons, ayans veu cette vengeance, furent sages aux dépens de leur capitaine & rendirent l'argenterie au Sacristie, puis se retirerent. »
Pour en savoir plus
Arthur de la Borderie, Histoire de Bretagne
Albert Le Grand, Vie des saints de Bretagne