La Bretagne a eu son royaume au Moyen Age, juste avant l’an mille. D’abord alliés aux Carolingiens, les souverains bretons Nominoë, Erispoë et Salomon ont combattu les Francs avant de repousser les frontières de leur principauté vers l’Anjou et la Normandie. Ce royaume de Bretagne s’est cependant écroulé sous le coup des invasions normandes.
Chez les anciens Celtes, puis chez les différents peuples de l’Europe occidentale au haut Moyen Age, le terme de « roi » avait une signification variable et fort différente du concept que nous nous représentons aujourd’hui, au regard des derniers rois de France ou des actuelles monarchies constitutionnelles en Europe. En effet, le terme désigne alors un chef communautaire, disposant d’une autorité plus au moins théorique sur un territoire plus ou moins important. Ainsi, dès les VIe siècle, des « rois » sont signalés en Bretagne, dont le légendaire Gralon régnant sur la cité d’Ys.
Au début du IXe siècle, l’empereur Louis Le Pieux tente d’imposer sa domination sur la péninsule. Il combat et vainc Morvan Lez Breizh, roi des Bretons de Cornouaille. En 818, probablement à Carhaix – l’antique Vorgium –, Louis Le Pieux obtient la soumission des chefs bretons et ordonne l’alignement de l’église locale – alors de rite celtique – sur les règles du continent. Mais pour obtenir une soumission durable, l’empereur carolingien comprend néanmoins que les Bretons accepteront plus facilement l’un des leurs comme dirigeant. Il nomme donc, en 832, un certain Nominoë comme son représentant - son missus dominicus - dans la péninsule armoricaine. Ce dernier restera fidèle jusqu’à la mort en 840 du fils de Charlemagne. L’Empire est ensuite partagé entre les trois fils de Louis, dont Charles Le Chauve qui obtient la Francie occidentale, ce qui provoque un certain nombre de révoltes.
Les batailles contre les Francs
Avec l’aide des comtes de Nantes, des aristocrates francs de la dynastie des Lambert, Nominoë se rebelle rapidement contre Charles Le Chauve. Il le bat à la bataille de Ballon en 845, un terrain marécageux des environs de Redon, où, selon les Annales de Saint-Bertin : « Charles ayant imprudemment attaqué la Bretagne de Gaule avec des forces limitées, les siens lâchent pied par un renversement de fortune. », Selon les Premières Annales de Fontenelle, « Les Francs étant entrés en Bretagne, engagèrent le combat avec les Bretons, le 22 novembre, aidés par la difficulté de lieux et les terrains marécageux, les Bretons se révélèrent les meilleurs. »
Cette bataille de Ballon n’a visiblement été qu’une escarmouche, la bataille de Jengland-Beslé, remporté par le fils de Nominoë, Erispoë, en 851, se révélant beaucoup plus décisive pour la pérennité de l’indépendance bretonne. Néanmoins, Ballon a été retenu par un certain nombre d’historiens contemporains pour exalter cette souveraineté bretonne obtenue au Moyen Age.
Comment les Bretons ont-il pu mettre en échec à plusieurs reprises la puissante armée carolingienne qui, quelques décennies plus tôt, avait unifié une bonne partie de l’Europe sous le glaive de Charlemagne ? Utilisant les ressources du terrain, entraînant leurs ennemis dans des zones de marais, les Bretons les épuisent par des manœuvres de cavalerie et en les harcelant de javelots, avant de fondre sur eux et de les anéantir. Grâce aux sens stratégique de ses chefs, en quelques années, la Bretagne de Nominoë – mort en 851 lors d’une expédition militaire à Vendôme - s’impose comme un acteur politique majeur dans l’ouest de la Gaule. Quelques mois après sa mort, en septembre 851 est signé le traité d’Angers. Charles le Chauve reconnaît la royauté d’Erispoë et lui concède les comtés de Rennes, de Nantes et le Pays de Retz, les actuelles frontières de la Bretagne historique.
Un archevêché breton
Après avoir défait les Francs, Nominoë et ses successeurs vont s’efforcer d’asseoir leur pouvoir, tant militaire que civil. Hors, ce dernier passe à l’époque par le développement des institutions religieuses. C’était déjà sous Nominoë que se développe la puissante abbaye de Redon fondée en 832 et qui devient le grand centre intellectuel du royaume breton.
Après avoir exilé nombre d’évêques « francs », Nominoë avait crée, en 848, un archevêché à Dol-de-Bretagne, qu’il érige en métropole pour faire pendant à celle de Tours trop inféodée à son goût au pouvoir franc. Le « schisme breton » durera jusqu’au milieu du XIe siècle mais, malgré les tentatives des souverains bretons, le Vatican finira par donner raison à l’archevêché de Tours.
Guerre civile et vikings
Pour ses campagnes militaires, Nominoë et Erispoë pouvaient s’appuyer sur une noblesse guerrière nombreuse. Ils recrutaient également dans leur propre famille. C’est ainsi que le cousin d’Erispoë, Salomon – dont le patronyme d’origine biblique a donné le nom de famille Salaün, très courant aujourd’hui en Bretagne – obtient, en 852, le gouvernement du tiers de la Bretagne. Peut-être inquiet d’un possible rapprochement entre Erispoë et le roi des Francs, Salomon prend le pouvoir en 858. Il règnera une quinzaine d’années. Il augmente considérablement le royaume de Bretagne en obtenant une partie du Maine en 863, puis le Cotentin, l’Avranchin et les îles anglo-normandes en 867.
Retiré au monastère de La Martyre, en Léon, pour y expier le meurtre de son cousin Eripoë, il est déposé par son gendre Pascweten et celui d’Erispoë, Gurvant. Ces derniers vont ensuite s’entredéchirer dans une guerre civile qui fragilise la Bretagne pourtant soumise à un grave péril, les raids des vikings qui se multiplient au IXe siècle. En 890, un nouveau souverain, Alain Le Grand, parvient à restaurer une certaine autorité dans la péninsule. Après sa mort, la Bretagne sombre dans le chaos et les Normands s’installent à Nantes et sur le littoral nord. Il faudra attendre 937 pour voir un descendant des rois bretons, Alain Barbe-Torte, chasser les Scandinaves de la péninsule. Mais ce dernier, comme ses successeurs, ne porteront que le titre de duc de Bretagne.
Pour en savoir plus :
Jean-Christophe Cassard, Les Bretons de Nominoë, Beltan, Brasparts, 2005.
Hervé Le Botref, Nominoë et l’épopée des rois de Bretagne, Editions France Empire, Paris, 1999.
André Chédeville, Hubert Guillotel, La Bretagne des saints et des rois (Ve-Xe siècle), Editions Ouest-France, Rennes, 2003.
Arthur de la Borderie, Barthélemy Pocquet, Histoire de Bretagne, Coop Breizh, Spézet, 1998.