En 1066, Guillaume, duc de Normandie, débarque sur la côte anglaise pour y faire valoir ses droits au trône et combattre Harold, prince saxon qu’il a lui-même fait chevalier. Son armée compte de nombreux bretons, près d’un tiers selon certains historiens. Dans sa description de la bataille d’Hastings, Guillaume de Poitiers indique que l’aile gauche de Guillaume comprenait les fantassins et cavaliers bretons. La présence massive de Bretons est facilement explicable par leur proximité géographique avec la Normandie et parce que Guillaume y voit un moyen simple d’éloigner de son flanc sud, des combattants turbulents qui l’ont parfois mis en difficultés. On l’a d’ailleurs accusé d’avoir empoisonné, cette même année 1066, Conan II, duc de Bretagne, en qui il avait trouvé un rival sérieux et dangereux.
De grandes familles anglo-bretonnes
Après sa victoire sur les Saxons, Guillaume devenu « Le conquérant » s’attribue ainsi qu’à sa famille et à l’Eglise près de 50 % des terres confisquées en Angleterre. Il distribue le reste aux nobles qui l’ont accompagné. Au cours du XII ème siècle, une grosse quinzaine de baronnies anglaises était ainsi aux mains de familles bretonnes, soit autours de 6 % de cette classe. En 1166, les Bretons auraient été à la tête de 250 fiefs, soit 5 % du total. C’est à peu près l’équivalent de ce que Guillaume avait laissé aux Saxons et aux Anglais de souche. Selon l’historien Michael Jones, la majorité des chevaliers bretons à s’installer en Angleterre étaient issus de la petite ou de la moyenne aristocratie. De même, ils semblent en majorité provenir du nord-est de la Bretagne, d’un triangle englobant Lamballe-Rennes-Fougères.
Parmi les Bretons arrivés avec Guillaume le Conquérant, une famille bretonne tire, dans un premier temps, très bien son épingle du jeu. Il s’agit des Penthièvre dont, Brian ou Brient, fils d’Eudes, frère d’Alain III duc de Bretagne. Trop ambitieux, Ce dernier se vit rapidement confier le comté de Cornouailles, au sud-ouest de l’île. Chez les principaux aventuriers qui se taillèrent de beaux fiefs après la conquête, citons Raoul de Gaël, Geoffroy de la Guerche et Juhel de Totnes. Sans compter les innombrables anonymes qui firent fortune avec la conquête ou en se faisant mercenaires, dans les années qui suivirent, pour les nouveaux souverains anglo-normands.
Ces Bretons ne tardèrent pas à être assimilés dans le grand empire anglo-angevin, alors en formation sous la férule des Plantagenêt, puis dans la nouvelle société britannique qu’ils avaient contribué à fonder. L’historien Michael Jones relève cependant que des liens très solides semblent avoir perduré entre les familles anglo-bretonnes. Ainsi, lorsque le dernier lord Dinham (héritier de la famille de Dinan) meurt en 1501, deux de ses quatre sœurs se marient avec des héritiers de familles bretonnes, les Fitzwaryn et les de la Zouche. Pendant plusieurs générations, on continue à donner des noms bretons dans les familles nobles originaires de Bretagne. Dans le fief de Richmond, les Harscouët, Rualent, Gurwant, Guihomar sont nombreux au XII ème siècle. Sans compter les nombreux Brito, désignant vraisemblablement des personnes d’origine bretonne et qu’on retrouve un peu partout dans l’Angleterre de l’époque. Les échanges valent aussi dans le domaine religieux. Il semble ainsi que la fondation de l’abbaye cistercienne de Kirkstead, dans le Lincolnshire, soit le fait de Bretons.
Parallèlement, bien des familles anglo-bretonnes continuent à tenir longtemps des terres des deux côtés de la Manche, notamment sous le règne du roi d’Angleterre, Henri II Plantagenêt, fondateur d’un puissant empire trans maritime anglo-angevin. Ce grand roi anglais, qui avait mis la Bretagne sous sa tutelle, put briser bien des velléités d’indépendance des grandes familles bretonnes en menaçant de leurs confisquer leurs riches domaines outre-Manche.
L’honneur de Richmond
Le roi d’Angleterre possédait aussi un moyen de pression similaire sur le duc de Bretagne à grâce à l’« honneur » de Richmond, une petite ville du nord de l’Angleterre dont le donjon, toujours visible, aurait été construit par le duc breton Conan IV. Ce fief important, essentiellement composé de terres dans le Nord de l’Angleterre était une source de revenus non négligeable pour les ducs. Pour les punir, les rois d’Angleterre le leur confisquaient donc, comme ce fut le cas temporairement lors de l’avènement d’un prince capétien, Pierre Mauclerc, à la dignité ducale en 1213.
Les Stuart de Dol
Avec les problèmes de succession du roi Henri Beauclerc et la guerre civile qui s’en suit, au début du XIIème siècle, arrive une nouvelle vague de guerriers bretons dont l’ancêtre des D’Aubigny et un certain Alan Fitsflaad, de Dol-de-Bretagne, dont sont issues deux grandes familles de l’histoire britannique, les Fitzalan et surtout les Stuart. Un descendant d’Alan, Walter Fitz Alan, devint un des fidèles du roi d’Ecosse, David Ier. Walter, puis son fils Alan, gagnent la charge de « Stewart », sénéchal de la cour d’Ecosse. Ce titre deviendra peut à peu le patronyme de la famille, évoluant de « Stewart » en « Stuart ». Après la bataille de Bannockburn, En 1314, le roi Robert Bruce donne sa fille Marjory en mariage à Walter III Stewart. Leur fils, Robert II, devient en 1371, le premier roi d’Ecosse de la dynastie des Stuart.
Les Stuart continuèrent d’entretenir des rapports avec la Bretagne. En 1442, Isabeau d’Ecosse, fille du roi Jacques Ier, se maria au duc de Bretagne François Ier. Après la mort de son mari, Isabeau choisit d’ailleurs de finir sa vie dans sa patrie d’adoption. Quant à Marie Stuart, reine d’Ecosse au destin tragique et célèbre, c’est à Roscoff qu’elle débarqua, en 1548, pour être mariée au dauphin François II. C’est encore de Bretagne, à la fin du XVII ème, le prétendant aux trônes d’Ecosse et d’Irlande, Jacques II, descendant des Stuart, embarque avant d’être défait à la bataille de la Boyne, en juillet 1690, par le prince protestant Guillaume d’Orange. C’est enfin de l’estuaire de la Loire, près de Saint-Nazaire, que partit, en 1745, un prince issu de la famille des Stuart, Charles Edouard. Il souleva l’Ecosse, battit les Anglais à maintes reprises avant d’être écrasé. Après moult épisodes rocambolesques, traqué avec acharnement par ses ennemis, il parvint à s’échapper et être récupéré par deux vaisseaux commandés par le malouin Dufresne et de revenir en Bretagne, à Roscoff. Il est resté dans l’histoire écossaise comme le légendaire Bonnie prince Charlie.
Pour en savoir plus :
Mémoires de la société d’Histoire et d’archéologie de Bretagne, 1981.
Arthur de la Borderie, Histoire de Bretagne.
Chédeville (A), Tonner (N.Y), La Bretagne féodale. .