Le château de Mayenne, à quelques kilomètres des Marches de Bretagne, conserve des murs en élévation de l’époque carolingienne, une particularité très rare en Europe. Il est aussi lié à l’histoire de Bretagne, puisque sa construction, au début du xe siècle, marque la reprise en main de cette région par le pouvoir carolingien suite aux incursions bretonnes.
Située à une quarantaine de kilomètres de Fougères, la paisible ville de Mayenne possède un château médiéval dont subsiste une partie de l’enceinte et des tours du xiiie siècle. Il s’agissait d’une des innombrables forteresses françaises faisant face, à l’époque, à celles des Marches de Bretagne. Au xviiie siècle et jusque 1936, le château est transformé en prison, ce qui entraîne un réaménagement du corps de logis qui présente, en extérieur, une façade classique. Au début des années 1990, la municipalité lance un projet de restauration et de transformation du site en lieu culturel.
Mais, une belle surprise attendait les aménageurs lorsque les crépis ont été enlevés. “Des arcades en brique sont apparues, ce qui est très inhabituel dans ce genre de bâtiment, explique Nathalie Roussel, directrice du musée du château. Des prélèvements de charbon de bois ont été effectués et il s’est avéré que ces murs avaient été construits entre 900 et 920. De plus, ils étaient conservés sur plusieurs étages, ce qui est hors du commun. En Europe, il n’existe qu’un ou deux autres exemples de bâtiments civils conservés depuis l’époque carolingienne.” Une opération d’étude archéologique est aussitôt envisagée et, en raison du caractère exceptionnel de la découverte, un appel d’offres international est lancé. C’est une équipe anglaise, l’Oxford archaeological unit, qui a donc fouillé le site de 1996 à 2000.
Un palais carolingien
Les archéologues ont également mis au jour des trous de poteaux, seuls vestiges d’une construction en bois édifiée là entre le ve et le viie siècle. Un imposant bâtiment lui a succédé vers 900. Il est bâti à partir de blocs de pierre prélevés à Jublains, une ancienne ville gallo-romaine située à quelques kilomètres de là, qui avait elle-même succédé à l’oppidum voisin de Moulay, l’un des plus importants recensés dans l’ouest de la Gaule et qui était l’agglomération principale du peuple gaulois des Diablintes. Vers 900, Jublains et sa forteresse sont donc abandonnés pour Mayenne qui surplombe un gué sur la rivière éponyme. Il s’agit d’un déplacement de population et du centre de pouvoir politique. On y construit un véritable palais, avec un logis rectangulaire et une tour d’angle de trois étages. L’architecture rappelle les constructions antiques, ce qui s’inscrit dans le contexte de la renaissance carolingienne, lorsque les rois francs entendaient ressusciter l’empire romain d’Occident.
Cette construction a probablement été ordonnée par les comtes du Maine, alliés locaux du pouvoir franc. Ils y ont installé un fonctionnaire qui est peut-être à l’origine de la famille de Mayenne, connue au xie siècle. Ce fidèle commandait une garnison, car le château de Mayenne était une sorte de base arrière face aux Bretons qui constituaient alors la principale menace contre l’ouest du royaume franc. Dans la seconde moitié du ixe siècle, les Bretons de Nominoë et de ses successeurs ont en effet ravagé le Maine et ont repoussé les limites de la Bretagne à l’est, annexant temporairement une partie du Cotentin, de la Mayenne et de l’Anjou. Vers 900, suite aux attaques vikings, le royaume breton est cependant en repli, et la construction du château de Mayenne correspond à une reprise en main, tant militaire que symbolique, de ce territoire par le pouvoir carolingien. Il constitue donc un témoignage unique sur l’histoire des Marches et des rapports entre la Bretagne et ses voisins orientaux au Moyen Âge. Désormais restauré et réaménagé, il accueille un musée d’archéologie médiévale présentant, entre autres, un ensemble étonnant de pièces de jeu d’échec et de tabula, découvertes pendant les fouilles et qui auraient été confectionnés en os entre le xe et le xiie siècle.