Pendant plusieurs décennies, à la fin du XIXe siècle, le dinannais Auguste Pavie explora l’Indochine. Géographe, ethnologue et diplomate, il permis à la France d’exercer son protectorat sur le Laos. Retiré en Bretagne, il mis à profit sa retraite pour rédiger des mémoires qui constituent un témoignage exceptionnel sur l’Extrême-Orient.
En cette fin 1885, la situation du royaume du Laos est catastrophique. Le Siam (l’actuelle Thaïlande) y exerce un vague protectorat et cherche à annexer une partie de son territoire qui demeure très mal connu des Européens et n’a pas été cartographié avec précision. Au nord du royaume, la région du Haut Tonkin est soumise aux raids des terribles Pavillons noirs, des pirates d’origine chinoise. C’est dans ce contexte qu’arrive un curieux personnage, Auguste Pavie, dans la capitale Luang Prabang où il a été nommé vice-consul de deuxième classe. La France est en effet la puissance coloniale émergente dans la région qui exerce son autorité sur la Cochinchine et le royaume de Hué et lorgne sur le Laos. « A ce moment de nos difficultés avec la Chine et le Tonkin, écrit Pavie dans ses mémoires, il était nécessaire d’être renseigné sur les régions voisines de nos premiers postes où les Pavillons Noirs étaient établis, où le Siam envoyait des soldats, installait des agents. Il était indispensable également de rechercher des voies de communication unissant à l’Annam et au Tonkin, les pays dont nous revendiquions la possession. »
Il sauve le roi
Peu de temps après son arrivée, Auguste Pavie décide d’explorer les pistes qui mènent vers le nord. Mais, en route, il assiste à l’exode des populations locales fuyant les Pavillons Noirs qui marchent vers Luang Prabang. Il revient vers la capitale laotienne où il constate avec stupeur que les troupes siamoises chargées de sa défense ont fui la ville. C’est le Dinannais qui se charge alors d’organiser la défense de la ville, tache bien difficile au vu de l’absence de fortifications et de troupes aguerries.
Il n’empêchera pas les Pavillons Noirs de prendre la capitale laotienne et de l’incendier. Mais, dans les combats, un de ses compagnons cambodgiens sauve le roi. Pavie parvient aussi à évacuer la famille royale vers Paklai. Cette attitude lui vaut la reconnaissance des dirigeants laotiens. Sa conquête des cœurs est d’autant plus complète que, médecin improvisé, il a soigné un bonze important, le supérieur du monastère de Vat Mai. Ce dernier envoie chercher les chroniques du royaume, documents qui permettent à Pavie d’affirmer que les prétentions du Siam sur le Laos n’ont aucune prétentions historiques. Grâce à l’action de Pavie, le Laos est mûr pour passer sous domination française.
« Je connus la joie d'être aimé des peuples chez qui je passai »
Qui était cet explorateur et aventurier qui était ainsi parvenu à augmenter l’empire colonial français de ce nouveau «royaume du million d’éléphants»? Ce personnage à la barbe broussailleuse et au grand chapeau qui parcourt sans relâche les jungles, les fleuves et les montagnes de la péninsule indochinoise?
Auguste Pavie est né en 1847 à Dinan. A 17 ans, il s’engage dans l’armée, puis, trois ans plus tard, devient sergent dans l’infanterie de marine et embarque pour la Cochinchine. Libéré au bout de quelques mois, il entre aux posters et télégraphes et parcourt l’Indochine. Au cours de ces voyages, il observe, prend des notes, cartographie, reconnaît de nouvelles pistes. Doté d’un réel courage physique, ouvert et charismatique, il multiplie les contacts avec les populations locales dont il étudie le mode de vie. « Je connus la joie d'être aimé des peuples chez qui je passai », explique-t-il dans ses mémoires.
Ces explorations savantes révèlent aussi ses aptitudes de diplomates dont les ministères vont profiter. En 1885, il est donc nommé vice-consul au Laos et, suite à son action lors du siège de la capitale, le roi lui explique que « Si mon fils y consent, nous nous offrions en don à la France, sûrs qu’elle nous gardera des malheurs futurs. » C’est Pavie qui négocie en partie le traité du 3 octobre 1893 fixant la frontière entre le Siam et l’Indochine française sur le Mékong. Pavie est ensuite nommé Commissaire général au Laos pour organiser le nouveau territoire. Il met à profit cette nouvelle fonction pour étudier de façon ethnologique les Laotiens.
Pendant 20 ans, il rédige ses mémoires
Auguste Pavie revient en Europe en 1898. On lui propose des postes prestigieux comme l’ambassade de France en Chine, mais il refuse pour se consacrer à l’exploitation des notes prises pendant ses expéditions. Revenu en Bretagne en 1905, pendant vingt ans, il se consacre à l’écriture d’une dizaine d’ouvrages dont la Mission Pavie, Contes du Cambodge et du Laos. Ses archives qui constituent un témoignage exceptionnel sont à l’origine de la création du fonds Auguste Pavie, à la bibliothèque municipale de Dinan, consacré au Cambodge, au Laos et au Viêt-Nam. A noter que c’est un autre Dinannais, René Pleven qui occupait le poste de ministre de la guerre en 1954, lors de Dien Bien Phu, la terrible bataille qui s’est livrée aux confins du Vietnam et du Laos et qui devait consacrer la fin de la présence française en Indochine et l’accession du Laos à l’indépendance.